Par Stéphane Colin, photos Irène Piarou (Jazz Fest New Orleans 28/04/2018)

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Henry est parti… une météore de la soixantaine qui s’éteint pour rejoindre un coin d’Old Man River. Pour ceux qui ont croisé le pianiste chanteur Henry Butler, un sentiment d’incompréhension, d’indicible tristesse prévaudra. Un temps pour souligner la fragilité d’un talent brut à l’évidente flamboyance: « Il joue du piano comme Art Tatum mais quand il se met à chanter, ça ressemble à Paul Robeson. Un mec visionnaire, la fierté de la Nouvelle Orleans. ». Dr John, alter ego, camarade de toujours, ne pouvait mieux résumer le respect de la ville pour un aveugle dont le premier geste en arrivant dans sa chambre d’hôtel était d’allumer la télévision et d’éteindre le son. Aveugle photographe; un feeling de l’au-delà. On se souvient; 2005 à Mnop: sur la grand-scène de Gamenson ou en club plus intimiste, en duo avec le guitariste June Yamagushi ou en solo sur le fil, tout le monde avait été mis d’accord. Un grand pianiste qui devait jouer après Henry avait préféré décliné. Tout avait été dit, pas la peine d’en rajouter; Ravaler l’égo pour se retrouver nu face au talent….Le pianiste James Booker, lui aussi disparu trop tôt, avait trouvé en Henry Butler un prolongement atypique , une excroissance étrange. Une création hommage, Dr James, pour mieux prolonger un somewhere déclamé avec cette drôle de voix de « chanteur d’opéra mais pas que ». Leonard Bernstein et le reste, la fleur de sel d’une vie de genius sans la reconnaissance. Des enregistrements qui se succèdent sans succès superlatif, une vie de musicien….Quelques grands spécialistes pour chipoter; pas assez blues trop jazzy, les conneries habituelles… Supporter la virtuosité quand elle se conjugue avec tant de profondeur a quelque chose de dérangeant. Le foisonnement sans gratuité ou effet facile, c’est compliqué à digérer….Quelques lignes écrites en Dordogne en début de Mnop tour. Hier soir la tempête a annulé le premier concert de l’harmoniciste Greg Izor et par la même les efforts de la communauté des amis de Bourrou qui travaillait sur l’événement depuis de long mois. Tristesse et désolation, les toits arrachés, les arbres déracinés et les poubelles envolées. Ce soir, bien au chaud dans la salle des fêtes d’Atur, Greg Izor, l’ami de Johnny Sansone, redoublera d’harmonica pour mieux apprivoiser le vent….

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