The ‘O’ City Vipers
par Philippe Desmond
Le jazz c’est de la musique mais c’est aussi de l’histoire musicale et bien au delà. En perpétuelle évolution, parfois expérimental, il puise ses racines au début du siècle dernier. Et certains, de même que d’autres jouent du Bach ou du Mozart, jouent toujours ce hot jazz des années premières. C’est le cas du ‘O’ City Vipers formé groupe autour de Ben Ransom (alias Perry Gordon) un Anglais bon teint installé depuis pas mal d’années à Bordeaux, cornettiste, chanteur et dans ce projet guitariste. Qui ici ne le connaît pas, lui toujours dans les parages quand il y a une jam quelque part ? Dans le plus pur esprit de l’époque, le son vintage, l’enregistrement en direct, les morceaux courts comme sur les 78 tours d’autrefois voilà leur production, non sur une galette en cire mais en CD et sur plateformes, un zeste de modernité !
L’album « Snake Oil »*
Né pendant le confinement comme un atelier Old Jazz, la plupart des musiciens ne s’y étant pratiquement jamais frottés, ceux-ci se sont pris au jeu et ont peaufiné leur travail pour le jouer sur scène et en faire un album. Avec Ben à la guitare et au Dobro, lui déjà spécialiste du genre avec son groupe « Perry Gordon », on trouve Jules Delaby (trompette), Vincent Darribère (clarinette), Maxime Pache (trombone) et Jean-Philippe « Tchak » Soler (contrebasse). Pas de batterie, un type de formation assez traditionnel du New Orleans d’il y a cent ans, dans l’esprit du Tuba Skinny par exemple. Onze titres d’époque constituent le répertoire (Kid Ory, George Lewis, King Oliver, Barney Bigard…) , entièrement relevés à l’identique pour en restituer l’essence. Jouer de l’authentique était le but premier avec ce son vintage caractéristique. Et il faut dire que l’objectif est atteint, les amateurs du genre vont se régaler et les autres vont pouvoir (re)découvrir cette partie historique du jazz, ces racines qui ont donné tant de branches. Une musique gaie la plupart du temps, dansante, on va en reparler, aux arrangements au rasoir. On se régale des harmonies, des contrechants, des questions/réponses, des chorus, et de la rythmique implacable de contrebasse. Perry chante de temps en temps de sa voix gutturale très old school et on a même droit à une chanteuse, Camille Guillaume, sur le légendaire « Mon Homme ».
Le concert chez Alriq
Mais ce genre de musique c’est en live qu’il faut l’entendre alors on est allé à la Guinguette Chez Alriq voir ce que cela donnait. Et on a été servi ! Déjà un monde fou est venu célébrer la fin prochaine de l’été nonchalant avant la fâcheuse rentrée et une kyrielle de danseurs sont présents, une initiation étant même proposée avant le concert. En trois mesures la piste est déjà pleine, le reste du public s’agglutinant autour des tables pour gigoter au son du quintet. Et oui le jazz au début c’était de la danse on l’avait un peu oublié mais depuis quelques années les écoles de swing se sont chargés de nous le rappeler attirant un nouveau public, jeune de surcroit, vers cette « vieille » musique. Près de deux heures de joie vont ainsi déferler sous les lampions, le contrebassiste « Tchack » se chargeant en plus d’ambiancer l’assistance entre deux rafales de slaps. Magnifique cohésion du groupe, la clarinette qui chante en complément de la trompette, le trombone qui les soutient, personne ne se marchant sur les pieds, la guitare et la contrebasse assurant une rythmique bien dynamique et précise. La piste ne va pas désemplir ! Pour le rappel le groupe va passer en mode fanfare au milieu de la foule, rejoint par André Glockner au flugelhorn, la fête !
Le vieux jazz, grâce à des groupes comme ‘O’ City Vipers, est encore bien vivant et possède un vrai public, qu’on se le dise.
* Snake oil : l’équivalent de notre poudre de Perlimpimpin, une arnaque en somme
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