par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Jeudis du Jazz, Créon (33) le 15 octobre 2020.

Il y a 7 mois se tenait le dernier concert proposé par l’association Larural dans le centre culturel de Créon. 7 mois de disette, de questionnement et de reconstruction après une période de sidération. Les artistes initialement programmés ont soit été reprogrammés, soit indemnisés. Ici on les respecte, l’état d’esprit, l’efficacité de l’association et les aides dont elle bénéficie le permettent.

C’est sa directrice Carlina Cavadore, très émue, qui nous explique tout cela avant que Serge Moulinier ne nous présente le programme de la 11ème saison des Jeudis du Jazz : Crawfish Wallet le 17 décembre, Bakos le 4 février et Marie Carrié quintet le 8 avril

Ce soir c’est le quartet de Christian Paboeuf qui ouvre la 11ème saison. La configuration « cabaret » habituelle n’a pu se mettre en place, crise sanitaire oblige, et c’est en mode concert , chaises et gradins, que la soirée va se dérouler. Pas de dégustation de vin ni de fumet accueillant, soyons optimistes ça reviendra… Le public, masqué, gélifié, distancié, a répondu présent malgré la frilosité ambiante, rassurant les organisateurs.

Les balances ont été très précises, de quoi remettre dans le bain Ramuncho aux lumières et Cyril à la console, ce dernier n’ayant plus fait de sonorisation depuis mars ! Ils se sont bien rattrapés le soir, c’était nickel.

Un des intérêts de ces jeudis du jazz c’est d’y faire parfois des découvertes, de mettre devant les spectateurs des musiques qu’ils ne seraient pas forcément aller écouter ailleurs. Ca va être encore le cas ce soir avec ce quartet à la couleur insolite.

Christian Paboeuf (hautbois, flûte basse, vibraphone et compositions)

ses deux vieux complices Régis Lahontâa (trompette, bugle) et Pierre Thibaud (batterie, percussions, sax alto)

et le dernier arrivé Xavier Duprat (e-piano, synthé, machines) vont nous offrir certes un vrai concert de jazz, mais aussi un voyage dans la musique , dans les musiques.

Alternant les compositions spécifiques à la scène et d’autres créées pour des ciné-concerts, de Carl Dreyer ( La Passion de Jeanne d’Arc) à Laurel et Hardy, en passant par Hitchcock (the Lodger, les Cheveux d’Or en France) ou Harold Lloyd, ce sont des constructions musicales et des sonorités dont nous avons peu l’habitude que vont nous proposer ces quatre remarquables musiciens.

Les unissons de l’aigrelet hautbois et du suave bugle, le cristal du vibraphone, le timbre médiéval de la flûte basse contrastant avec les boucles et ostinatos envoutants de piano électrique et de synthé, la batterie musicale et ses accessoires tintinnabulants, que de surprises pour nos oreilles ! Une musique riche, précise, très écrite mais laissant la place aux improvisations, au rythme, et oui c’est du jazz, on l’a déjà dit et son créateur Christian Paboeuf y tient.

Quelle merveille de valse cette composition curieusement baptisée « Mille et un petit suicides » (plus exactement illustrant à l’origine un film comique (!) d’Harold Lloyd essayant vainement de mettre fin à ses jours) ; un son cristallin de vibraphone, une rythmique cyclique et solennelle de piano, et des unissons délicats de bugle et de soprano, Pierre délaissant ce dernier pour jongler avec des grelots. Poétique et magique.

Le public est un peu interloqué, hésite à applaudir les chorus comme la tradition du jazz le veut, mais là on est ailleurs en même temps, il ne veut pas rompre ce charme particulier  et il va attendre la fin du concert pour faire exploser sa satisfaction. En récompense le quartet va nous offrir en rappel « A Grands Fracas » un titre parfait pour cette composition puissante, voire violente.

En résumé une musique fantasmagorique qui a emporté et transporté un public aussi surpris qu’heureux. Bravo Christian Paboeuf pour cette créativité, bravo à tous les quatre pour son exécution et merci Larural de nous permettre d’accéder à de telles choses.

Site de production « Il Monstro Prod » https://ilmonstroprod.fr/