Propos recueillis par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Andernos Jazz Festival, samedi 27 juillet 2019.
A l’occasion du Andernos Jazz Festival 2019 nous avons pu rencontrer Cecil L. Recchia une chanteuse au répertoire original, désormais une des valeurs sûres de la scène jazz parisienne et au delà. C’est au bord du Bassin d’Arcachon sous un soleil enfin revenu que nous avons pu échanger après la balance.
AJ : Bonjour Cecil, bienvenue à Andernos. Alors comment se passe cette tournée du projet « The Gumbo » ?
CLR : Très bien merci. Nous avons déjà pas mal de dates (dont Jazz à Saint Germain des Prés et Maison Laffitte Jazz festival dernièrement), déjà une vingtaine depuis le début de l’année.
AJ : Que préfère-tu, le jouer dans les clubs ou les festivals ?
CLR : J’aime les deux. J’adore les clubs pour l’intimité et la proximité avec le public. Les festivals, c’est une autre énergie, cela nous permet de toucher plus de monde. Dans les clubs c’est davantage une démarche volontaire du public, dans les festivals on trouve aussi le chaland, surtout comme ici où les concerts sont gratuits, des gens qui n’écoutent pas forcément du jazz et qui découvrent. C’est propice à une autre forme de rencontre.
AJ : Pourquoi ces choix originaux pour une chanteuse ? Le projet du premier album « Songs of the tree » autour de la musique d’Ahmad Jamal et maintenant « The Gumbo » et le jazz de New Orleans, pas trop chanté par les femmes ? C’est pour te démarquer ou pas ?
CLR : Cela correspond tout d’abord à des choix esthétiques. Je travaille avec David Grebil, batteur dans mes formations et également mon directeur artistique. Ces deux albums sont le fruit de nos concertations autour les musiques que nous aimons. Il y aussi effectivement l’envie d’aller me poser à un endroit où le vocal n’est pas forcément présent. Cela m’intéresse car ça m’oblige à faire un travail vocal qui n’est pas tout à fait le même que si je vais chercher un répertoire habituellement chanté. Pour moi c’est un vrai laboratoire. Par ailleurs, ce que j’aime dans la musique c’est l’espace, comme chez Ahmad Jamal. J’aime aussi que la place soit faite pour la « danse » comme dans les musiques de la Nouvelle Orléans. Notre travail est axé sur la voix et les rythmes. Et le lien entre les deux albums, ce sont les batteurs d’Ahmad Jamal qui pour la plupart sont originaires de NO.
AJ : Et ça tombe très bien pour nous cette année à Andernos où le fil rouge est justement New Orleans ! La place des femmes dans le jazz est très souvent le chant et toi tu l’abordes ainsi différemment. Tu joues d’un instrument autre que ta voix ?
CLR : J’ai une formation de piano classique. Je n’en joue pas en public. Il n’est pas exclu qu’un jour je me mette au piano sur scène mais je collabore avec des pianistes tellement magnifiques (Pablo Campos en ce moment) que je n’ose pas me mesurer à eux ! Mon instrument est vraiment la voix.
AJ : Connaissais-tu le festival d’Andernos et la région ?
CLR : C’est ma première fois ici au festival mais je connais bien la région pour y avoir passé un certain nombre de vacances. Je suis une grande amoureuse de Bordeaux et je suis ravie d’être ici et qu’il ne pleuve plus !
AJ : Ici justement il n’y a pas énormément de chanteuses qui sont passées en vedette comme toi ce soir. Sais-tu qu’Ella Fitzgerald était programmée en 1972, les affiches de l’époque en témoignent, mais qu’au dernier moment elle n’est pas venue, malgré le contrat signé, préférant rejoindre le festival de Nice ; Eric Coignat le directeur du festival a encore les échanges de courriers de l’époque ! Présente nous tes musiciens.
CLR : Au piano Pablo Campos qui est aussi un merveilleux chanteur, à la contrebasse Raphaël Dever, David Grebil à la batterie et Noé Codjia à la trompette qui remplace Malo Mazurié qui joue ailleurs ce soir. Une superbe équipe !
AJ : Tes voix préférées dans le jazz, féminines ou masculines, ou même au delà du jazz ?
CLR : Pas forcément des voix mais des chanteurs ou chanteuses. Ma chanteuse de jazz de prédilection c’est Shirley Horn, sans hésiter. Pas nécessairement une grande voix mais une grande narratrice, qui a le sens de l’espace dans son chant, c’est une immense prêtresse du silence, j’adore ça. J’aime énormément les voix de Jeff Buckley ou Nick Drake. Andy Bey aussi, que j’adore ! Peter Gabriel… Pas forcément que des artistes jazz donc.
AJ : Tant mieux !
CLR : Et j’aime tous les chanteurs de funk d’une manière générale, quand il y a du groove dans la voix, ça me parle. Si je n’avais pas été chanteuse j’aurais été bassiste de funk je pense! (rires)
AJ : Qu’est ce qui t’as amené au jazz ?
CLR : Des soirées chez les parents d’une amie qui en écoutaient beaucoup en fumant des joints (rires), c’était tellement différent de ce que je connaissais chez moi… On se maquillait avant d’aller en boîte en chantant des solos d’Ella ou de Sarah Vaughan.
AJ : Tiens au fait que signifie ce « L » au milieu de ton nom ?
CLR : Ah ça intrigue toujours ce L. ! C’est le prénom de mon grand-père, Louis. Il était persuadé que je serai un garçon, étant le dernier enfant de la lignée des Recchia, il a été un peu déçu. Alors j’ai hérité de son prénom. Recchia vient d’orecchia, oreille en Italien, Cécile c’est la sainte patronne des musiciens et Louis ça évoque l’ouïe… Ce nom me prédestinait certainement à faire quelque chose dans le son et la musique ! 😉
AJ : Merci Cecil, on va te laisser te préparer et te reposer avant le concert de ce soir. Très heureux de te rencontrer dans la réalité, ailleurs que sur les réseaux sociaux où tu es très active.
CLR : Oui c’est vrai. Pour les artistes, les réseaux sont devenus incontournables. On doit y être présent pour communiquer sur son travail. Ce sont de superbes outils promotionnels et d’échanges. Ils permettent aussi de découvrir et soutenir les projets des autres.
Quant à ma préparation, je vais aller faire mes étirements et échauffements pour ce soir.
Le concert du soir allait confirmer le talent de cette musicienne dotée en plus d’une très belle présence sur scène. Elle a fait un tabac devant une place de la jetée à marée haute. Le blog en parlera. Session de rattrapage les 6 et 7 août au off de Marciac !
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