Richard Galliano

New York Tango Trio

 

par Vince, photos Christine Sardaine

Olympia d’Arcachon – Lundi 24 avril 2023

Alors que la pluie de printemps engrisaille Arcachon d’un filtre mélancolique, la façade lumineuse de l’Olympia éclaire l’avenue du Général de Gaulle, tel un phare dans la nuit.

A l’intérieur, la salle comble est prête à ovationner un artiste hors du commun.

On ne présente plus Richard Galliano, le maestro incontesté du plus populaire des instruments, l’accordéon. C’est lui le premier à avoir sorti cet instrument du placard des ringardises folkloriques pour le hisser au plus haut rang.

Sous les doigts de Richard Galliano, le piano à bretelles sublime les œuvres de Piazzola et tutoie l’orgue de Jean-Sébastien Bach ou le violon de Vivaldi.

Adoubé par le prestigieux label allemand Deutsche Grammophon, le natif de Cannes a fait des rencontres déterminantes dans les années 80 ; Claude Nougaro avec lequel il collaborera à de nombreuses reprises et Astor Piazzola qui lui fera prendre conscience de la singularité de son style, le « New Musette ».

Ce soir à Arcachon Richard Galliano, en trio acoustique avec Diego Imbert à la contrebasse et Adrien Moignard à la guitare est venu faire un brin de causette musicale pour et avec le public.

Ce grand Monsieur, si talentueux et exigeant avec l’instrument et pourtant si simple et modeste au quotidien, se permet de ne plus venir avec une set list formatée. Les morceaux s’enchainent au gré des envies et du dialogue installé avec la salle et avec ses compagnons de scène.

Vêtu de noir, un chèche rouge autour du cou, la grande silhouette de Richard évoque la célèbre affiche de Bruant peinte par Toulouse-Lautrec, le chapeau en moins.

Seul, il débute le concert par une pièce d’Henri Sauguet « le chemin des forains » emprunté au répertoire d’Edith Piaf ; génial clin d’œil, retour aux sources du son « accordéon », hommage et révérence aux origines populaires de l’instrument.

Diego Imbert et Adrien Moignard le rejoignent sur scène pour interpréter « Sur: Regreso Al Amor » d’Astor Piazzola, son mentor. C’est une évidence. Galliano n’interprète pas Piazzola, il le vit, il l’incarne et le sublime.

D’une pirouette, Richard entonne en solo le « clair de lune » de Claude Debussy, en intro d’un de ses tubes « fou rire », titre « new musette » enregistré en 1996 sur l’album New York Tango avec un all-star gang formé de Birelli Lagrene (guitare), Al Foster (batteur) et George Mraz (contrebasse).

Virtuosité, chant à l’accordéon, contrechant à la guitare, nuances et musicalité à chaque note. A tout instant, que l’on découvre ou se repaisse de ses mélodies, nul ne peu trouver l’ennui dans cette musique sincère, pleine de vie, ivre de joie, nourrie de rythmes.

En trois ou quatre pièces, toute la palette artistique de Galliano s’étale sur la scène ; le tango du maître argentin, la belle chanson française, le goût du classique très tôt développé au conservatoire de Nice. La voilà, toute cette « glaise » sonore de laquelle est façonné Richard, fils de Lucien Galliano, lui-même accordéoniste.

Sage, pudique ou peut-être intimidé, le public se laisse peu à peu embarquer par l’énergie jusqu’au moment où il succombe sous l’émotion de « Toulouse ». Vieux complice de Claude Nougaro, Richard et ses deux acolytes, inondent la salle d’un délicieux émoi avec cet arrangement original, à la fois sobre et envoûtant. Même en Gironde, de ce versant-ci de la Garonne, le talent du petit taureau toulousain dissipe toutes les rivalités entre l’Aquitaine et l’Occitanie, comme Galliano se plait à le souligner.

« Chat pitre » espièglerie mélodique parue sur le CD Tangaria (à retrouver aussi dans le spot publicitaire Carré Frais…) poursuit le concert ; décliné sous plusieurs angles rythmiques, cette petite ritournelle se prête à la fantaisie improvisatrice d’un Richard Galliano décontracté, chaleureux, complice.

Après avoir entamé une Gnossienne d’Erik Satie, poursuivie par la « non sense song » de Chaplin (les temps modernes), le medley en solo se termine par un des tubes de Barbara « ma plus belle histoire d’amour ». 

Déjà neuf ou dix titres, compositions originales, improvisations ou « covers » (reprises en français) ; le Chef Galliano et sa brigade, nous ont servi une belle dégustation qui n’était en fait qu’un mezzé.

Avec « New York Tango », titre phare du CD de 1996, revisité par ce new « New York Tango Trio », le plat de résistance, l’œuvre, succède aux hors d’œuvres.

Puis le patron régale, « Valse à Margaux » de la new musette valsante, puis « Aria », à la façon d’un certain Jean-Seb, avec un peu plus d’air, souligne Galliano.

En feu d’artifice, le « tango pour Claude » (enregistré par Nougaro sous le titre vie violence), boucle un spectacle enthousiasmant, où le talent et la bonhomie irrésistibles ne peuvent laisser personne insensible.

Debout pour ovationner le trio, le public conquis se voit offrir deux rappels, dont la « Javanaise » susurrée par les doigts de Richard et chuchotée par toutes les lèvres de la salle.

Un moment de communion intense entre un artiste et son public qu’il ne fallait surtout pas manquer.