Premier festival « Be(e) Holiday » à Mios

par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine et Jean-Michel Meyre. (cliquer pour agrandir)

Samedi 20 juillet

Voir naître un festival de jazz est déjà pour tous les amateurs une grande joie, mais quand ça se passe en plus avec cet enthousiasme des organisateurs, des élus et du public c’est encore meilleur ! Voilà donc la première édition du Be(e) Holiday, nom aux multiples clins d’œil (Billie bien sûr, les vacances en ce mois d’août et les abeilles du nom du parc voisin) du festival de jazz de Mios, tout proche du Bassin d’Arcachon. Initié par Valentin Foulon et Sébastien Barthélémy de l’école de musique Music en l’Eyre et avec bien sûr le soutien financier de la Ville de Mios et de partenaires privés, ce festival est entièrement gratuit, plus exactement entièrement offert au public, nuance. Une programmation très diversifiée a été concoctée pour intéresser toutes les oreilles, tout cela sous le parrainage de Guillaume Nouaux, enfant du Bassin d’Arcachon et surtout Maître musicien de jazz. Il est bien sûr présent dans la programmation avec son trio.

Sous la jolie halle en bois c’est une conférence qui ouvre le festival, celle de Jérôme Gatius qui va nous parler de « La clarinette dans le jazz ». Assisté du pianiste renommé Jacques Schneck et de Sébastien Barthélémy (tr) , il va nous montrer toutes les facettes que possède cet instrument créé à l’origine pour la musique classique et comment on s’en sert en jazz. Les inflexions, le vibrato, le staccato, tous ces « ingrédients » qui vont faire sonner jazz ce bois, des graves puissants aux aigus flamboyants. On entendra Johnny Dodds, Jimmie Noone, Sydney Bechet… Croyez moi après une telle démonstration on n’écoute plus la clarinette comme avant !

Place ensuite à l’inauguration et aux discours pour une fois plein d’enthousiasme, un ruban tricolore étant même coupé par des enfants du Conseil Municipal des Jeunes. Ici quand on fait les choses on marque le coup et c’est très bien. Vin d’honneur bien sûr !

Mios n’est évidemment pas New Orleans mais une évocation de ce berceau du jazz s’impose et c’est le Bokale Brass Band qui va s’en charger. Cette fanfare funk – album déjà chroniqué dans ce blog * – de sept musiciens va agiter l’assemblée en déambulant autour des food-trucks assaillis, avec une classe folle et des arrangements plus que dynamiques. Un vrai régal et une grande joie procurée par cette formation de premier plan : Olivier Vernhères (caisse claire), Benoît Auprêtre (grosse caisse), Camille Eissautier (sousaphone), Romain Luzet (banjo), Julien Deforges (sax), Baptiste Techer (trombone), Fabien Durou (trompette).

Mais déjà sur la scène le Big Band Music en l’Eyre est en place. Ils sont plus de vingt de tous âges, des élèves, des amateurs, des semi-pros (?) et ça démarre très fort avec « Birdland », un des hymnes de Joe Zawinul, particulièrement bien joué. Ca sonne drôlement bien cette affaire. Suivront entre autres « Summertime », « Stolen Moments » avec des arrangements toniques de Valentin Foulon. Des surprises aussi avec trois chanteuses qui se succèderont – clin d’oeil à Lady Day – dont deux avec des titres inattendus : une superbe reprise de Bjork « It’s Oh So Quiet » et un arrangement inédit pour big band des « Yeux Noirs ». Succès mérité pour ce joli big band tout à fait présentable dans d’autres festivals ; certains y pensent…

La halle est bondée, le chapiteau de restauration aussi, les foods trucks ont été dévalisés, il en aurait fallu deux ou trois fois plus ! Mais qui croyait à un tel monde pour cette première édition ? On en attendait 400 personnes il y en avait près de 1500…

Le programme annonce le « Concert Prestige » avec le trio de Guillaume Nouaux . Il va l’être. On retrouve Jérôme Gatius et Jacques Schneck, présent exceptionnellement ce soir au piano, autour d’un des plus grands batteurs de ce style de musique, le jazz dit classique qui puise ses origines à New Orleans mais continue d’évoluer, de créer tout en perpétuant l’histoire. Voilà du blues, du ragtime, du stride, du swing joués par trois experts. Ce trio, avec différents pianistes, je l’ai vu souvent et je me fais embarquer à chaque fois par cette perfection, cette cohésion ; ils sont vraiment au sommet. Cette rythmique de piano complexe qui doit pallier l’absence de contrebasse, alliée à une certaine délicatesse, ce chant plein d’émotion(s) de la clarinette – maintenant que je suis éclairée en la matière il est encore plus apprécié – et ce drumming NO insensé de Guillaume Nouaux particulièrement en verve ce soir tenant à porter au plus haut son rôle de parrain. Il était inarrêtable dans ses chorus au tempo de métronome mais bourrés de créativité. Pour une première le public, venu et resté nombreux, a été gâté et il a fait savoir bruyamment sa joie aux artistes.

Dimanche 21 juillet

Dimanche matin, le marché s’est installé à côté de la halle, ça sent bon, la paella, le couscous, les plats cuisinés mais avant de gouter à tout cela le concert de Rix &Wonderland nous attend. Horaire inhabituel car il est onze heures, et si les cloches appellent à l’office, le soul funk du groupe nous retient. Rix c’est un artiste complet, talentueux, capable de jouer du swing, du manouche, de chanter parfaitement Sinatra mais aussi de balancer du gros son funky avec ses propres compositions ou de reprendre George Benson, Marvin Gaye et Prince. C’est ce répertoire dynamique qu’il joue avec Jérôme Dubois (trompette), Olivier Léani (batterie), Xavier Duprat (claviers) et Pascal Fallot (basse). Surprise pour une partie du public qui s’attendait à entendre une musique dans l’esprit de la veille et même pour certains à nouveau le même trio ! Mais Rix a embarqué tout le monde avec sa guitare en liberté et son métier qui a fini par faire danser une bonne partie de l’assemblée. Mais que les Français sont timides à exprimer leurs émotions et à se lâcher ! Valentin Foulon au sax ténor viendra faire le final avec le groupe dans une vraie ambiance de fête. Vraiment une belle formation qui propose dans son registre soul beaucoup d’improvisations.

Voilà, le rêve des organisateurs est devenu réalité, beaucoup de travail certes mais aussi beaucoup de bénévoles enthousiastes pour un succès certain. Et déjà le regard tourné vers août 2023 ! Nous y serons !

* https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/bokale-brass-band-roots/