« LES EGARES »

par Sylvie Delanne, photos Christine Sardaine

27 avril 2023 – Rocher de Palmer

Ils étaient « Les Egarés », et nous les avons retrouvés !

Nous, le public, très nombreux et impatient dans la grande salle de concert du Rocher de Palmer qui affichait complet, pour écouter ce quartet d’exception, Vincent PEIRANI à l’accordéon et à l’accordina, Vincent SEGAL au violoncelle, Ballaké CISSOKO à la kora et Emile PARISIEN au sax soprano .

Deux duos anthologiques (Vincent Peirani – Emile Parisien et Ballaké Sissoko – Vincent Segal) se retrouvent pour un voyage quasi spirituel sur des routes musicales fleurant bon l’Afrique mandingue, les immensités orientales et le désir de communier avec les terres brûlées et le vent…

Le concert s’ouvre sur une scène sobrement éclairée comme pour une prestation de musique de chambre.

Entre les quatre, dans une atmosphère pénétrante, une conversation musicale, complice, raffinée, sincère va s’installer,

– « Tan Nyé » – Dès les premières notes de la kora, nous sommes transportés en pays mandingue, cette terre où les anciens dialoguaient en rythmes polyphoniques , où chacun trouvait une place importante dans l’échange, l’accordéon voyageur de Vincent Peirani s’accorde alors comme par magie et je vois ses doigts s’envoler légèrement sur les touches, les rondeurs du sax soprano s’insèrent en écho, le public exulte à la fin de ce premier échange.

– Dans le 2e morceau, Vincent Peirani donne un tempo jazz et facétieux à la fois.

– Vient « La Chanson des Egarés », composition de Vincent P. Après une douce introduction du duo kora-cello, nous voilà transportés lentissimo par l’accordéon puis le sax se fait doudouk pour nous tirer plus loin vers l’est sur les pistes poussiéreuses des steppes orientales. Une musique douce, subtile, mélancolique enveloppée par la basse du violoncelle.

– « Nomad’s Sky titille encore l’Afrique nous emmène dans un bazar coloré. Alchimie et recherche musicales, silence, le sax entre comme un oiseau nocturne, recherche… écoute des silences… une ritournelle nous embarque en profondeur…

– Puis vient un hommage aux grands Joe Zawinull et Wayne Shorter « Orient Express », après l’accordage de la kora, le ton est donné par l’accordéon , sur un rythme joyeux le sax nous emmène encore en terres lointaines, l’accordéon sautille. Ce morceau me rappelle par son rythme soutenu le « Forrobodo » d’Egberto Gismonti, la même musicale chevauchée ferroviaire…

Sur le 6e morceau, après un long solo du sax soprano qui résonne comme un cri dans la nuit, entre la kora mandingue soutenue par l’accordéon et la ligne fine du cello.
Cette mélodie mandingue me transporte sur les terres de mon amour bambara…quelle suavité, quelle musicalité, à la tombée du morceau, l’accordéon de Vincent Peirani semble se fermer sur une nuit peuplée de mille esprits, ce long solo me serre le cœur et me provoque une intense émotion.

– Puis un thème qui s’ouvre sur l’archet et la kora, d’une esthétique très épurée, à la recherche des lignes musicales orientales. Emile Parisien créait un profond son de cathédrale.

– Après la rencontre des musiciens avec une classe de CE2 vers les 18h, les enfants, bien sûr présents dans la salle, ont souhaité un petit cadeau et c’est la joie d’Esperanza du merveilleux Marc Perrone et son compère André Minvielle, qui nous embarque près de 10 minutes. Délicieuse ritournelle qui danse dans nos mémoires et fait battre nos mains, la kora s’envole…l’accordéon se fait fête tsigane, l’air palpite et danse … il n’y a pas à dire, il est des musiciens inspirés qui créaient des anthologies éternelles… Esperanza est un de ces titres qui parle au fluide qui nous entoure et nous aide à vivre.

– Le concert s’achèvera sur « Amenotep » une composition de Vincent Ségal , les vibrations de basse du cello sont accompagnées de l’accordina

A la suite de ces troubadours des temps modernes, aux influences plurielles, ce concert, mélange de folklores orientaux, de musiques mélodiques et polyrythmiques, aux rondeurs enveloppantes, bienfaisantes nous aura irrésistiblement égarés vers les sagesses anciennes où la musique servait aux humains à communiquer, raconter avec raffinement.

Elle nous a comblés, personne n’est ressorti de cette salle indemne d’émotion…la joie et l’égarement se lisaient sur les yeux de ce public transformé.

Un immense merci à ces quatre archanges musiciens pour leur généreuse complicité, leur talent, leur belle humeur créatrice de ponts entre les hommes. MERCI !

Petite confidence d’une chroniqueuse – j’écoute ce disque encore et encore et plus je l’écoute plus il me plonge de mélancolie en profondeurs méditatives , de routes intérieures en découvertes humaines, de nuances musicales en harmonies dialoguées, plus je l’écoute plus j’ai envie de m’y perdre intensément, à chaque fois plus beau, plus dense, plus intense…

A retrouver sur le disque « Les Egarés » chez No Format (www.noformat.net)

A écouter la très intéressante histoire de la Kora dans Musicopolis – France Musique vendredi 5 mai