par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier.

Rocher de Palmer, mercredi 28 novembre 2018.

L’entrée est progressive dans le tempo, le piano tape la cadence comme une vibration infinie, la contrebasse grave et douce s’impose. La batterie fait monter le ton, après avoir lancé un son de cloches, pendant ce temps la contrebasse strie le rythme pour encourager l’énergie. Les sensations, d’abord : le pianiste martèle le clavier pour chercher la pulsation, le cœur en direct, son arythmie. Pourtant, le trio est équilibré, à l’unisson ; les musiciens de Manchester avancent ensemble. Trois corps soudés finalement. La cheville ouvrière tout de même, c’est la contrebasse. Le palpitant s’emballe et pour finir le morceau, le meilleur DJ n’a qu’à bien se tenir!

Vient le matin bleuté, le piano répétitif de Chris Illingworth entraîne la contrebasse ; on voudrait bien se lever, mais la tête gamberge. Les trois musiciens partent toujours d’une scansion épurée, construisent un tempo maintenu par le piano, amplifié par la contrebasse qui ondule. On sent la fréquence dessiner une courbe. Ce sont des matins qui chantent! Faire de la répétition un enchantement et pas un abrutissement de rave party. On en écouterait le silence…

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La contrebasse de Nick Blacka fait entendre son bois et devient tam-tam pendant que le piano laisse courir des doigts spasmés. On ne sait plus ce qui est puissant, le rythme ou son silence.

Encore un matin, celui-ci déjà plein de promesse. Balbutier, babiller, du cœur aux poumons : respiration un peu rapide mais volontaire. On imagine un long plan où une caméra en travelling suit la course effrénée d’un jeune homme, assoiffé de vie et qui accélère. Ça vous remplit le thorax et puis ça ralentit, on croirait s’arrêter, on titube un peu, la batterie cahote, dernier souffle.

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Effets, échos, sons infinis, démultipliés de la batterie. Le brillant batteur Rob Turner ne s’en laisse pas raconter : c’est lui qu’il faut suivre.

Son « rock », le tempo à la tachycardie facile, écho permanent, 4e complice, témoin des vibrations de la contrebasse. Le trio construit une cathédrale gaudiesque.

Découper le son et la lumière, les hacher, fabriquer des horizons lumineux. Plusieurs soleils apparaissent. C’est un monde multicéphale. De la répétition naît l’excitation.

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Avec les deux rappels, ce sont nos corps qui battent la chamade, pas loin d’une transe. Scander la vie dans une énergie débordante. Attraper le tempo comme une varicelle contagieuse, se déhancher insidieusement, envoûtés!
Gogo Penguin absorbe la techno, la digère et la propulse dans un jazz organique contaminant.