par Philippe Desmond

L’Apollo bar, Bordeaux mercredi 6 mars 2019.

Les Bordelais ont de la chance mais ils ne le savent pas. Ils ont sous la main, ou plutôt sous l’oreille, de magnifiques musiciens de jazz qui n’ont rien à envier à d’autres venus d’ailleurs. Mais on le sait, l’herbe est toujours plus verte chez le voisin… Confirmation hier soir à l’Apollo avec la régulière carte blanche à Roger Biwandu entouré de Nolwenn Leizour et Mickaël Chevalier.

Chance donc d’avoir ce trio mais double chance comme au loto avec un invité de marque, qui est rare ici… et venu d’ailleurs, Pierre de Bethmann. Je me contredis me direz-vous, pas tant que ça, ce nom de famille n’étant pas du tout étranger à la ville de Bordeaux. Certes de lointains ancêtres dans cette dynastie bordelaise mais dont un en fut le maire à la fin du XIXe siècle. Pierre lui est parisien, pas forcément une bonne carte hier soir, mais surtout un très grand pianiste. Allez-donc voir son pedigree sur son site, carrière riche sous son nom, avec le trio Prysm et comme sideman très recherché, Django d’Or, Grand Prix de l’Académie du Jazz…une référence.

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Il n’a jamais joué à l’Apollo, découvre le lieu… et deux des musiciens, Nolwenn et Mickaël. Magie et souvent force du jazz. Entre gens de bonne compagnie ça ne peut que fonctionner me résumera Roger, oui bien sûr mais travail et talent aident un peu aussi. Certes il a donné les devoirs à l’avance, les partitions, et ses bons élèves les ont faits mais même pas le temps de répéter, un client n’arrivant pas à terminer sa partie de billard, celui-ci devant être déménagé pour créer »la scène »…

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Pour ce genre de rencontre « improvisée » le mieux c’est de rester dans l’universel, charge à l’inspiration du moment de le transcender, ce sera le cas.

Tous connaissent les musiciens locaux, la plupart découvrent Pierre de Bethmann. Ils vont être rapidement fixés, le concert démarrant avec « Au Privave » sur un tempo très vif, un chorus haletant du pianiste arrivant vite. Une main droite virevoltante, une gauche ferme et marquée. Une attitude caractéristique que ce balancement du corps, la tête près de percuter le clavier, un regard habité, totalement voué à la musique.

 

Et cette moue dubitative à la fin des chorus, du genre « voilà j’ai fait ce que j’ai pu… » Et oui chaque titre, chaque solo donne lieu pendant de courts instants à une mise en place, une grille à ajuster, une tonalité à faire glisser, ils n’ont jamais joué ensemble ! Si je le dis c’est que des musiciens me l’ont fait remarquer, ça passe quasiment inaperçu pour les autres.

Des musiciens en effet il y en a beaucoup et notamment les jeunes du Conservatoire qui n’ont jamais été aussi nombreux ici. Les générations vont-elles s’entremêler, souhaitons le. Il y a un autre pianiste aussi qui est là, discrètement. Il ne jouera à Bordeaux qu’en décembre à l’Auditorium, un certain Jacky Terrasson.

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Pierre s’est rapidement intégré à ce trio de musiciens habitués à jouer ensemble. Le plaisir mutuel arrive très vite. j’adore quand entre les titres ça discute sur l’organisation du suivant.

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Nolwenn est impériale, plus ça va vite plus ça lui plaît. Elle va nous proposer de nombreux solos de contrebasse aussi divers que profonds et inspirés. Une chance qu’elle soit là ce soir tant elle est demandée par les uns et les autres. On comprend pourquoi.

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Mickaël est lui en rodage, plus exactement son nouveau bugle. Mais ça doit être comme les voitures maintenant, le rodage se fait en mode accéléré, voire n’existe plus. Quel beau son chaud et velouté qui chante la mélodie du quartet et permet de belles envolées cuivrées. Il passe la moitié du concert les yeux fermés, davantage peut-être, dans sa bulle musicale comme pénétré. Je vous dis qu’on a de la chance.

Le boss et oui, chez lui ici depuis plus de vingt ans, comment il se régale, comment il nous régale. Le seul fait qu’il nous propose ici ces rendez-vous musicaux variés, de tous style est déjà à souligner. Mais c’est le musicien qui l’emporte. Le jazz ce sont des temps forts à souligner et croyez moi il ne s’en prive pas. Relances, rebondissements c’est une fête perpétuelle. Je ne pense pas que Roger écoute les autres, il les sent, il lit dans leurs pensées. Le voilà qui reprend instantanément à la cymbale un plan de Pierre, qui devine que Nolwenn va faire un break. un drumming vif avec le minimum syndical, caisse claire, grosse caisse et cymbales.

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Au second set Yann Pénichou viendra étoffer le groupe sur « One day my Prince will come » ajoutant le son chaud de sa guitare à cette mélodie séculaire ainsi que sur le monkien « Evidence ».

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« Seven Steps to Heaven » pour finir mais beaucoup y étaient déjà arrivés au Paradis en cours de concert. Magnifique version tonique de ce désormais classique du jazz.

Tiens un « détail » qui me revient, vers la fin du concert alors que Pierre de Bethmann joue un chorus très proche du thème j’entends une autre mélodie, je cherche qui est en train de la faire, c’est lui de sa main gauche. J’ai vue qu’une rue de Bethmann existait à Bordeaux, on pourrait peut-être demander au nouveau maire de la ville d’y rajouter le prénom Pierre…

 

Bonne nouvelle Pierre de Bethmann jouera le vendredi 7 juin au festival Jazz 360 à Cénac avec son ensemble Médium 3 de 10 musiciens !

 

Set 1

Au Privave (Charlie Parker)

Cherokee (Ray Noble)

There is not Greater Love (Isham Jones)

Eye of the Hurricane (Herbie Hancock)

Set 2

Dear John (Freddie Hubbard)

Some Day My Prince Will Come (Frank Churchill) avec Yann Penichou

Evidence (Monk) avec Yann Penichou

Black Orpheus (Luis Bonfà)

Seven Steps to Heaven (Victor Feldman / Miles Davis)

 

http://pierredebethmann.fr/fr/

https://www.jazz360.fr/