Noël made in China Moses

La Grand Poste – Samedi 17 décembre 2022

Par Vince, photos Jean-Michel Meyre

Il fallait être un peu timbré pour se rendre à la Grande Poste ce samedi soir. (Il fallait que le la fasse, mais c’est promis, j’arrête).

Quitter le fauteuil dans lequel on s’était enfoncé devant les exploits footballistiques depuis 1 mois, affronter le froid et les embouteillages à 2 semaines de Noël… mais, cela valait largement la peine.

Maë Defays

19h00, à l’heure où l’apéro l’emporte en général, l’auditoire est tourné vers la lumière de la scène, suspendu aux premières notes de Maë Defays. Sa silhouette toute fine et sa guitare jazz Ibanez suffisent à captiver la salle.

Il faut dire que Maë a tout pour séduire, le charme, la douceur, une voix cristalline, des compositions d’une grande élégance, une vraie présence, une technique vocale et instrumentale au top. Effet « waou » garanti !

Son CV en atteste ; Maë a déjà assuré les premières parties de Macy Gray, Sarah McCoy, Kimberose, Ibrahim Maalouf… En juin 2021 elle tournait dans les festivals en trio 100% féminin avec Clélya Abraham au clavier et Camille Bigeault à la batterie, dont le fabuleux Jazz à Vienne.

Séances de rattrapage :

https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=mae+defays+youtube#fpstate=ive&vld=cid:f0a0db74,vid:CT72NbXkQg8

https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=mae+defays+youtube#fpstate=ive&vld=cid:1e0e3b62,vid:V2dW3KY22kw

Que dire ? Maë a grandi au sein d’une famille d’artistes et ses influences jazz et groove transpirent dans les compos originales de cette auteure compositrice interprète aux couleurs et à l’âme métissées. Maë a retrouvé assez récemment ses racines Guadeloupéennes et chante aussi en créole parmi ses nombreux textes en anglais. Sa fraîcheur, sa simplicité, sa spontanéité enchantent à chaque morceau même si les thèmes abordés ne sont pas si légers que ses mélodies ; l’écologie, la résilience, l’éco anxiété sont au cœur de ses titres comme «Deeper ocean» ou «Mangrove».

Sa technique musicale, son exigence, sa précision ses arrangements et son talent sont totalement au service d’une musicalité exceptionnelle, synthèse de Stevie Wonder pour le phrasé et d’Esperanza Spalding ou de Gretchen Parlato pour l’audace mélodique et harmonique.

Peu importe les références, au diable les styles, ce qui séduit c’est surtout sa très belle personnalité que Maë met en chansons. Après avoir (en)chanté (par) une dizaine de titres, dont la reprise très personnelle de « déjà vu » interprété par Beyonce, elle laisse la place à China Moses.

Que vous ayez vu ou manqué Maë Defays, son album « Whispering » vous plongera dans son univers musical félin, féminin, élégant à découvrir absolument.

China Moses

Line up :

China Moses : Chant / Kwame Yeboah : Clavier / Vincent Charrue : Clavier / Camilla George : Saxophone / Dan Coulthurst : trompette / Drums Lox : Batterie / Lawrence Insula : Basse / Josiah Woodson : Guitare

C’est vraiment Noël avant l’heure, car c’est en avant-première que China Moses, avec 7 musiciens venus d’Angleterre dans sa hotte, est venue présenter les chansons de son 7ème album (sortie en 2023) et bien entendu, quelques standards de circonstance, dans la tradition des grands chanteurs nord-américains.

China est une artiste d’aujourd’hui, fille de la célèbre Dee Dee et de la mondialisation musicale dont elle a pris le meilleur de la soul, du jazz, du blues, du funk, du rock et même du rap… Son métissage culturel fait d’elle la plus frenchy des artistes américaines, à moins qu’elle ne soit la plus américaine des chanteuses françaises ?

Enfant de la balle, biberonnée aux bonnes vibes, elle sort un premier album de style « R&B » à 19 ans. Depuis, China a fait du chemin, et pas toujours en ligne droite, allant là où l’inspiration et les rencontres l’ont portée.

Le grand public a découvert China au Grand Journal de Canal+ ou sur les ondes de TSF Jazz, mais son talent musical et sa signature vocale a été reconnus à la sortie de son projet « One’s for Dinah » et sur « So In Love » auprès d’André Manoukian. Elle enchaine les collaborations, parfois un peu plus confidentielles auprès d’Abigoba ou d’Éric Legnini mais aussi avec des artistes dits de « variété » comme Diam’s, Camille, Sinclair ou Princesse Erika. Ses apparitions au cinéma (à l’écran, sur les bandes son et en doublage) ou encore en comédie musicale démontrent sa curiosité, son éclectisme et peut être la volonté de ne pas être cataloguée dans un style, alors qu’elle porte tant de couleurs qui ne peuvent s’exprimer dans un seul registre.

Comme son ensemble en jean veste-pantalon et ses musiciens lookés (voir photos), la musique de China est très colorée, métissée et surtout joyeuse. China a hérité du sourire de sa maman ; son visage jovial et ses yeux rieurs nous invitent de suite à partager avec elle, ce qu’elle va dire ou chanter.

Côté spectacle, China a concocté un programme où elle livre au public ses émotions à la fois en musique et en anecdotes, un peu à la manière d’un conte musical, mais pour adultes. Cette intimité (et le lieu s’y prête) s’installe immédiatement avec le public et participe au succès de la soirée. On apprend qu’elle aime le Champagne (sans modération) et que ce breuvage est de toutes les circonstances de sa vie mouvementée… séparation, célébration, création, rencontres aussi ! Vous voilà prévenus, pour la prochaine fois, quand elle viendra dîner à la maison.

Chaque titre donne l’occasion de rentrer un peu plus dans l’univers de China, un peu comme on dévoile les cases d’un calendrier de l’avent. Elle se livre cœur et voix et enchaine une dizaine de titres ; du blues New Orleans, des titres plus groovy comme « Disconnected » ou « It’s gonna be better », des ballades mid tempo, des chants de Noël comme « Christmas time » de Noral Jones et « Merry merry Christmas » de Koko Taylor… son set est subtilement dosé. De petites citations comme « Everybody loves the sunshine » de Roy Ayers ou « Summertime » (Gershwin), dans le pur esprit jazz, se marient à ses compositions. Enfin, elle réalise une interprétation de la chanson qui a « changé le cours de sa vie », selon ses propos, « Être là-bas », et pour laquelle elle s’est battue avec sa maison de disque… elle a bien fait de ne rien lâcher.

Son septet trié sur le volet, aurait pu envoyer un peu plus, mais limité par les contraintes techniques de la Grande Poste, les musiciens ont joué pianissimo. Leur talent n’en fut pas pour autant affaibli ; à chaque pupitre, batterie, claviers, basse, guitare, sax ou trompette, les chorus sont délicats et de très bon goût. Les arrangements de Kwame Yeboah sont efficaces et subtils à la fois, techniques mais toujours accessibles, comme le répertoire de cette grande dame de la chanson appelée China.

Sincérité, générosité, partage, émotions, pourraient résumer cette belle veillée musicale.

Alors, vous voyez ce que vous avez peut-être manqué si vous n’étiez pas à la Grande Poste le 17 décembre dernier ; il vous faudra attendre le 13 mai 2023 pour retrouver China Moses, Salle Gaveau à Paris.

D’ici là, faites un petit tour chez votre disquaire où vous trouverez les CD de China parmi lesquels je vous recommande « Nightintales » sorti en 2017, qui saura se glisser avec élégance au pied du sapin ou dans vos oreilles délicates !