YONATHAN AVISHAI TRIO « Joys and solitudes »

par Martine Omiécinski, photos Philippe Marzat
ROCHER DE PALMER – CENON Le 29/04/23

Cadre intimiste pour très beau concert intimiste !

Le Rocher de Palmer accueillait hier soir le trio de Yonathan AVISHAI dans « Le salon de musique » (et ses 200 places environ, bien remplies), garantissant une ambiance feutrée au leader et à ses deux sidemen :

Yonathan AVISHAI : Piano, compositions / Yoni ZELNIK : Contrebasse / Donald KONTOMANOU : Batterie

Le photographe d’Action Jazz a été prié de se faire discret mais faisons lui confiance, il s’agit de l’habile Philippe MARZAT.

Yonathan AVISHAI né en Israël, vit en France depuis plus de 20 ans, depuis très jeune il dirige ses propres formations et accompagne aussi d’autres musiciens (comme Avishaï COHEN le trompettiste)

Ses deux acolytes nous sont familiers (voir sur ce même site les chroniques du concert de Laurent DE WILDE à Arès le 3 Février avec Donald KONTOMANOU et de celui de Srdj IVANOVIC- Modular Group au Blonde Vénus à Bordeaux le 24 Février dernier avec Yoni ZELNIK).

Le concert débute tout en douceur par « Prayer », une composition de Yonathan, un moment de recueillement qui prend aux tripes, joué avec beaucoup de ferveur et de finesse par les trois compères et au plus fort de l’émotion palpable qui submerge le public, Yonathan instille des notes de plus en plus rapides et joyeuses vers un final plus enlevé : Superbe !

Suit un autre morceau de Yonathan : une valse sautillante « Spring Waltz », le jeu est très joyeusement partagé, le piano bondit, suivi par un Donald espiègle au groove insensé, les sons tout en rondeurs de Yoni ZELNIK font merveille. Vient un beau dialogue contrebasse/piano, puis le piano se fait itératif sur quelques notes où s’immisce Donald, Yoni nous adresse un solo magistral, le final ravit le public.

Pour la proposition suivante (dont j’ai oublié le nom), Donald propose un jeu aérien très présent et remarquablement dosé, le piano est sur peu de notes comme ponctuées de mini-silences, les tempos basculent, Yoni envoie quelques notes parfaitement placées….La rythmique accélère vers le final dont Yonathan garde la maîtrise

Le standard « The Song is You » de Jérome KERN (chanté et popularisé par Frank SINATRA) nous embarque vivement, la contrebasse brode la mélodie, Donald joue des balais, le piano accélère, la connivence est manifeste, les changements de tempos agiles, l’impro finale au piano réjouissante !

Puis « Shapes and Sounds » nous plonge lentement dans un univers déstructuré, Yoni caresse sa contrebasse, Donald joue lentement et suavement, Yonathan ponctue d’espaces son jeu sur quelques notes, me vient l’image et le son d’un train à vapeur qui traverserait de beaux paysages.

Suit le court mais très intense arrangement de « Evidence » de Thélonious MONK entamée par Yonathan en tapant des mains insufflant le rythme, Donald répond en miroir, puis la contrebasse emporte tout, Yonathan joue du piano debout…Superbe !

Restons avec les géants pour un hommage à Duke ELLINGTON, vénéré par Yonathan, avec « Blues Thing », entame « ellingtonnienne » d’une fluidité remarquable, ZELNIK plaque quelques notes ponctuées de silences, le blues s’impose avec des variations subtiles de rythme…Le public ne s’y trompe pas.

Puis plongée en Afrique avec « Les pianos de Brazzaville » de Yonathan, jeu chaloupé piano/batterie à l’entame, Yonathan droit devant son piano « rockant » le thème, Yoni couché sur sa contrebasse tirant et caressant les cordes en mouvements circulaires, Donald faisant parler ses tambours, quelques impros tendance « free » c’est ludique et brillant !

Ils calment le jeu avec la belle mélodie de Cole PORTER : « So In Love », remarquable groove au piano, intervalles entre les notes, alternance d’un jeu fluide et haché, Yonathan est heureux de jouer, cela se voit sur son visage !

D’ailleurs le morceau suivant en est une confirmation puisqu’il l’a appelé « Celui qui Sourit », de même que « Bienveillance » qui s’enchaîneront pour notre plus grand plaisir !

Pour le rappel, il nous annonce son « tube » du disque « Joys ans Solitudes » sorti en 2019 : « Lya », effectivement la jolie mélodie orientalisante à l’entame prend possession de nos neurones, le jeu de Donald est admirable, sa façon de répéter en finesse la frappe de la baguette gauche sur le bord de la caisse est très personnelle, la précision de Yoni et le toucher créatif de Yonathan nous ravissent !

En bonus nous avons droit à un extrait du standard « Just in Time » en piano solo et pour le point final quelques notes d’Ahmad JAMAL qui, hélas, vient de nous quitter.

Bref un concert « aux petits oignons » ! Bien que je ne sois pas sûre que cette expression très française évoque quelque chose à Yonathan et Yoni !!!

Galerie photos de Philippe Marzat