Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

24 heures du Swing, Monségur (33), le 7 juillet 2018

Depuis 29 éditions les 24 heures du Swing lancent la saison des festivals d’été dans la région et c’est toujours un bonheur de se rendre dans la vieille bastide anglaise surplombant le Dropt. Campagne, bastide, jazz, ça vous rappelle quelque chose, sauf qu’ici on est resté à échelle humaine.

En ce dimanche d’azur, après avoir cheminé à la vitesse réglementaire de 80 km/h sur ces belles routes de l’Entre-deux Mers, ce sont les cloches qui m’accueillent marquant la fin de l’office, swing pour l’occasion. En roulant à 90 km/h j’aurais sans doute pu assister à une eucharistie insolite, la distribution du « Corps du Christ » s’étant faite en musique avec Hetty Kate, programmée l’après-midi, chantant malicieusement « C’est si bon »… Messe swing donc, pas encore à la hauteur des célébrations Gospel m’a t-on dit, mais on progresse dans l’attractivité, c’était sold out pour une fois !

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Déjeuner aux Colonnes, haut lieu toute l’année de programmation jazz, avec de très chers amis au son du combo de Perry Gordon et son jazz old school enjoué, tant apprécié en ce moment à Bordeaux et paradoxalement auprès du jeune public ; encourageant.

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Menu swing, café, addition et nous voilà pénétrant la si belle halle de fonte et de verre où se déroule une prestation bien sympathique, celle des Percutemps, l’atelier de percussions du foyer de vie pour handicapés local. Quand on connaît ce type de personnes, les voir se produire en public et offrir un spectacle de qualité est une satisfaction certaine. Bel exemple d’intégration.

Pendant ce temps à la rue Barbe se déroule la jam permanente, mais la place des tilleuls nous appelle pour le concert d’Hetty Kate et Nicolas Fougueux. Oui on connaissait Artie Shaw, voilà Hetty Kate, une Australienne découverte dans notre région grâce au plus australien des Girondins, le guitariste Dave Blenkhorn. Elle sait que son nom a dans notre langue une autre signification, elle va nous le dire avec son humour et son espièglerie.

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C’est une chanteuse magnifique, avec un son naturel qui sans forcer vous emballe. Au répertoire « Ella et Louis » et d ‘autres, Duke et son « A train » ou Blossom Dearie et son épatant « Tout doucement », pas celui de Bibie. Très bien servie par le quartet du saxophoniste Nicolas Fougueux, la malicieuse Hetty et son indispensable et élégant éventail, nous a emportés de son charme à l’ombre nécessaire des tilleuls malgré un passage « On the sunny side of the street », référence au côté de la rue réservé aux USA autrefois (jusqu’à quand…) aux noirs, les blancs pouvant eux marcher à l’ombre, ce que j’ignorais.

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Dans la Halle, la musique continue mais l’ombre de la place des tilleuls nous aimante, d’autant qu’Alexis Evans enchaîne. Groupe bordelais, ce jour là en septet, costards bleu pétrole, le leader en nuance plus foncée, très vintage dans la présentation et la musique, nous a ramenés dans les 60’s avec son rhythm’n blues façon Otis Redding entre autres, étonnant pour de si jeunes musiciens. Telecaster sans aucun effet, orgue Hammond et sa Leslie, cuivres étincelants, les breaks qui vont bien, tous les codes du genre sont là avec bonheur.

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Changement de plateau et comme à chaque fois intermède swing avec l’asso Tap Swing de Pessac et ses danseurs qui vous donnent envie d’aller vous inscrire de suite à ses cours de danse.

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Il fait très chaud même à l’ombre des tilleuls, la foule est dense, la buvette active et les sourires sur tous les visages, car on est bien, drôlement bien. Le directeur artistique du festival, Philippe Vigier, à nos côtés est d’ailleurs détendu, assuré du succès de cette édition 2018.

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Mais il reste la dernière attraction du festival, Martha High and the Soul Cookers. Choriste, amie, confidente et peut-être plus de James Brown pendant 35 ans, elle entretient la légende du parrain de la soul comme Maceo Parker ou Fred Wesley. Pas étonnant que le virevoltant JB l’ai gardée – musicalement – tout ce temps. Quel tempérament ! Quel abattage ! Quelle énergie !

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Avec son groupe de furieux elle va embarquer le paisible auditoire de la place des tilleuls, jusque là un peu accablé par la température ambiante, vers une fièvre communicative, les chaises étant petit à petit abandonnées au profit de la piste de danse jusque là délaissée.

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Reprises de JB, notamment un irresistible « Cold Sweat », sueurs froides mal nommées ce jour-là, un magnifique «Mercy, Mercy, Mercy » ou encore une reprise très personnelle et longuement commentée de William DeVaughn, « Be thankfull for what you got ». « You need a woman like me » avait elle chanté au début de son set, pour sûr elle avait raison, sensationnelle septuagénaire !

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Il est plus de 20h30, nous sommes arrivés à Monségur vers midi, la journée est passée sans que l’on ne s’en aperçoive, le ciel est toujours d’azur et avec un peu de chance nous pourrons entendre les dernières notes de l’Inter Nacional Trio avec le local François Mary (cb) , Joris Seguin (dr) et Xavier Fernandez (g). Deux titres le temps de déguster un dernier verre – dans ce bar à vins joliment nommé « la Barrique et la Fillette » – et presque regretter de ne pas être arrivés avant, mais Martha… On se reverra les amis, c’est sûr.

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Le village retrouve sa quiétude après un week-end plus que réussi mais déjà des pistes, des projets même, sont lancées pour 2019. Et oui ce sera la 30ème édition ! Promis, cette fois je ne raterai pas la messe, même si on doit rouler à 70 km/h.