par Anne Maurellet, photos Irène Piarou.

SIP Coffee Bar, Bordeaux, le 22 octobre 2021 – http://sip-coffee-bar.com/

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Yonathan Avishai, piano

Sylvain Rifflet, saxophone

Le son du saxo est somptueux, les accords du piano juste posés pour laisser le champ au souffle fouilleur de Sylvain Rifflet. Le piano halète en réponse. Ils échangent comme deux oiseaux volèteraient pour entamer une sérénade en duo. Les notes frétillent, se débattent avec délice dans un bain de jouvence… On sent bien les pas vers la liberté. Les notes s’accordent pour favoriser la fantaisie du jeu. Ils peuvent retourner au thème, après cette école buissonnière à la joyeuse impertinence. Le toucher de Sylvain Rifflet est nuancé, chaque note mérite un soin, une teinte spécifique. L’optimisme dynamique de Yonathan Avishai engage le sax plus tourmenté de Sylvain Rifflet à multiplier ses effets. Ils jouent maintenant sur la pointe des pieds, enfin, des notes, cliquetis complices, un brin de cordes, un taquet d’air et Sylvain Rifflet nous envalse, nous enlève, frémissant, frétillant, balbutiant avec dextérité et discrète gourmandise en fait….Yonathan Avishai le poursuit et le duo conciliabule, logorrhée délicieuse, assoiffée. O grande Amor élastisé pour en déguster toutes les saveurs, pleins et déliés, consommation lente, absorption ralentie. Astuce charmante pour accélérer peu à peu le tempo, nous enlacer en nous faisant virevolter, tanguer. On s’abandonne, évidemment !

Deux clochettes feraient bien un son de cloche si un sax ne s’y glissait pour les enjoyer, envoyer sa verticalité, ses feuilles de nuances finement superposées se décalant, s’envolant dans des airs où l’oxygène n’a plus d’importance parce qu’on ne pense plus, on médite tout au plus ou on s’évapore. Le piano attrape quelques sons cristallins sur lesquels s’appuie le sax pour s’élever à nouveau.

Les thèmes chéris sont pré-textes à ce lyrisme débridé ET construit.

Comme il sied à Ornette Coleman, deux ou trois petits riens pour explorer le big bang de la fantaisie, les essuie-glaces des harmoniques et de l’effleurement du piano et du sax !

Vient après la pause, une petite balade en utopie. Un frôlement du piano pour embarquer Sylvain Rifflet, petit tempo soutenu et le sax part dans sa verve colorée, apparente fantaisie à la variété incroyable. Retenir le son et en faire toujours musique, faire swinguer l’instrument, retourner aux accents suaves. Jolie promenade !…

Rythmer le la au piano, le la ou ptet le sol, allez ! Et c’est parti, le sax en folie douce, jeu de cache-cache un peu déjanté, somme toute. On s’amuse, la marelle n’est pas loin et puis conduit au ciel! Ça tombe bien !…On y est. Au septième, même que…

Ré, ré, juste l’octave, de l’un à l’autre, seulement ça, piano sobre soudain qui appelle ainsi le sax aux notes profondes, un son de fond d’un bois de brume qui nous entraîne à nous y enfoncer, grave, aux teintes légèrement orientales, juste pour le mystère, l’envoûtement.

C’est maintenant le rire joyeux du saxo qui a titillé les notes distillées de Yonathan Avishai ; ils la descendent cette gamme affriolée, affriolante. Notes frappées ou langoureuses, souffle insensé d’un sax de Sylvain Rifflet à la virtuosité savante et sensible remettant à chaque instant l’ouvrage en question. Solide dans ce risque, cette fragilité, élargissant les murs de la raison pour libérer l’imaginaire, lançant de folles alertes pour que la création se modèle à l’instant comme un délicieux bonbon à suçoter. Mais quelles saveurs, quels parfums, quelles surprises ! L’étonnement, c’est le commencement de la jouissance a dit Roland Barthes, eh bien, c’est ça. Ici, maintenant. Euréka !…

Passons au Japon. Théâtre Nô ? Une cymbale, son métallique et un instrument de percussion en bois, son sec. Figer le temps pendant que le sax de Sylvain Rifflet le perturbe, l’accélère, le provoque. Un yin et un yang, peut-être. Un souffle circulaire tout de même pour le sax, cycle de vie, éveil, ébat ? Vie et mort. Premiers souffles. Derniers souffles. Et puis le piano retrouvant le tempo, nous blues l’âme avant que le sax nous achève. Consentants s’entend…Eux sont un éternel recommencement, un éveil de nouveaux rebondissements, une création en constant renouvellement, d’un plaisir à l’autre, d’une idée à une idée, d’un swing à…

Le rappel sera éblouissant, étourdissant, tourbillon accrochant par endroits quelque thème apprécié pour en arracher la partition et s’amuser de l’hommage. Le jazz…

Et puis, pour que nos rêves ne prennent plus fin, une dernière ballade.

 

NB : nouveau lieu de jazz, le SIP coffee bar propose chaque mois un concert avec Yonathan Avishai comme maître de cérémonie

http://sip-coffee-bar.com/