Chroniques Marciennes 5.3                                                    Astrada de Marciac / 30 Juillet 2019

texte: Annie Robert

Bon, il va falloir que j’arrête…. d’aller écouter Pulcinella et de les chroniquer (quatre concerts en 6 mois et 3 chroniques), c’est trop. Beaucoup trop. Cela va paraître suspect!! On va finir par croire que je suis appointée par leur manager ou qu’ils sont les cousins par alliance de la voisine de ma tante Rose. Non, non, faut que j’arrête.
En plus, j’en ai dit tellement de bien, que je vais finir par en être ridicule de béatitude conquise et ne plus trouver les mots …
Mais ça va être dur car Pulcinella, c’est comme le chocolat: réconfortant, addictif, et avec plein de surprises dedans…

Après 3/4 d’once, le Grand Déballage (leur bal déjanté) et la collaboration avec la chanteuse italienne Maria Mazzota, voici que nous découvrons «Ça » : un truc, un machin, un bidule, un fourbi, un chose- muche concocté par les quatre toulousains lors d’une résidence ici à l’Astrada. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils s’en sont donnés à cœur joie et à gorge déployée, les bougres.
Ils ont gardé toute la charpente qui fait leur essence même: facétie, humour, décalage et complicité et bien sûr leur talent immense d’interprètes mais en y rajoutant quelques folies étranges, électroniques, barrées ou funks. Et bien sûr du second degré, du second degré, du second degré…!!!
Mais qu’est- ce qu’on les aime pour cela. Cette manière de jouer à la fois sérieusement, mais en s’amusant, une musique parfois atmosphérique parfois inattendue et toujours joyeuse. C’est ne pas se prendre au sérieux qui permet de l’être!! Un vrai paradoxe qu’ils nous assènent en pleine museau…

Le premier morceau démarrant sur des accords bleutés de contrebasse,( Jean Marc Serpin) puis des montées en puissances de l’accordéon ( Florian Demonsant) et du sax ( Ferdinand Doumerc) se nomme «Liquide». Le second ,«Ivresse des profondeurs» scandé, répétitif et planant se teinte de facétie avec une flûte à piston et des allures de clowns burlesque. Parfois les morceaux s’ élargissent en bribes de féerie pinkfloydienne mais on sent toujours le feu sous la cendre, la pépite sous la gangue, le diamant sous le charbon quand ils s’élancent dans les cintres.
«Qu’est ce qu’on attend?» à la rythmique funk est tout en sons piqués comme des jacassements de pie, «Ici hélas» ( ou ici et là ? ) étale sa ballade en sons fiévreux avec une belle mélodie partagée entre le sax soprano et contrebasse. Chaque atmosphère est posée mais pas comme un bibelot sur une étagère, plutôt comme un artiste sur son trapèze, en équilibre pailleté, en plumet voletant.
Ces quatre là s’aventurent partout à la recherche des possibilités de leurs instruments: sons de cathédrale de l’accordéon, grondements sourds ou cliquetis de la batterie ( Pierre Pollet), rondeurs de la contrebasse, larges bandes cuivrées des saxophones ou leurs cris aigus. Il y a une petite noix cachée dans la tablette de chocolat, un grain de raisin, du riz soufflée, un fourrage de crème. Chaque carré cache sa surprise et ce n’est jamais la même. Chacun a sa part, son coup d’épaule amical, son embrassement, son embrasement, sa solitude accompagnée, son moment burlesque. Les morceaux sont composés le plus souvent de plusieurs thèmes chevauchés, imbriquées et mélodiques. Rien d’obsédant dans les répétitions qui fondent leur musique. Ils font de tout cela une matière joyeuse et comique, une terre glaise rosée qui finit en souples boucles mais qui sait regarder également du coté de l’émotion.

Une interrogation cependant… leurs mères respectives vont -elles se retrouver avec plaisir dans le récriminant « Ta mère te regarde » ? Railleuses, grinçantes pour ne pas dire pire, les notes se font bien entêtantes et bien ironiques… (pardonnez leur les mamans, je pense que ces ludions seraient capables de se damner pour un bon mot ou une belle note…!) Quant à « J’ai caressé le chien du douanier » bâti de sons rigolos ( Pierre Pollet s’amuse bien!!), de flûte indienne, de voix trafiquées, cela sent son vécu et leur rapport à la douane me laisse perplexe et amusée….

Bon, allez, j’arrête de chroniquer Pulcinella.. c’est sûr, c’est promis, juré…… ( enfin peut être…)
Mais Ça va être dur!! J’adore tellement chocolat.!!! Et ils sont tellement bons et craquants!!