« Django Viatge » avec Benjamin Bobenrieth au Vox

Par Philippe Desmond

Le Vox, Saint Christoly de Blaye, samedi 6 avril 2024.

Benjamin Bobenrieth, guitare / Bastien Ribot, violon / Grégoire Aguilar, piano / Rémi Bouyssiere, contrebasse / Guillaume Prévost, batterie.

Invité : Emile Mélenchon, guitare

Le guitariste Benjamin Bobenrieth vient de sortir un album en trio aux accents différents du genre manouche, ne serait-ce que pour le choix du répertoire : Album « A French Love Affair » . Ce soir il revient vers Django mais en quintet, un projet baptisé « Django Viatge » qui se produit ce soir pour la première fois.

Django Reinhardt revient en 1947 d’une tournée plusieurs mois à New-York. Il est un peu déçu par son déroulement mais a découvert une nouvelle façon de jouer le jazz, il a joué avec Duke, il a vu le big band de Dizzy Gillespie, a découvert le be-bop. Mais il a aussi ramené un des premiers micros amovibles de guitare, un DeAmond ; dorénavant il va jouer électrique, la guitare devenant ainsi plus audible dans des formations plus étoffées que celles de French Strings ou de Swing Manouche. Décédé peu après en 1953 à seulement 43 ans il a ainsi abordé un virage dans sa carrière et c’est cette période moins connue que Benjamin Bobenrieth a décidé de faire rejaillir avec ce quintet. Certes il n’est pas composé exactement comme ceux de Django, pas de clarinette ici, mais un violon, celui-ci longtemps au mains de Stéphane Grappelli quelques années auparavant, ne dénature en rien la musique, bien au contraire. En plus Bastien Ribot en est un virtuose.

« Porto Cabello » pour commencer et très vite la confirmation qu’on n’est plus dans la rythmique habituelle du manouche, pas de deuxième guitare pour jouer la pompe, mais une rythmique des plus classique piano (Martial Solal avait joué avec Django), Contrebasse et batterie ; une jazzette des plus dépouillées, caisse claire, grosse caisse, charley et cymbales. « Speevy » puis le magnifique « Anouman » introduit en concerto de piano par un excellent Grégoire Aguilar ; un titre romantique comme savait aussi les composer Django.

Du pur swing avec « Dinette » pour lequel Bastien Ribot nous explique que durant l’Occupation, les artistes n’ayant pas le droit de jouer des standards américains, les arrangeaient et changeaient leur nom ; ici le titre de base était le célèbre « Dinah ». Le quartet tire ensuite une « Flèche d’Or » qui, vu la vitesse du tempo, n’a pas tardé à atteindre sa cible ; ça barde drôlement ! Guitare et piano se répondent, le violon s’en mêle, chacun apportant sa couleur, son style. Rémi Bouyssière (vu récemment au Rocher de Palmer pour le jazz clubbin’ de Léon Phal, quel grand écart ! ) avec son insolite contrebasse démontable et Guillaume Prévost avec sa batterie en tenue légère assure une rythmique vive et chaleureuse. Magnifique quintet… mais qui va un moment devenir sextet. le guitariste Emile Mélenchon qui était dans la région a rejoint ses copains et pour commencer son intervention surprise va nous offrir avec Benjamin un duo éblouissant. Ça part on ne sait trop où, eux-même le savent-il, ça se taquine, se questionne, se répond, tranquillement, un moment de cristal, fragile et lumineux. On sent la mélodie arriver, oui c’est « Love for Sale » qu’ils sont allés chercher bien loin ; je ne savais pas qu’on pouvait jouer autant de notes sur cette petite mélodie ! Emile sans médiator, un extraterrestre, Benjamin toujours aussi musical avec un phrasé différent, un vrai moment de grâce.

Nous voilà à Bruxelles, « Place de Brouckère » avec un intro bien free qui passe ensuite en mode be-bop, un autre Django, vraiment. « Brazil » que ce dernier a effectivement joué , les six musiciens « se promènent », nous enchantent… L’air de rien (!) plus deux heures sont passées, on ne s’en est pas aperçu, les musiciens non plus et ils nous accordent cependant un rappel rapide ; oui 10 minutes quand même, et bien qu’ils nous fassent « Les Yeux Noirs » on engrange un peu de joie supplémentaire. Un concert comme un cadeau.

Benjamin Bobenrieth sera en quartet avec Bastien Ribot le dimanche 2 juin à Latresne pour le Festival Jazz 360.