Louis Gachet et Alexis Valet au Baryton

Par Christine Moreau, photos Erick Moreau (cliquer pour agrandir)
Vendredi 02 février 2024.
Café-restaurant associatif géré par des bénévoles, Le Baryton à Lanton accueille chaque vendredi et samedi des musiciens. Les plats proposés sont faits maison, bons et peu chers. Quant au programme, il est éclectique et propose aussi bien de la variété française que du rock ou du jazz. Le concert ne commence que lorsque le repas est fini afin que les musiciens aient toute l’attention du public. Avant la fin du premier set, un violon-tirelire circule pour assurer leur cachet.
Ce 02 février, un quartet éphémère mais pointu s’était formé pour animer une soirée placée sous le signe du jazz : Alexis Valet au vibraphone, Louis Gachet à la trompette, Louis Laville à la contrebasse et Thomas Galvan à la batterie. Tous les quatre sont bien connus d’Action jazz et solidement implantés sur la scène musicale. Alexis Valet sextet a reçu le grand prix du jury du tremplin Action Jazz 2016. Louis Laville a reçu le prix du jury 2019 au tremplin Action jazz avec la formation V.E.G.A et TùCA quintet avec Louis Gachet et Thomas Galvan a reçu le grand prix du jury du 9ème tremplin d’Action Jazz en 2021. (la liste des formations où ils ont été récompensés est non exhaustive).


Tous ont fait du chemin depuis leur consécration par notre association : Alexis Valet avec déjà plusieurs opus à son actif s’est récemment illustré dans les formations King of Panda et La Cinquième Roue, il vient même d’enregistrer un album à New York. Louis Gachet va lui aussi bientôt publier un premier album jazz aux tonalités pop /rock avec son quintet TùCA. Ces quatre musiciens extrêmement talentueux incarnent le jazz moderne mais ce soir, ils ont choisi de revisiter de grands standards.
Sur la petite scène, la batterie prend peu de place tandis que le vibraphone plus imposant attire l’attention. L’occasion est parfaite pour présenter brièvement cet instrument que l’on entend pas si souvent : c’est la version électrique du xylophone avec des plaques dégressives en métal montées au-dessus de tubes de résonances sur lesquelles on tape avec 2 ou 4 mailloches dont la matière, caoutchouc, feutre ou autre est déterminante pour les nuances sonores et les subtilités harmoniques. Des ventilateurs électriques placés entre les touches font osciller ou vibrer les sons. Alexis Valet va nous démontrer que le vibraphone, qui emprunte à la fois au piano et aux percussions, a toute sa place en tant qu’instrument rythmique mais se pose surtout comme une voix mélodique et soliste.
Dans une ambiance décontractée et festive, le quartet va nous régaler de deux sets magnifiques qui feront oublier à certains que le XV de France affronte en ce moment même l’Irlande en match d’ouverture du tournoi des six nations. Les musiciens se connaissent bien, ont plaisir à partager cette musique qui les passionne et les chorus sont prétextes à des digressions inspirées qui s’enchaînent avec fluidité. On retrouve dans le répertoire choisi des titres de style be-bop qui ont en commun un tempo rapide, un phrasé dynamique et des grilles harmoniques très fournies. Avec le premier morceau Evidence de Thélonious Monk, trompette et vibraphone alternent tour à tour les solos dans des envolées lumineuses.
Tout au long du concert, Louis Gachet délivre un son puissant qui emballe la section rythmique sur des compositions qui swinguent mais se révèle subtil et nuancé sur les balades. Sur Isfahan, son jeu est intense, ponctué par les balais attentifs de Thomas Galvan. Dans cette configuration en quartet, le cuivre brillant de la trompette prend naturellement le leadership mais sait s’effacer au profit de ses camarades. Au vibraphone, Alexis Valet s’emploie à valoriser les qualités acoustiques de son instrument et nous fait partager son sens inné du phrasé mélodique ou percussif. Il joue avec deux ou quatre mailloches selon la dynamique recherchée. Le son est plus rond sur les balades. Sur On the trail, dans le second set, il s’évade dans un long chorus. Le geste toujours sûr, il est le digne héritier de ses illustres prédécesseurs : Lionel Hampton, Milt jackson et plus près de nous Stefon Harris et Warren Wolf.
La section rythmique se révèle très impressionnante avec Thomas Galvan, présent et subtil. Pour guider le tempo, il sort le meilleur de son petit set de batterie composé uniquement d’une grosse caisse, une caisse claire, 1 cymbale et une cymbale Charleston. Toujours actif, en soutien, il est aussi capable de solos enlevés, variés et percutants comme sur Steeple chase. Il participe activement à l’architecture rythmique du quartet en imprimant beaucoup de relief à l’ensemble.
Que dire de Louis Laville ? Lui aussi est incroyable sur chaque morceau. Sa contrebasse vibre sans relâche, parfaitement au diapason, sa ligne de basse reste toujours sobre et impeccable. Lors de ses chorus, notamment sur Big foot dont l’interprétation fait la part belle à la section rythmique, on le surprend à fredonner, extrêmement concentré comme s’il voulait extraire de ses quatre cordes des sons à inventer. Le concert s’est conclu sur un rappel : Body and soul, la superbe balade de Coleman Hawkins.
Porté par une exigence de qualité, ce sympathique quartet a offert un très beau concert à un public conquis. Un grand merci à Louis Gachet qui s’est chargé de la communication avec humour et bonne humeur.
Set list non exhaustive: Evidence (Thélonious Monk,) Lady Bird (Tadd Dameron), Tenderly (Walter Lloyd Gross), Steeple chase (Charlie Parker,) Without a song (Vincent Youmans), Daahoud (Clifford Brown), On the trail (Jimmy Heath), Minority (Gigi Gryce), Isfahan (Duke Ellington), Big foot (Charlie Parker) et Body and soul (Coleman Hawkins).
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