Par Philippe Desmond, photographe Thierry Dubuc
Les musiciens on les côtoie, les légendes un peu moins et c’est donc une chance pour nous de rencontrer l’immense Jean-Luc Ponty à l’occasion de sa venue au Saint Emilion Jazz Festival. C’est dans un salon du Palais Cardinal qui sert de QG à la production du festival, que nous avons pu bavarder autour d’un café. Vous verrez que celui-ci a son importance.
AJ : connaissiez vous Saint Emilion et son festival ?
JLP : La ville oui, visitée il a très longtemps, pas le festival. Le contact a été pris avec mon agent en France.
AJ : Vous pouvez nous présenter ce projet.
JLP : C’est une évolution du tout premier créé en 1994 à l’initiative d’Al Di Meola qui souhaitait revenir à de l’acoustique. Stanley Clarke était le troisième. En 2012 François Lacharme directeur musical du Châtelet à Paris m’y a proposé une carte blanche et à cette occasion j’ai recréé le trio avec toujours Stanley mais avec cette fois Bireli Lagrène qu’il m’avait recommandé mais que je connaissais très peu. Le set d’une vingtaine de minutes s’est avéré très concluant et de suite l’entente avec Biréli a été très forte.
AJ : j’ai eu la chance de vous voir en 2014 avec ce trio au festival de Capbreton.
JLP : ce concert a été en quelque sorte une répétition pour l’album « D Strings » que nous sommes allés enregistrer dès le lendemain à Bruxelles. Le résultat m’avait emballé mais j’avais d’autres projets à mener notamment avec Jan Anderson de Yes. Mais le lien avec Biréli avait été très fort et je souhaitais reprendre le trio mais Stanley étant lui aussi parti sur autre chose il a fallu trouver un contrebassiste. Biréli m’a proposé Kyle Eastwood que je connaissais plus de nom bien sûr et nous nous sommes retrouvés pour une jam à Paris. C’est un excellent contrebassiste et comme cela a été très concluant nous avons décidé de jouer ensemble, c’était en décembre dernier.
AJ : on évoque au sujet de votre trio les fameuses « french strings » mais cela n’a rien à voir ?
JLP : je vois que vous avez compris notre projet, on est en effet sur du « post bop » moderne.
AJ : comment êtes vous arrivé au jazz après votre formation classique ?
JLP : c’était difficile car le violon hormis le manouche n’était guère admis dans le jazz, trop romantique, trop passionné. Mais j’avais aussi appris la clarinette et avec un groupe d’étudiants de Sup Elec j’ai commencé à jouer par amusement. On faisait des standards que je découvrais à mesure et il s’est avéré que j’avais une bonne oreille et un certain don pour les impros. C’était le début des 60’s et j’avais vu Miles Davis, le quartet de John Coltrane alors en première partie de Dizzie Gillespie . Je suis passé au sax ténor que j’ai appris seul, c’est très facile (!). Mais un soir sortant de jouer dans un concert classique je suis entré dans un club de jazz ou se déroulait un bœuf avec une forte envie de jouer de mon violon. Devant mon insistance on a daigné me reléguer à la toute fin et là ça a été une révélation pour moi et pour le public qui m’a ovationné. Un grand programmateur de radio qui se trouvait là m’a aussitôt emmené chez lui où il avait une collection de vinyles du sol au plafond ! Il m’a montré le rayon Violon Jazz où j’ai découvert Stéphane Grappelli et d’autres. J’ai aussi su de suite que ce n’était pas ce style que je voulais jouer bien que ce soient des musiciens que j’admire.
AJ : vous étiez tout jeune et justement comment amener les jeunes, je parle du public, au jazz. Il y a débat sur le vrai jazz, le cross-over, les influences du rock, de la soul que certains rejettent et qui à mon avis ne peuvent qu’ouvrir à d’autres auditoires.
JLP : ce débat est vain et il a toujours existé même à mes débuts. Le jazz pur ça ne veut rien dire, les chapelles tout ça… J’ai très vite fait du jazz-rock ce que certains ont pu me reprocher, j’ai joué avec Soft Machine, Robert Wyatt. Ce mélange est plus admis aux USA, des gens comme John McLaughlin sont des artistes sans crainte, sans frontières. Franck Zappa avec qui j’ai joué aimait le jazz, le rock écoutait Debussy, il faisait ce qu’il avait envie de faire !
AJ : justement en parlant de Zappa il y a « Zappy Birthday Mister Franck » un tribute band demain soir au festival, les connaissez-vous et serez vous toujours là pour un bœuf éventuel ?
JLP : je serai reparti et je ne les connais pas, d’où sont-ils ?
AJ : c’est un groupe français
JLP : il y a quatre ans à l’occasion d’une reformation de Return to Forever il y avait avec nous Dweezil Zappa, le fils de Franck à la guitare.
AJ : et bien merci Jean Luc pour cet entretien et bon concert ce soir.
JLP : oui à plus tard, je vais aller régler les cafés au bar !
AJ : ah non c’est pour nous !
En réalité il ont déjà été pris en charge par la production, ce que nous ignorons, mais cette anecdote sans importance nous en dit beaucoup sur l’élégance et la simplicité de cette star mondiale qui vit aux USA. Le soir le concert sera merveilleux.