Par Dom Imonk Texte et photos.
Situé à Bordeaux, entre Saint Mich’ et les Capus, et qui plus est, pas très éloigné des quais et du Conservatoire de Bordeaux, le Quartier Libre (30 rue des Vignes à Bordeaux) est en quelques années devenu une sorte d’institution, repaire de bon nombre d’addicts des nuits de musiques qui remuent, qui déboitent et décoincent, et qui vont de l’avant sans œillères. Du rock, du blues, du funk, du reggae, de la soul, mais aussi du jazz, tous ces styles y ont toujours eu droit de cité ! Les artistes, dont tous ces jeunes du Conservatoire, et en particuliers les jazz women and men, le savent et y ont carte blanche ! Et question forme, pas de souci, il y a eu des concerts, des jams, des soirées DJ etc… Bref, durant des années, ça n’a pas arrêté, et les fondations d’un lieu fichtrement attachant se sont ainsi bâties. Et puis voilà que ce satané Covid-19 est venu imposer sa mine grimaçante, et plus tard, bien trop souvent le coupant imparable de sa faux ! Tout est stoppé dès le 16 mars 2020, l’affaire est très grave tout autour de la planète. Comme celles de bien d’autres, les portes de ce lieu de vie intense, chaleureux, amical, vrai quoi, se referment, les cœurs saignent, la peur déploie son effrayant manteau noir, couleur de mort, et fige les personnes, obligées au confinement. Il le fallait, surement. Le Quartier Libre a pu rouvrir les portes de son exquis restaurant depuis quelques semaines, et c’est plaisir, l’originalité de sa carte, de ses vins, la qualité de son service y sont uniques ! Et puis, après avoir maintes fois été obligé de la repousser, c’est la réouverture de la petite salle de concert qui a pu enfin l’être, dès la semaine dernière, avec des règles drastiques de jauge, liées à la distanciation. C’est l’excellent Callagan quartet, sur lequel nous reviendrons, qui a ouvert le bal dès le jeudi, suivi des Beijinhos le vendredi, et du groupe Félix Robin & Friends le samedi, ce dernier concert auquel nous avons pu assister. Félix Robin (vibraphone, compositions), très sérieux habitué du lieu, question musique, et aussi billard, dont le rond de serviette est carrément rivé au mur, avait invité de très pointus amis toulousains.
Étienne Manchon (claviers et compositions), dont les « frontières élastiques » s’étirent « grand angle » à chaque occasion,
le réservé mais très efficace Clément Daldosso (contrebasse, et assez présent à Paris),
et enfin le pétillant et polyrythmique Guillaume Prévost (batterie).
Un quartet de compétition, aux membres déjà connaisseurs des lieux « jazz » de notre cité soit disant « endormie », et qui ce soir ne le fut pas. Les compositions ont fusé, musclées, aguichantes, à l’écriture décontrastée © et moderne. Une sorte de jazz du vingt et unième siècle, qui joue l’instant, et n’assure pas que demain sera la même chose. Un jazz dance floor sur roulement à billes vibreur, fait pour nous faire bouger, et nous déséquilibrer de nos convictions, taquin le bougre, à nous de rester debout et de suivre ce flow, rester jeune à tous âges ! Question playlist, ça a déboité comme il se doit, des compos d’Étienne Manchon (« Captcha », « Wendel », « Paris Segré » et une inédite de son prochain album : « Unpredictable »), de Félix Robin (« La valse de ? » composée lors d’un voyage à la Réunion, « No stress papy » hommage à son ami le contrebassiste new yorkais Julian Smith, obligé de rentrer à NYC lors d’une tournée covid/annulée, « Payez vos madeleines ») et enfin de très belles reprises de la jeune scène new-yorkaise que tous ces jeunes vénèrent, et on les comprend ! : « Warriors » (Immanuel Wilkins), « The grand struggle against fear » (Joel Ross) et « Inner perception » (Giveton Gelin). Deux sets intenses et cavaleurs, dont, ne l’oublions pas, le premier s’acheva sur une superbe reprise du « Cyclic episode » de Sam Rivers ! Inutile de rajouter que nous sommes ressortis emballés de cette première session « new style » du Quartier Libre, et voudrions que ce rythme, sympathique et vital, reprennent pour de bon, coute que coute ! Remercions tous ces musiciens, ainsi que le staff du Quartier Libre, Jullian, Marion, et toute l’équipe, et disons leur à la prochaine !
Par Dom Imonk Texte et photos.