Roberto Gervasi Swing Trio
par Philippe Desmond, texte et photos.
Bordeaux, dimanche 5 mars 2023.
C’est beau un accordéon, c’est vraiment un très bel objet, ce mélange de bois, de métal ,de nacre, de tissu.
C’est beau l’accordéon, ce son si caractéristique, aigrelet ou profond et quand c’est Roberto Gervasi qui en joue ça en devient magnifique.
L’accordéoniste sicilien, de Palerme précisément, en tournée en France pour quelques jours avec deux musiciens bordelais, Stéphane Séva (washboard, chant) et Laurent Vanhée (contrebasse) a fait étape dans notre ville pour plusieurs concerts. Ce soir c’est à la Maison de la Tribu, la petite salle de la compagnie Idéals Théâtre, que ça se passe. Mode tétris pour caser tout le monde et tout près de nous, même au dernier rang, le trio.
Belle entrée en matière avec « I don’t wanna be kissed (by anyone but you) » (figure dans l’album Miles Ahead) avec une jolie gaîté du son de l’accordéon sur la rythmique fantaisie au washboard, parfois cartoonesque, et une belle assise de contrebasse. Le son chaleureux de l’accordéon change tout dans ce standard, d’autant qu’il est joué avec grande finesse. Changement d’ambiance en partant vers le Brésil, et toujours cette délicate beauté de l’accordéon joué ainsi. Voilà les premières notes du « Tango pour Claude » de Richard Galliano qui naturellement va s’enchaîner sur le « Libertango », d’Astor Piazzolla, les balais caressent la planche à laver, la contrebasse se fait feutrée, c’est très beau.
Roberto nous propose une de ses compositions « Bop lives », oui le be-bop peut se jouer à l’accordéon, oubliez vos préjugés, oubliez les flonflons ! Il peut aussi accompagner la bossa nova comme ici avec « Triste » de Jobim et un accordéoniste qui réussit à y intégrer plusieurs fois le célébrissime riff de « Smoke on the Water » ne peut pas être tout à fait mauvais ! Ça marche bien en plus !
Roberto donne parfois l’impression de faire parler son instrument, basculant instantanément dans une musicalité intense. Il nous évoque Frank Morocco un des plus grands accordéonistes américains qui dans les années 50 et 60 a beaucoup joué avant que les synthétiseurs ne sonnent le glas là-bas de l’accordéon. Il nous joue sa composition « Here comes the sun », rien à voir avec qui vous savez.
De façon presque impromptue, la maîtresse des lieux, Samantha Grassian, monte sur scène pour chanter « Les roses de Picardie » immortalisées par Yves Montand. Roberto ne connait pas le thème, qu’à cela ne tienne, il écoute, se règle sur la tonalité et se lance dans une improvisation tout à fait dans l’esprit ; il a vite appris, impressionnant ; et dire que cet air nous semblait vieillot…. Petit moment d’émotion surtout pour Stéphane qui appelle son fils Matthew Séva, guitariste, pour les accompagner ; histoire de roses encore avec « Honeysuckle Rose » (le chèvrefeuille).
On passe vraiment un très bon moment mais qui touche à sa fin. Du blues avec « Blue Monk » et un solo d’un autre monde de Laurent Vanhée, puis doucement on se retrouve dans « Cinema Paradiso », Stéphane siffle, puis Roberto le rejoint en unisson avec son accordéon. Ovation.
C’est fini, oui comme d’habitude en attendant le rappel, les rappels ce soir. Accordéon solo, tarantelle italienne, peut-être même sicilienne, medley, quel artiste ce Roberto Gervasi ! On s’en était déjà rendu compte cet été où il avait joué chez Alriq avec le guitariste Yanis Constans et le formidable clarinettiste Nicola Giammarinaro lui aussi sicilien. Nous avions fait un article.
Un concert d’accordéon sans « Indifférence » ça n’existe pas alors revoilà le trio qui nous l’offre finissant « Emporté par la foule ». Là c’est fini, ou presque.
Tout le monde se retrouve au bar, c’est dimanche soir et on est heureux, demain sera un autre jour.
Vous aimez l’accordéon, vous croyez ne pas l’aimer ? Alors rendez-vous le 30 mars au Rocher de Palmer où un de nos accordéonistes locaux, Gaëtan Larrue fêtera la sortie de son album avec des invités de folie !