par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

L’Entrepôt, le Haillan vendredi 14 décembre 2018.

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Franck Dijeau, 55 ans, dont 50 comme musicien ! Il a fait son premier concert à cinq ans, quatre et demi même, au piano, à jouer « Ah le petit vin blanc ». Il n’a jamais abandonné depuis ni le piano ni le vin (humour). La preuve à l’issue du concert dont on va parler il a offert au public une dégustation pour célébrer cet anniversaire ! Discutant tous les deux un verre à la main il m’a même appris qu’à 9 ans il jouait déjà dans les bals et que très vite il s’était rebellé contre le fait d’être moins payé que les vieux de 14 ans. Ca ne se passait pas en Chine mais en France au début des 70’s ! Autres temps, autres mœurs !

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Nous sommes donc à l’Entrepôt du Haillan cette si belle salle au nom industriel à la programmation variée et toujours de qualité.

Près de 300 personnes ont fait le déplacement pour écouter et voir le Big Band de Franck Dijeau. Le concept il est vrai est de plus en plus rare dans nos contrées. Dix sept musiciens comme ce soir à réunir, faire répéter, dix sept musiciens à faire rentrer sur une même scène suffisamment grande, et bien sûr dix sept musiciens à payer ! Économiquement une gageure, une personne me demandera même si « c’est leur métier », éternelle question dans notre pays où les musiciens sont considérés comme des saltimbanques, qui s’amusent mais ne travaillent pas.

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Coup de chapeau à Franck de prendre cette initiative de présenter une formation « de circonstance », le BB ne jouant qu’une dizaine de fois par an. Ses musiciens, eux, jouent plus souvent bien sûr mais chacun de leur côté ou au sein de formations plus réduites. On retrouve des membres de Saxtape, Cyril Dumeaux, François-Marie Moreau, des leaders et compositeurs comme Sébastien Arruti du Iep 4tet, des musiciens de l’Armée de l’Air, des professeurs du Conservatoire de Bordeaux avec Mathieu Tarot, de Cenon – Franck en est le directeur – comme Gaëtan Martin, Julien Trémouille… Tous polyvalents, nature du métier oblige. Il est loin le temps des Big Bands permanents associés à une salle, le Casino de Paris, le Sporting à Monaco, à une revue, le Lido, à une ville parfois. Toujours ce critère économique. Les Allemands ont eux un système particulier et sont considérés comme ayant les meilleurs BB du monde ; ceux-ci sont rattachés à des stations de radio régionales et financés par elles, et peuvent répéter presque tous les jours, leurs membres n’ayant pas à courir le cachet. A Bordeaux nous avons bien un « Big Band » mais il est philharmonique et rattaché à l’Opéra, mangeant tout le gâteau…

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C’est donc une chance que de bénéficier de l’énergie et de la passion de Franck Dijeau pour goûter à cet art si particulier de la grosse formation de jazz. Trois pupitres, cinq sax, quatre trombones, quatre trompettes, une rythmique avec guitare, contrebasse, batterie et un leader au piano, et à la « baguette ». Façon de parler, car la formation lui obéit au doigt et à l’œil.

C’est vraiment une belle sensation, visuelle d’abord, les musiciens étant en uniforme, loin du négligé habituel parfois chic, parfois vraiment négligé des groupes actuels. Les pupitres sont logotés FD devant le gradin de cuivres et de bois. Dans cette magnifique salle ça claque ! Pour cela il a fallu attendre l’arrivée des musiciens, les huit cuivres entrant par le haut de la salle, en mode marching band, au son de « When the Saints… » ; belle idée.

Et très vite la puissance musicale qui arrive au son de Count Basie, Louis Prima, Duke Ellington, Glenn Miller… Rien de révolutionnaire dirons certains, les mêmes qui vanteront Bach ou Beethoven . Il y a bien des Big Bands plus avant-gardistes, en France notamment ou ailleurs, mais Franck Dijeau, lui, a choisi le parti de jouer des standards en ayant pris soin de les dépoussiérer pour certains. Tout tombe pile, énergie, nuances, instantanément la puissante section de soufflants se tait pour laisser place à trois notes de piano, redémarre poussée par la batterie, se met en sourdine pour laisser parler la guitare ou la contrebasse. Le fruit d’un gros travail de préparation.

Tout ça dans la bonne humeur, les taquineries même, les solistes sont encouragés ou chambrés, c’est vraiment un vrai plaisir. Franck ne tient pas en place, commande son orchestre, pianote, prend des chorus, sollicite les claps du public, présente les musiciens, les titres, un vrai homme orchestre et pour cause.

Avec de tels musiciens ont pourrait dire qu’il n’a pas pris de risques mais tout comme en cuisine ou la mayonnaise ne prend pas toujours ou en sport où les talents parfois ne s’ajoutent pas mais se neutralisent, il y a toujours une incertitude. Mais malgré le peu de répétitions eu égard au travail de synchronisation à effectuer, le peu de concerts, sa composition fluctuante, ce Big Band est remarquable. Et, c’est Gabriel Genin le contrebassiste qui me le confiera, les musiciens y prennent un très grand plaisir, celui de jouer ensemble ; et ça se voit.

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Alors programmateur n’hésitez pas, en plus pour un Big Band ce n’est pas plus cher que certains trios paraît-il réputés…

A noter : un second album en préparation auquel vous pouvez participer comme contributeur : https://fr.ulule.com/swing-corner/?fbclid=IwAR3UBFSEryXg9E284OcxdESzXJGUhbQ8MUqVyizY9Ff1D_VVzOyzFa5XSco

Line up du jour :

François-Marie Moreau : sax ténor

Cyril Dumeaux : sax alto

Michel Mondou : sax alto

Jean-Robert Dupuy : sax ténor

Jean-Stéphane Véga : sax baryton

Sébastien Iep Arruti : trombone

Renaud Galtier : trombone

Philippe Ribette : trombone

Gaëtan Martin : trombone basse

Mathieu Tarot : trompette

Franck Vogler : trompette

Antonin Viaud : trompette

Manuel Le Roy : trompette

Thierry Lujan : guitare

Gabriel Genin : contrebasse

Julien Trémouille : batterie

Franck Dijeau : piano, direction musicale

https://www.franckdijeaubigband.com/