Capbreton Jazz Festival 2022

par Philippe Desmond

Le jazz reprend ses quartiers d’été dans la station balnéaire – mais pas que, on y vit agréablement hors saison – de Capbreton. Stage de contrebasse à l’origine créé il y a plus de trente ans par le luthier Christian Nogaro, devenu festival, puis « Fugue en Pays Jazz » , ensuite « Août of Jazz » en 2015, c’est depuis l’an dernier qu’il se déroule en juillet sous la houlette de son directeur artistique Bernard Labat et de son équipe, la Ville de Capbreton étant maître d’œuvre. Merci et bravo à elle car en plus tout est gratuit ! Pas exactement d’ailleurs comme Guital l’a signalé au public lors de son concert du vendredi, le festival n’est pas gratuit, il vous est offert. La nuance est forte.

Jeudi 7 juillet 2022

Pour la soirée d’ouverture en ce jeudi 7 juillet c’est une innovation que tentent les organisateurs. Un concert au Domaine de la Pointe, seule propriété viticole de la ville, juste derrière le cordon dunaire bordant l’océan, des vins de sable. Jolie scène pour accueillir quelques élèves de fin de cycle du Conservatoire des Landes puis le trio de leur professeur, le pianiste Didier Ballan entouré de Jericho Ballan son fils aux baguettes et Chuchi Garcia à la contrebasse, il en fallait au moins une, histoire du festival oblige.

Deux foodtrucks et surtout une cabane de dégustation et de vente des vins locaux où on peut en voir et en boire de toutes les couleurs, blanc, rouge, rosé. Le public va-t-il venir dans ce lieu à l’écart du site principal du festival ? Bernard Labat est un peu inquiet, comme toujours. Il ne va pas l’être longtemps, c’est la foule qui va envahir le domaine, de longues queues se forment pour manger et acheter le nectar du cru, la petite route menant au domaine est saturée, les organisateurs vont y faire la circulation, c’est Woodstock, 600 personnes qui vont vider les foodtrucks et les bouteilles, écoutant pour la plupart d’une oreille distraite les musiciens ! Une vraie fête païenne. Une réelle surprise pour les organisateurs.

Et le jazz là-dedans ? Il a tenu ses promesses. Très jolie première partie avec un, puis une pianiste accompagnant Gilda chanteuse pleine d’aisance et talentueuse, juste diplômée de son DEM tout comme le batteur Loïc Bonnaud très jeune et déjà bien expérimenté que nous avions déjà remarqué. Chuchi et sa contrebasse sont déjà en scène avec eux.

La soirée est douce même si un peu de fraîcheur arrive de l’océan tout proche et la foule est toujours là, vidant la cave de la propriété ; eux non plus ne s’attendaient pas à cette ruée vers leurs délicieux breuvages ; boire avec modération mais justement modération n’est pas là ce soir…

Voilà maintenant le trio de Didier Ballan tellement rare, trop rare à mon goût, des années que je ne l’ai pas entendu. Une attente récompensée par un set magnifique commencé de façon inattendue par la paisible ballade de King Crimson « I talk to the wind » tirée de l’album légendaire de 1969. Notre génération est aux anges, appréciant doublement ce bel arrangement. Le set va être très varié quant aux choix du répertoire, le trio affichant lui une forte unité autour de son leader qu’il est tellement bon de retrouver sur scène avec en plus un vrai et bon piano : Monk avec « Evidence », Didier Ballan lui-même avec « Japam » et « Jericho dance », Elvis Presley (!) et « Love me tender » et aussi « What a difference a day make », « Time after time »… Un vrai régal sous le soleil couchant au bord des vignes et des dunes.

On peut à la fin de la soirée voir ceux qui sont venus pour la musique, les autres sont eux déjà partis, se privant d’un plaisir presque plus enivrant… Demain ce sera au jardin public que se poursuivra le festival.

 

Vendredi 8 juillet 2022

Nous voilà au jardin public avec, nouveauté cette année, une imposante scène couverte ! Concert apéritif à 11h30 avec Saxy Crooner quartet : Charly Roux (sax ténor et voix), Jean-Michel Brière (guitare, guitare synthé), Jean Aroztegui (contrebasse et basse), trois musiciens confirmés pour le dire élégamment et Loïc Bonnaud (batterie) même pas vingt ans. Ils ont invité un autre espoir du jazz, tout récemment admis au CNSM de Paris, le tromboniste Antonin Puyo. Un set de swing entamé par un titre que j’adore, « Stolen Moments » puis prolongé par des chansons swing, Ray Charles, Boris Vian, Nat King Cole, Frank Sinatra, ou aux accents brésiliens avec Henri Salvador, Nino Ferrer… A souligner le duo amusant sur « Que j’aime t’embrasser » entre le trombone d’Antonin et celui virtuel et vocal – à s’y méprendre – de Charly, ce dernier expliquant que c’est en le voyant le faire qu’Antonin alors tout petit avait eu envie de jouer de l’instrument. Un set très cool enflammé par le « St Thomas » de Sonny Rollins, idéal pour ce lancement apéritif de la scène du jardin public.

Après-midi, direction les balances y retrouver les amis photographes et journalistes de Citizen Jazz et Couleurs Jazz Media, confrères, concurrents mais surtout amis, avec cette même passion pour le jazz, les jazz. De très bons moments passés ensemble. C’est Crawfish Wallet qui se prépare pour le concert du soir, je les connais par cœur ces quatre musiciens bordelais mais pas mes collègues, je me suis pas mal avancé auprès d’eux pour les recommander, j’ai un peu la pression. La rayonnante Amandine Cabald-Roche (washboard, chant), le pince sans rire Fred Lasnier (contrebasse, chant), le faux timide Jean-Michel Plassan (banjo, chant) et le tonitruant soufflant Gaëtan Martin (trombone) ont quelques réglages à faire mais ils jouent tellement souvent car tous les organisateurs se les arrachent que la séance n’est qu’une formalité. Mes amis, encore sous le charme d’Amandine et ses boys, me raconteront que le soir ceux-ci avec leurs musiques de New Orleans ont une nouvelle fois enflammé le public (plus de 1300 personnes) celui-ci finissant debout à hurler pour des rappels. Je ne leur avais donc pas menti. Mais moi où étais-je ? Pas très loin à Hendaye pour un concert dans le cadre de Guitaralde pour le concert d’un certain Mike Stern (on en parlera dans ces colonnes). Les Crawfish Wallet – et Bernard Labat le directeur musical du festival – m’avaient donné leur bénédiction, il est vrai que les ai vus maintes fois mais il y en aura d’autres et avec grand bonheur. J’aurai aussi manqué le concert de blues de Big trio (ils sont en effet quatre) qui avec son blues a bien remué le public, pas l’inauguration du festival par les élus. Mais il reste encore deux jours pour me rattraper.

A suivre…

Galerie photos : 

Ouverture du festival par les élus et Bernard Labat

 

Sébastopol qui a animé le début de soirée