photo Arno Weil

 

Yom à l’Astrada de Marciac


28 Juillet 21h

Je ne connaissais pas Yom et sa faramineuse clarinette. Certes, j’avais écouté par bribes des extraits de son travail et découvert une biographie musicale extrêmement variée, allant du klezmer traditionnel revisité aux musiques électroniques, en passant par le rock, l’americana, la musique classique et contemporaine, une kyrielle de formes inclassables, mais jamais touché de l’oreille une approche qui visiblement a tout du spirituel. Ces projets précédents se nommant Illuminations, Prière, Eternal Odyssey, on sent que le sacré n’est pas loin.

C’est un duo tout nu, dépouillé d’artifices avec le son seul dans sa beauté et son équilibre qui s’avance sur scène.
Yom nous offre avec son jeune alter ego
Léo Jassef au piano un concert basé sur son nouveau disque intitulé « Celebration » en le transformant en un seul morceau, sans interruption.
Il dit le penser comme une séance de méditation collective ou de voyage intersidéral, une plongée au plus profond
de nous-mêmes… quelque chose d’intérieur et de vivant qui va être bien difficile à décrire.
Une dominante orientale et balkanique se dégage rapidement de la clarinette. Le son est chaud, profond. Au piano des nappes sonores tantôt légères, tantôt inquiétantes.
On est dans une musique de textures et de couleurs.
Des images mentales s’imposent rapidement avec des synesthésies variées, sûrement propres à chacun des auditeurs. Calmes ou furieuses, les notes, les harmonies flirtent avec la brume, les éléments physiques et matériels de l’univers mais aussi les sentiments. Des thèmes se faufilent, disparaissent et reviennent en résurgence. Le jazz et son groove y trouvent peu à peu leur place, discrètement. Ils ne sont pas le support essentiel du projet. Ils se pointent un peu par effraction.
Mais le son lui, est physiquement là. On l’imagine lever les voiles, faire vibrer les peaux des tambours muets, plaindre et caresser les visages. Le piano solo se fait violent, destructuré, nerveux en écho à une clarinette réceptacle des fureurs et des angoisses.
Voici donc une méditation peu apaisante, la montée vers le divin est un chemin semé d’embûches et en tous cas d’incertitudes à cette étape du concert.
Au bout d’un certain temps, cette tension se fait bien lourde. On se dit que dans le méandre des sentiments humains ou des moments de la vie, il en manque des tendres : l’empathie, la compassion, la nostalgie, la douceur et surtout la joie. Le piano à certains moments les touchent de façon fugace, mais la présence véhémente de la clarinette nous bouche l’horizon.
Heureusement quelques pas de danse s’esquissent et le tourbillon bienvenu de la gaité fait son apparition.
Deux plages, plus calmes, plus enfantines emportent la tension, évocatrices d’un ailleurs fantasmé peut etre mais heureux.
Autour des deux interprètes les volutes lumineuses concourent à cette atmosphère. Par leurs balancements colorés, les soleils qui s’allument et s’éteignent, on dirait des projections de vitraux croissant et décroissant avec l’intensité de la musique.
On devient un rien derviche tourneur. Et je comprends d’un coup ce qui me manque: la danse. Le mouvement. Je me prends à penser ce qu’un danseur pourrait faire de cette musique là, le déploiement des tendons et des muscles, la grâce d’ une chorégraphie juste esquissée.
Les deux musiciens finissent essorés, épuisés. Nous, on a encore les yeux ronds.

Yom nous a offert donc ce soir, une expérience à part, avec sa musique comme vecteur vers un ailleurs quel qu’il soit, qu’on le pense divin, culturel ou intellectuel. Aussi étrange que passionnant.

Un ethnologue y retrouverait surement ses pistes et un musicologue aussi. Une démarche assez unique.

Album « Celebration »