SARAH McCOY la mama cosmique

par Sylvie Delanne, photos Géraldine Gilleron.

le Rocher de Palmer vendredi 19 janvier 2024

Je retiens mon souffle… dans quelques instants je vais entrer en communication avec une légende d’une soul cosmique hors du commun…

Un bruit de tonnerre…un noir intégral…une curieuse créature à genou pénètre sur la scène obscure, un vague halo lumineux me permet de percevoir une figure bigarrée sous une chevelure de diable, la songwriter américaine, la Diva SARAH McCOY ouvre son piano, fiévreuse sur « New Orleans », …toujours dans cette obscurité inhabituelle des accords sonnent et résonnent fort ; génialement grimée, excentrique psychédélique Sarah m’amène déjà sur le terrain libre de Woodstook, le rassemblement des meilleurs du rock soul, de la folk, du blues sauvage, de la soul music et de la créativité sans limites.

En préambule, deux morceaux profonds et bouleversants qui vont réjouir ceux qui l’espéraient seule sur scène ce soir..

Aussi pour nous rappeler que Sarah est une pianiste fine et sensible le piano elle le maîtrise depuis l’enfance, c’est son instrument, l’ami qui accompagne sa voix et ses humeurs…

Puis, JEFF HALAN, l’excellent bassiste, claviériste électronicien et ANTOINE KERNINON, le bass batteur, s’installent à tâtons dans l’antre scénique pendant que la prêtresse prise d’un rire hystérique s’adonne à quelques paroles avinées, explique dans un français quasi inaudible qu‘elle oscille entre cubi et café depuis des heures, effets tonitruants, rires grinçants puis un cri – « Un jour je vais faire la Paix ! »

Clic – La scène éclaire chaque personnage dans une oblique lumineuse venue du ciel…

Sarah extravagante fée ou sorcière, gothique, punk, tendre ou grinçante, complètement sinoque entretient un théâtre à elle seule, les morceaux qui s’enchaînent sont introduits de ses rires fous ou de messages poignants, elle boit, elle rit, se moque d’elle et s’excuse, dans un superbe « I am so Sorry ».

Des projecteurs agressifs parfois nous plongent dans le bleu électrique de cette nuit de tourmente.

S’en va suivre un concert ébouriffant, un blues profond, déchiré, sorti du plus profond de cette montagne sacrée, le son est sourd, la basse et le rythme percussif emboîtent parfaitement la voix de la pianiste, ces trois excellents musiciens là sont en osmose totale pour dire un blues de saloon américains, une ambiance roots, une ambiance de road movies, de vie écartelée.

« Maman était une nonne, mon père un policier », rires… rires forts de colères, rires de rage, rires démesurés…

Sarah se raconte dans ses chansons, un cri d’amour poignant dans « Mama’s Song », après une introduction de douceur au piano, très mélodique, vient un chant puissant, envoûtant jusqu’au déchaînement, c’est un cri, une supplique « Maman, je ne m’aime pas qui je suis, qui j’ai été ou qui je serai. Et je connais mon reflet, je suis un monstre, je suis la bête et chère Maman, il ne reste plus personne d’autre que toi pour prier, prier pour moi…Maman, je m’excuse pour toutes mes erreurs, si le pardon est réel, alors je pourrai vivre un autre jour. »

Opéra punk…Sarah joue dans les basses de son piano, un ruissellement de notes répétées qui partent vers le paroxysme, jeu déchiré, les lumières créent une ambiance tragique.

C ‘est une longue transe, un cri immense, une prière d’amour…c’est noir, vaincu…on pleure.

Puis elle redevient une clown rigolote, généreuse et qui va rentrer seule dans sa chambre d’hôtel. Douceur, en suivant, pour cette chanson écrite pour sa meilleure amie triste et qui voulait qu’on l’aime…

Pour ceux qui n’auraient jamais entendu la grande voix de blues de SARAH MCCOY, j’ai envie de leur rappeler la rage et le talent de Colette Magny, de Nina Simone, la rage et le talent de Jacques Higelin ou Tom Waits, la rage et le talent de Janis Joplin ou Amy Winehouse, toutes et tous ces grands cabossés par la vie, « rédemptés » par la musique, qui nous ont quittés en laissant des voix inoubliables et des œuvres uniques .

Comme eux SARAH MCCOY est unique, profondément honnête dans son lyrisme, mama cosmique touchante .

Son récital ce soir est un voyage intersidéral et intersidérant, une plongée dans un univers noir d’étoiles, une messe profonde qui nous livre ses déchirures et ses fêlures de femme.

Nous ne pourrons oublier cette personnalité puissante et si tendre, ni ses rires, ni ses extravagances, ni sa beauté punk.

Sarah la tendre, Sarah l’enfant, Sarah la rage, merci d’être et d’avoir chanté vos secrets intimes ce soir pour nous.

Retrouvez le concert de ce soir sur le disque High Priestess – Label Gentle Threat ID – sorti en janvier 2023

Blood Siren (2019- Blue Note Records)

Découverte en France en 2014 aux Nuits de l’Alligator

Rencontre son mentor Chilly Gonzales en 2017 et s’installe à Paris

Galerie photos de Géraldine Gilleron :