par Annie Robert

photographies: Claude Perdriez, Fabien Maigrat, Jean Michel Ducasse

Festival Jazz à Oloron
/ 20 juin 2018 / Salle Jeliote


Soul, soul, soul…

Bon, il faut dire les choses simplement, je m’étais décidée à aller voir ou plutôt écouter Kimberly Kitson Mills et son groupe Kimberose plus par curiosité que par véritable désir. Les amateurs de soul music l’ayant déjà ajouté à leur playlist et les rumeurs bruissant fort dans la jazzosphère, je me demandais ce que valait vraiment la nouvelle pépite du moment, si ce n’était qu’un effet de pub bien senti ( le groupe étant passé plusieurs fois sur les télés/ radios) d’ engouement facebook ou autre youtube ( je n’ai rien contre..) et s’il y avait un peu d’épaisseur dans tout cela.
J’avais eu les oreilles accrochées cependant au détour d’un émission de radio mise en fond sonore, et sa voix m’avait laissée en suspension. Mais…mais..qu’y avait il à gratter, à émouvoir, à ressentir? Juste une voix, ou un peu plus..?

Eh bien cette demoiselle ( 27 ans ) est une révélation !! Un choc!!! Un vrai bonheur !! On va oser les comparaisons les plus flatteuses même si cela doit la mettre mal à l’aise, des comparaisons que l’on a du faire souvent tant elles semblent évidentes. Dans la voix de Kimberly, il y a du Billie Holiday avec la joie en plus, du Nina Simone dans la détermination, du Amy Winehouse sans le trash, ou encore du Ella Fitzgerald dans la souplesse et la tessiture ( ou du Selah Sue, pour citer quelqu’un de vivant !!) Il y a surtout un charisme incroyable, une vraie présence. La voix est chaude, captivante, puissante, dans les vertiges de la pop, du R’n’B. Elle est pugnace, accrochée et teintée au rock. Elle écrit en noir et blanc, les émotions, les fragilités, la colère ou le drame. Elle est surtout d’une sincérité désarmante avec un feeling qui laisse pantois et une modernité entière qui ramène de la vie, du nerf dans le genre un peu daté de la soul.

Un passage raté à la Nouvelle star ( un bon point..), des interrogations sur son projet musical, ont enfermé quelques temps la jeune femme dans un sentiment d’illégitimité. Entièrement autodidacte, elle a douté d’elle même. Fortement.
Elle garde de ses moments inquiets, une incroyable joie d’être sur scène, comme une gamine qui trouverait que le cadeau de Noël est un peu trop beau pour être réel…

 

Il a fallu le soutien de son compagnon Anthony Hadjaj qui l’accompagne à la guitare et de son ami Alexandre Delange aux claviers pour qu’ elle ose enfin ( Kimber..ose) se lancer.
Et le parcours est fracassant. A eux trois , ils composent et créent l’ essentiel des morceaux de «Chapter One» que l’ on découvrira pendant le concert, auxquels se rajouteront quelques reprises de belle facture ( My girl/ Nirvana par exemple)
A ce trio de base se rajoute une section rythmique impeccable, François Fuchs à la batterie et Fred Drouillard à la contrebasse et basse, solides, inventifs, rebondissants qui l’entoure de bienveillance, sans facilité aucune. Kimberose nous prouve que la musique de l’âme a encore beaucoup à dire, et beaucoup d’extases à offrir.
« No more» par exemple démarre en complainte ennuyée et se prolonge en protestation profonde et intime, sur des nappes montant jusqu’au paroxysme. La chanson hommage à Billie Holiday avec son intro délicate à la contrebasse déroule un morceau tendre, d’une authenticité émouvante. Les changements d’ambiance sont nombreux, ballade toute en finesse et en retenue pour «Waiting for you», pop tournoyante, reggae/funk pour «Blabla», fulgurance pour «Strong women» sans compter l’énergique et pleurant «I’m Sorry» que toute la salle semblait déjà connaître..
Cerise sur le gâteau, la jeune femme a le sens de l’humour, pas un brin d’afféterie ou de manières de diva : simple, heureuse d’être là et sensible aux réactions de la salle.
Avec un soupçon d’expérience en plus ( mais si peu…) elle va être incontournable. Non pas parce que les Majors, les publicitaires, internet et autres faiseurs de gloire l’ont décidé mais parce qu’elle le mérite, qu’elle a la profondeur, les nerfs, la transe, la joie chevillés au corps, qu’elle chante comme elle respire.

A se demander si elle ne chante pas pour respirer.