NEW FRENCH TOUCH : LEON PHAL & ISHKERO

par Philippe Desmond, photos David Bert.

Le Rocher de Palmer, jeudi 8 février 2024.

Une fois n’est pas coutume, je vais un peu vous parler de moi. Personnellement je suis entré en jazz par le courant électrique (!) de ce qu’on appelait alors le jazz-rock, Return to Forever, Herbie Hancock et les Headhunters, Larry Corryel et Eleventh House, Mahavishnu Orchestra, Billy Cobham, Alphonse Mouzon, Weather Report, Miles bien sûr, bien d’autres. Je n’écoutais pas de jazz jusqu’alors, de la pop et du rock, j’avais 18 ans et cette musique, un pied dans le jazz, l’autre dans le rock, avait su m’accrocher. Des jazzmen de l’époque et pas des moindres, avaient compris que le jazz s’essouflait alors que le rock approchait de son apogée ; il fallait aller chercher un nouveau public ou mourir… Depuis, grâce à cela, et finalement assez vite, ma culture jazz s’est élargie remontant en arrière jusqu’aux pionniers des années 10, en passant par le swing, le jazz dit classique, le be-bop, le hard bop, j’en passe. Mais j’ai vieilli, tout comme le public du jazz. Il suffit d’aller dans les concerts pour s’en apercevoir. Récemment ce vieillissement du public était évoqué au colloque de la journée professionnelle d’Action Jazz précédant le tremplin. Quelles solutions ? La baisse des prix ? Pas forcément, l’Arena est pleine de jeunes malgré des tarifs élevés. Et si 50 ans après cette New French Touch baignée d’électro, de hip-hop, de soul était une passerelle pour amener les jeunes vers le jazz tous les jazz ? Je le crois.

Ce jeudi le Salon de Musiques du Rocher de Palmer était bondé et le public très fortement rajeuni pour accueillir la Nouvelle Touche Française que l’omnipotent anglais nous impose comme The New French Touch . Deux groupes de jeunes musiciens bien ancrés dans leur culture contemporaine sans pour autant renier le passé. Ishkero et Léon Phal ont ainsi uni leurs forces pour une tournée française à l’ancienne, en van.

Le jazz très rock d’Ishkero

On ne les avait pas vus en Gironde depuis 2018 au regretté festival de Jazz de Saint-Emilion et leurs débuts sur scène. Depuis la formation a aiguisé ses outils, sorti un très bel album salué par les critiques et la voilà en tournée. On retrouve ainsi Adrien Duterte (flûte, percus, effets), Victor Gasq (guitare), Arnaud Forestier (Fender Rhodes, synthé), Antoine Vidal (basse) et Tao Ehrlich (batterie). Ils sont chauds les gars, ça part de suite au taquet, emmenés par le groove d’un Tao déjà bouillant et batailleur. Une des signatures de ce groupe c’est ce contraste quasi permanent entre l’apparente fragilité de la flûte face à la déferlante rythmique. Elle reste présente, importante, les mélodies résistent au tonnerre et au beat marqué. Effets électros sans en abuser, énergie rock parfois, ah les prov(r)oc(k)s attitudes d’Antoine giflant sa basse face à Tao ! Et vas-y que ça improvise, à la guitare, au Rhodes, c’est du jazz aussi, pas que, on l’a dit, du rock (avec ici de vrais musiciens… ouh là je vais me fâcher avec certains ! ) de l’électro, de la soul, de la musique actuelle pour faire vite et trop vague. Voilà une musique organique qui vous traverse le corps dispersant de l’énergie, de-ci de-là des doses d’adrénaline et de dopamine, substances légales bien sûr. Le groupe nous joue son album Shama sorti en 2023 et nous tease avec deux titres du prochain dont « Lucielle » déjà sur les plateformes. Vivifiant !

Final de feu, comme l’aura été toute la soirée d’ailleurs. Que ça fait du bien !

https://linkr.bio/ISHKERO

Le Jazz-Clubbing de Léon Phal

Le temps de refaire la scène et voilà Léon Phal (sax ténor) en quintet : Zacharie Ksyk (trompette), Gauthier Toux (claviers), Arthur Alard (batterie), Rémi Bouyssière (contrebasse ; une originale SB21 démontable du luthier Patrick Charton) ,

Groove instantané servi sur une nappe de clavier soutenu par une basse profonde et réchauffé par les deux vents chauds ; on se sent bien tout de suite. Mélodie accrocheuse, effets électros élégants, unissons trompette/sax, chorus, on a compris l’idée, un crossover jazz, soul, house, électro, ne manque que la pointe de hip-hop. Là voilà avec « Idylla », sans K.O.G qui slame sur l’album « Stress Killer » mais ça fonctionne très bien quand-même ! Le titre « Stress Killer » et sa mélodie amusante de comptine est là pour nous déstresser, une semi ballade légère qui tout à coup s’emmêle les pinceaux (volontairement) ajoutant ce brin de fantaisie à ce morceau un peu atypique. Là encore, cinq musiciens exceptionnels sont présents et quand on entre dans un registre plus clubbing avec ce beat de grosse caisse sur chaque temps, on comprend la différence avec la musique industrielle de danse. Le tempo est marqué, les chorus flamboyants s’enchaînent, sax, trompette, clavier, avec ou sans effets, une forte note de jazz de soul habille cette house. Ça danse d’ailleurs dans le fond, ça clape sur les chaises, le public s’est fait cueillir et le plaisir est palpable. Bonheur de la scène qui magnifie un album déjà très réussi et cette énergie communicative ; vraiment des tueurs de stress ces gars-là !

Cette soirée,? Une dinguerie résume David notre photographe !

https://idol-io.ffm.to/stresskiller

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