Big Band du Conservatoire de Bordeaux : Nougaro !
par Philippe Desmond
Le 4 mars 2004 Claude Nougaro disparaissait à près de 75 ans après une vie bien remplie et pas trop sage, pas son genre. Cette année 2024 a ainsi été l’occasion pour beaucoup de musiciens de célébrer le Petit Taureau toulousain, poète, auteur, compositeur prolifique. Le Conservatoire Jacques Thibaud ne pouvait passer à côté de cet anniversaire avec son Big Band Jazz ; et oui Claude Nougaro était un chanteur de jazz même si certains le cantonnent dans un registre variété. Combien de ses musiques est-il allé chercher dans le répertoire du jazz, les habillant de ses paroles, montrant ainsi que la langue française pouvait elle aussi swinguer.
Le très kitch théâtre Femina qui accueille le concert est presque complet, les amateurs de Nougaro ayant rejoint les familles des étudiants du Conservatoire qui seront sur scène ; près d’une soixantaine entre le big band dirigé par Mathieu Tarot et le chœur dirigé par Carla Fernandez. C’est Jacques Ballue, professeur emblématique des classes de Musiques Actuelles, qui nous présente la soirée avec sa gaîté habituelle. Ce sont les seules personnes que je nommerai, le travail étant vraiment collectif et chacun étant méritant ; pas de jaloux ainsi !
Trois titres instrumentaux nous sont proposés en prélude par un sextet, « L’Irlandaise » que Claude Nougaro avait joué avec Didier Lockwood et qu’un excellent jeune violoniste ravive ce soir, puis l’émouvant « Rimes » une musique d’Aldo Romano, « Cécile » sur un arrangement de swing très alerte. Une très belle entrée en matière.
La scène est maintenant envahie, le big band et ses 18 ou 19 musiciens, sa rythmique, ses sections à cour, le chœur mixte à jardin. Et nous voilà partis dans le répertoire jazz de Nougaro, ces musiques que nous avons tous entendues, aimées, adorées.
« Armstrong » évidemment avec ces paroles sur le grand Louis et évoquant le racisme, sur la musique du negro spiritual « Go down Moses ».
« Autour de Minuit » de Monk, « Dansez sur moi » d’après le « Girl Talk » de Neil Hefti trompettiste fétiche de Count Basie avec ici un arrangement superbe. Jacques Ballue a en effet effectué un travail de titan pour adapter les musiques au big band et au chœur. Tout est précis, harmonieux, on sent le travail des jeunes.
« Le cinéma » de Michel Legrand arrive, un titre aux arrangements très piégeux dont tous se tirent à la perfection, chanteuse et chanteur compris.
Un tour au Brésil avec la composition de Chico Buarque « O que serà ? » que Nougaro avait adapté en ‘Tu verras », puis le « Sing Sing Song » tiré du « Work Song » de Nat Adderley ; les cuivres sont sublimes dans ce titre, fins et énergiques et la jeune chanteuse, épaulée par le chœur très enjoué, est impeccable.
Un des premiers grands succès de Claude Nougaro où il annonçait la couleur « Le jazz et la java » est lui tiré de « Three to get ready » de Dave Brubeck qui avait puisé son inspiration chez Haydn : ainsi pourquoi mettre des frontières à la musique !
La fin approche, sur le singulier album du renouveau, Nougayork, Claude chantait « Il faut tourner la page » sur une musique de Philippe Saisse, l’occasion ici pour le big band et le chœur de montrer leur sensibilité, la qualité de leurs harmonies.
Tout le long du concert le public complice n’a pas caché son enthousiasme, ça fait du bien de voir une salle qui n’est pas coincée comme c’est malheureusement souvent le cas. Des jeunes sur scène avec de beaux espoirs de relève et des jeunes aussi dans la salle, ça doit être ça. Le rappel est réclamé bruyamment bien sûr et personne ne se fait prier pour venir jouer et chanter « Bidonville », le ‘Berimbau » de Baden Powell.
Une soirée pleine de promesses grâce au travail de toutes et tous, élèves – dont certains et certaines ont déjà un pied dans la carrière pro – et professeurs, bravo.
Vous pourrez revivre ce moment au festival Jallobourde le vendredi 17 janvier à Saint Jean d’Illac et le 2 avril au Rocher de Palmer