Par Stefani STOJKU, photos: Thierry DUBUC

 

Roberto Fonseca est un pianiste de jazz venu tout droit de  La Havane.

Grammy Awards winner, il est devenu au fil des années une référence du Jazz afro cubain, un amoureux dont la passion créative se mêle à son background classique pour en faire l’un des plus grands pianistes de la musique cubaine.

Pas étonnant que le prestigieux Label IMPULSE ! – entre autres COLTRANE, Duke ELLIGTON, Charles MINGUS, Ray BROWN, McCoy TYNER ou encore plus récemment Ibrahim MAALOUF- l’ajoute à sa collection.

Nous sommes au début de son « European Tour » et à sa deuxième date française de cette année.

C’est à la salle du Vigean à EYSINES, dont les éclairages parfois or parfois bleutés s’accordent parfaitement aux couleurs musicales, que nous nous retrouvons.

Pour ce concert en trio, ce musicien romantique s’entoure de « pretty boys », Yandy MARTINEZ à la basse et contrebasse et Ruly HERRERA à la batterie.

La salle est comble et le silence se pose à l’arrivée des musiciens sur scène. D’entrée, quand la première note frappe, tout semble s’évanouir : la salle, la ville, le monde. Nous flottons comme ensorcelés. Yandy MARTINEZ, de son archet et sublime contrebasse introduit l’air mélancolique et grave d’un doux ballet … cette célèbre « touche » pour ce « célèbre boléro » :  BESAME MUCHO ou l’un des plus langoureux baisers musicaux.

Les rythmes et les sons vibrent d’énergie et de chaleur latines, au battement d’un « cubano chant », la salle se tait ou plutôt s’enivre de l’osmose du moment.

Les morceaux, ses « thèmes » comme il les appelle s’entrecroisent d’enregistrements parlés et de solos des plus énergiques.  Celui du batteur Ruly HERRERA, tout simplement monstrueux, fait monter en sensations. Une parenthèse sur ce jeune percussionniste considéré comme le meilleur batteur du jeune jazz cubain, un nom encore bien trop timide aux delà des frontières.

Roberto est clairement un homme de nuance et de maîtrise. Il navigue entre électro psychédélique et classique, auquel il rend hommage en échangeant ses 88 touches noires et blanches contre l’orgue et clavecin …puis s’envole sur un cha-cha- cha qui met le feu aux poudres pour en finir par un « maaaaaambo niña » muy caliente et c’est la salle toute entière qui se lève, danse et chante avec lui.

Un rappel émouvant pour un Roberto seul au piano. L’incandescence d’une mélodie, une vertigineuse reprise qui vous transperce… C’est ainsi que se termine ce voyage, celui de la musique cubaine, d’hier à aujourd’hui.

 

« L’essence même d’être cubain est une grande valeur et une représentation de CUBA. Aujourd’hui, je veux le préserver à travers mon travail »

 

Soucieux de ses racines et de la musique qui l’accompagne depuis son enfance, de son expérience à BUENA VISTA SOCIAL CLUB aux collaborations multiples, aujourd’hui, il transmet son savoir dans ce voyage  au travers du temps, sensible et aimant.

Un véritable plaisir de discuter avec Roberto : généreux dans ses mots et dans ses notes, irrésistible musicien, fier Cubain qui dans ce projet revisite les styles, anciens ou contemporains d’une des musiques les plus riches … BUENA VISTA CUBA ! !

 

 

Les racines de la musique cubaine sont très fortes. Quelles sont les particularités de cette musique ?

La particularité. Nous avons la musique classique …Nous avons la connaissance de l’harmonie, du style, et les rythmes des quatre coins du monde, notamment africains. C’est pour cela que beaucoup de musiciens cubains sont reconnus dans le monde entier.

Le nom de l’album ABUC est une inversion des lettres signifiant CUBA.  Quelle histoire nous racontes-tu ?

J’essaie de raconter l’histoire de la musique cubaine. Le style et le son. C’est pour moi très important que les gens comprennent comment le son était avant et comment il a évolué. Que les gens entendent comment était la musique dans les années 40 – Rappelons que le jazz afro-cubain émergea au début de ces années. Ce n’est pas seulement reconnaitre un mambo, un cha-cha ou autres, c’est de ressentir un morceau joué à cette époque.

Tu disais « Comme musicien, atteindre la limite, ce sera lorsqu’avec deux notes, les gens reconnaîtront mon style » et aujourd’hui ?

C’est mon rêve…toujours…
Je ne suis pas sûr d’y être arrivé. J’essaie de raconter une histoire. Je fais de mon mieux pour partager mon expérience de la musique à travers mes morceaux. Je ne sais pas s’ils me reconnaissent ou pas.
Mais si un jour les gens me reconnaissent avec deux notes, ce serait formidable !

Que recherchez-vous dans vos collaborations avec les autres artistes ?

Je cherche à apprendre, le langage de leur musique. Un musicien a toujours besoin d’apprendre tu sais. La musique est tellement importante et tellement riche, une langue universelle qu’il faut maitriser et partager.

Comment est né ce trio ?

Je les ai rencontrés à CUBA. Nous venons tous les 3 de la HAVANA. Ils se connaissaient déjà. Ils ont voulu me rejoindre… je les ai contactés par la suite. HERRERA est nouveau, nous avions un autre batteur avant. Il est très doué. Tu sais qu’il est connu pour être le prodige du jazz à cuba ?
Avec le groupe, nous sommes comme une belle famille. Nous prenons soin les uns des autres et c’est une des raisons pour laquelle la musique sonne ainsi…

Quelle est la chose la plus importante pour toi sur scène ?

Le chose la plus importante pour moi ? c’est que le public soit connecté. Qu’il y ait un véritable dialogue entre l’audience et nous, musiciens. Cela crée une belle ambiance et un moment inoubliable. Alors, on dit que la musique parle d’elle-même.

Ta carrière est très riche, peux-tu nous faire un point sur ton évolution musicale ?

Quand j’étais très jeune, j’essayais de jouer de tout, d’une manière un peu « folle ». Quelques années plus tard, j’ai rejoint le « Buena Vista Social Club ». Ça a été pour moi une expérience qui m’a beaucoup apporté. J’ai énormément appris. Jouer au côté de Compay SEGUNDO ou Candelario ORLANDO LOPEZ m’a donné l’opportunité de comprendre les plus belles choses qui existent sur la musique et en parallèle, sur la vie. Donc merci à eux. Merci puisque grâce à eux et à ma famille, qui m’a beaucoup apportée aussi, je suis devenu le musicien et l’homme que je suis maintenant.

Un artiste avec qui tu aurais aimé jouer ?

Miles DAVIS ! C’était le meilleur musicien du monde ! Il a joué différents styles de musique mais n’a jamais perdu sa singularité. C’était un musicien extraordinaire qui avait sa « propre voix » et c’est pour cela que je l’admire. Alors si je devais choisi avec qui jouer là, ce serait Miles DAVIS.


Muchas gracias Roberto 🙂