Texte et photos  Philippe Desmond.

La belle Lurette, Saint-Macaire samedi 19 janvier 2019.

Le jazz vocal féminin n’est pas une moindre facette de notre musique favorite, il a ses divas mythiques, ses nouveaux talents et continue à vivre et évoluer. Une époque a particulièrement marqué son répertoire, celle des grands standards des comédies musicales de Broadway, les « opéras » du jazz. C’est que que va nous rappeler ce soir Célia Marissal en réservant son tour de chant – j’aime bien cette expression désuète – à Gershwin, terme générique désignant les deux frères George et Ira ; le premier compositeur, le second parolier.

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Pourquoi ce choix ? Après avoir touché à la variété comme choriste ou chanteuse (Yaël Naïm, David Donatien…) , participé au spectacle en hommage à Nina Simone avec Camille, chanté du funk, du gospel qu’elle adore, celle qui enseigne le chant au CIAM de Bordeaux avait envie de se plonger dans le jazz vocal des standards. Improviser, scatter lui faisait vraiment envie et ce répertoire, malgré souvent des paroles sexistes me dit-elle, le permettait. Depuis un an elle travaille Gershwin donc mais aussi Cole Porter, Kurt Weil… en trio avec Mathieu Lucas (contrebasse) et Jean-Noël Godard (batterie, percus), elle même s’accompagnant au piano. Et oui, elle entre dans la catégorie des chanteuses pianistes, monde déjà plus restreint et exigeant. Mais ce soir elle est sur le territoire d’un autre trio, celui de Thomas Bercy (piano), Jonathan Hédeline (contrebasse) et Eric Pérez (batterie), la sensationnelle Belle Lurette de Saint-Macaire.

Une salle pleine pour écouter du jazz – et manger un peu quand-même – ici loin de la ville, ça fait vraiment plaisir à voir.

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Nous voilà replongés dans le Broadway des années 30, sa robe de jais, son teint diaphane évoquant visuellement le noir et blanc de l’époque. Une des références de Célia est Ella Fitzgerald pour son chant viscéral, sa tessiture s’en rapproche en effet, bien que plus proche de Sarah Vaughan trouve Eric Pérez ; faisons lui confiance il a l’oreille fine et savante.

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Très expressive, les mains et les doigts toujours en action, elle alterne douceur et puissance sans effort avec une belle musicalité. Un léger voile ajoute au grain de sa voix et elle n’abuse pas du vibrato. Après la douce ballade « Someone to watch over me » déboule « Lady be good » survolté, porté par un trio en overdrive. C’est parti pour du scat, exercice obligatoire et attendu, juge de paix des chanteuses. Ca swingue à fond, Thomas s’envole et va défoncer son clavier, Jonathan le maître du tempo accélère, Eric entretient le beat de ses multiples facettes, ça chauffe à la Belle Lurette, ça crie, encourage, applaudit !

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« Summertime » évidemment avec un invité le jeune trompettiste Timothé Lantoine qui a fait ses premières armes ici lors des jams mensuelles à l’âge de 12 ans, il a grandi, bientôt 14, et bien sûr progressé. Il a déjà compris beaucoup de choses et le Collectif Caravan de Cécile Royer et Thomas Bercy s’intéresse de près lui. Et nous voilà donc avec l ‘équipage Ella-Louis reconstitué, clin d’œil amusant – et réussi – à ces deux monstres sacrés.

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Second set de la même veine une Célia Marissal cruisant sur l’autoroute déroulée par l’excellent – comme toujours – trio ; tu veux du scat, en voici, de l’émotion, en voilà et un final flamboyant avec « I got rhythm ».

Reste à voir Célia Marissal avec son propre trio, dans un autre exercice me dit-elle, moins de liberté que ce soir où elle n’avait pas à s’occuper aussi du piano. Il nous tarde.

Si cela vous tente, sachez que ce soir (dimanche 20)  les mêmes lanceront la jam de la Belle Lurette à 17 heures ; 3 ou 4 titres et ça jamme.

Sets 1 et 2 :