Jazz Festival de La Rochelle
La Sirène
17 Octobre 2020
Irving Acao & Carlos Sarduy By El Comité

par Patrick Dalmace,  photos Philippe Blachier

Les membres de El Comité résidant dans l’île, Harold López Nussa, Rolando Luna, Rodney Barreto, Gastón Joya et Yaroldy Abreu sont confinés chez eux et en profitent pour faire marcher leur créativité de différentes manières mais de tournées internationales il n’en est pas question.

Le saxophoniste Irving Acao et le trompettiste Carlos Sarduy quant à eux vivent en Europe et tentent de faire vivre le projet. Pour ce faire ils se sont entourés de pointures de la génération précédente, installés en France, le contrebassiste Felipe Cabrera, abondamment présent sur les scènes, dont la carte de visite peut s’enorgueillir de dix années passées avec Gonzalo Rubalcaba,

de Inor Sotolongo, congas et percussions diverses, entendu dans les années 90 avec le pianiste Ernán López Nussa,

Lukmil Pérez, drum, qui a fait les beaux jours de Top Secret et des clubs de jazz à La Havane à la fin du XX° siècle.

Cette nouvelle mouture du Comité a également associé l’excellent pianiste brésilien Leonardo Montana.

La Rochelle n’était que la seconde sortie de By El Comité après Biarritz car chacun sait qu’il n’est pas simple en cette période de trouver des dates et lieux disponibles. Mais le professionnalisme cubain est légendaire et nous les avons vu passer de longs moments à peaufiner leur travail lors de la balance. Alors qu’à Paris c’était la première nuit noire dans les clubs, le public masqué s’est précipité en masse pour ce concert de clôture du La Rochelle Jazz Festival.

Si le répertoire habituel du Comité comporte plusieurs compositions de Harold López Nussa, Carlos et Irving ont nécessairement dû proposer leur programme auquel s’est ajouté une création de Felipe, « Con Que », un thème divertissant où les percussions et la batterie s’en sont donnés à cœur joie tout comme l’ensemble des autres partenaires assumant les voix.

Mais c’est « Amistad », une composition de Irving Acao qui a lancé, calmement, la soirée et a permis d’apprécier d’emblée tous les acteurs du groupe. Le même Acao a proposé ensuite « La Plaza del Gallo » faisant émerger les souvenirs de son enfance à Camagüey à travers de beaux soli de ténor. La cubanité a de nouveau brillé dans « Mozambique », une longue conga, développée par Inor Sotolongo, passant au jazz lorsque Lukmil Pérez s’est employé à insérer sa batterie.

On lui doit aussi de bonnes improvisations, tout comme celles du saxo et de la trompette. Mentionnant que la ballade n’est pas un genre très développé dans la musique cubaine Acao en a offert une magnifique et très appréciée du public, « Nada Más », débutant pas un beau solo de contrebasse, se poursuivant au soprano relayé par la trompette.

Le jazzman du groupe, au moins pour ce concert, est sans aucun doute Carlos avec ses deux compositions « Carlito’S Swing » et « Jazz Plaza ». Ce dernier thème rappelant que le jazz à Cuba a grandi depuis 1980 grâce à ce festival qui a vu passer, malgré des périodes d’embargo culturel, l’élite du jazz américain, « Dizzy », Hargrove, Blanchard, Coleman, Lovano, Marsalis, Roach, Murray… et des dizaines d’autres. Sarduy qui, tout jeune, il y a une quinzaine d’années, impressionnait déjà dans les clubs de la capitale cubaine par sa maîtrise du jazz, sa composition « Charly en La Habana » et une mémorable version de « E.S.P. » -souvenir personnel- n’a rien dilué de ses aptitudes.

Avec ces thèmes , la soirée est montée en intensité. On n’est pas pour rien dans un festival de jazz. Carlos s’est appuyé sur la formidable section rythmique. Ses chorus, autant que ceux de Irving, au soprano dans « Carlito’S Swing » et au ténor pour « Jazz Plaza », ont prouvé que lorsqu’ils s’y mettent les Cubains étincellent dans le jazz qui toujours s’appuie sur des racines cubaines. Les deux souffleurs ont montré des qualités indéniables avec une réelle virtuosité mais ne cherchant pas à épater la galerie. Les parties vocales entre les divers soli de « Carlo’S Swing » sont au niveau que requiert la composition. Au piano, Leo Montana, s’est distingué tout au long de la prestation dans l’accompagnement et dans ses soli incluant même en guise de fioritures quelques rythmes brésiliens. Il a particulièrement brillé dans « Jazz Plaza ».

By El Comité a clôturé la nuit avec « Siete » en ayant visiblement comblé un public qui a participé là à un concert rare car probablement que cette géométrie du groupe va disparaître lorsque le mortel (pour la culture et le jazz) virus aura rendu l’âme.

P. Dalmace

Plusieurs des thèmes joués lors du concert peuvent être écoutés dans les disques suivants :
« Nada Más », « Carlito’S Swing » in C.D. « Y qué ? », El Comité, El Comité Records.
« Mozambique » in C.D. « Luz », Carlos Sarduy, Balaio Records 2019.
Concernant Carlos Sarduy on écoutera avec beaucoup d’intérêt « Charly en La Habana », Colibri 042.