par Alain Flêche

DAVID ENHCO : Trompette
ROBERTO NEGRO : Piano
FLORENT NISSE : Contrebasse
GAUTIER GARRIGUE : Batterie

3ème opus de ce quartet. Recherche de timbre plus que de virtuosité. Le trompettiste sait être simple et accessible, il nous l’a montré dans ses travaux destinés à nos chères petites têtes bondes (et brunes aussi …). Ici, son et motifs sont toujours épurés, mais l’ambiance est plus sombre. Plutôt que « Pierre et le Loup », on pense aux textes de Baudelaire, ou la bande-son de quelque film noir. Un brin de fantaisie, ça et là, mais cet ascenseur, s’il ne conduit pas à l’échafaud, nous plonge en eaux troubles, les couleurs s’estompent rapidement, la toile est sombre. les accords presque dissonants et les ostinanti du piano (Roberto Negro, sorcier du clavier, impérial) accentuent l’impression d’insécurité. On se lassera de chercher une lumière qui ne percera jamais la brume, qui ne se lèvera plus. Alors on se laisse happer par des nappes lunaires, par un son rond comme cette planète désertique, inquiétante de son éclat terne, reflet de nos questionnement et doutes sans réponses ni certitudes. Cela n’empêche pas la musique de nous séduire, elle a la beauté du diable. il va nous en coûter de la suivre comme d’une idée morbide, comme d’un rêve vénéneux. La contrebasse nous pousse des bords qu’elle tire. Des notes d’à côté qui voudraient nous faire trébucher. Ne pas compter sur elle pour nous rassurer. Pas plus de repère n’apporte la batterie, quelques coups épars qui semblent nous appeler vers d’autres voies… sans issue, des roulements qui annoncent un orage qui n’éclatera pas. Suites de mouvements incertains, de tableaux indéfinis, d’histoires sans sens. Les pièces sont courtes, se fondent entre compositions exigeantes et improvisations générales. Multi-facettes de ce joyaux sombre et fascinant . « Horizons » inaccessibles, cordes tendues entre ciel et terre, devoir et liberté. tendues à se rompre. A se prendre les pieds, l’âme et l’esprit. A ne plus savoir lorsque nous passons de l’autre côté du chant des sirènes qui se sont tues, mais dont le souvenir nous inquiète encore.
Le disque cesse avant que nous lasser. Tout affairés d’en trouver le sens et la direction, nous n’en trouvons que la liberté d’enfants qui s’inventent de nouvelles galaxies. Il nous reste à découvrir l’Horizon de notre propre liberté.