texte et photos Philippe Desmond
Festival Août of Jazz, Capbreton du 20 au 25 /08/2019
Le festival de Capbreton en était cette année à sa 29ème édition . Créé par le luthier et contrebassiste Christian Nogaro disparu prématurément en 2014, il a ensuite pris divers formats jusqu’à cette édition calée sur pas moins de six jours ; il est vrai qu’ici on se déplace beaucoup à vélo.
Pas encore là le mardi pour voir les Petits Baigneurs enchanter 600 personnes dans la rue, ni le mercredi pour la séance de cinéma avec le dessin animé Chico et Rita et son ambiance musicale allant de Monk à Cole Porter en passant par Dizzie Gillespie et Bebo Valdès dans le New York et le Cuba des 50’s. Cent personnes présentes pour écouter en bonus en direct Triology.
Mais nous voilà au mercredi pour le concert conférence vidéo (un nom reste à trouver pour ce format) par Flora Estel et Hot Pepino sur la vie et l’oeuvre de Nat King Cole.
Route 66 !
On croit tout savoir sur lui mais la soirée va nous prouver le contraire, du pianiste de jazz extraordinaire au chanteur qu’il est devenu malgré lui – tu chantes sinon tu es viré – du séducteur au militant pacifiste contre la ségrégation… Le tout avec les interventions musicales du duo toujours réglées au millimètre bourrées de swing et de sensibilité.
J’avais déjà vu avec eux leur intervention sur Louis Prima et ils proposent aussi une sur le Rat Pack de Sinatra, Martin, Davis… Un très bon spectacle à programmer.
Le vendredi début des « vrais concerts » dès 11 heures pour un apéro-jazz ensoleillé, presque trop les chaises au soleil faisant peur à beaucoup partis se réfugier à l’ombre. Au programme le quintet de Samuel Tessier lauréat du prix de la Note Bleue au dernier tremplin d’Action Jazz. Merci au directeur du festival Bernard Labat de les avoir programmés et de m’avoir donné l’occasion de présenter notre association.
de g à d : PhD, l’adjoint à la Culture, le Maire, Bernard Labat.
Le quartet de Samuel Tessier avec le leader à la guitare, Tom Peyron à la batterie, Pierre Maury au sax, Clément Simon au clavier et Gab Midon à la contrebasse propose un jazz moderne, mélodieux et assez accessible comme le prouve le succès rencontré par cette prestation gratuite et en plein air devant davantage d’estivants néophytes que d’amateurs confirmés.
Les cinq sont dejà des musiciens confirmés qui avaient attiré l’oeil et surtout les oreilles du jury du tremplin, dont un certain guitariste était le président, j’ai nommé Jean-Marie Ecay.
Le quintet développe un mariage guitare-sax-piano des plus réussis bien qu’illégal (à 3) devant une rythmique marquée.
Chaleur étouffante sur la place de la mairie, davantage l’heure de l’apéro rafraîchissant que du jazz, mais une façon bien intéressante d’amener cette musique vers un nouveau public.
D’ailleurs un trio va aussi animer à 18h30 la terrasse du Baya Bar, Triology avec Christophe Barennes (p), Jean-Pierre Lacroix (cb) et Jean Trenque (tb) .
Un tour d’horizon de standards incontournables de Sonny Rollins à Charlie Parker (sans sax) en passant par Horace Silver ou Duke. Sympa sous encore une forte chaleur malgré l’océan juste devant.
C’est au Ph’Art la salle de spectacle du Casino, le vrai pas l’hyper, que le festival se déplace pour la première des deux soirées payantes, tout le reste étant offert, mot que je préfère à gratuit.
En première partie un groupe qu’Action Jazz connaît bien, l’ayant programmé en novembre dernier à Jazz à Caudéran : le Lorenzo Naccarato trio.
Porté par le label de Limoges Laborie Jazz le pianiste propose un univers très personnel renouvelant le genre du trio. Devant un décor changeant grâce à des effets graphiques et d’éclairage ingénieux, Lorenzo, Adrien Rodriguez (cb) et Benjamin Naud (bat) proposent une musique pleine de subtilité, très construite et précise apparemment mais laissant large place à des improvisations.
Les duels piano batterie arbitrés par la contrebasses en sont la parfaite illustration. A noter un usage modéré et à bon escient d’effets électroniques.
Manque de swing pour certains puristes mais beaucoup de contrastes et de nuances au sein même des titres pouvant monter en intensité éruptive pour retomber dans les calmes sereins tout comme l’océan voisin.
Un bien beau concert. Bientôt la sortie d’un deuxième album !
Du trio on passe au quartet, celui de Benjamin Petit. J’avoue que je ne le connaissais pas et que maintenant je suis heureux de l’avoir découvert. Ce saxophoniste (alto et soprano) possède un son à la fois puissant et chaud comme on peut en trouver dans la soul notamment.
Passé comme sideman par la variété de qualité avec Michel Jonasz ou encore Lionel Richie, Benjamin a tracé sa propre voix en composant notamment des musiques foisonnantes, d’un réel intérêt, mêlant classicisme be bop ou hard bop (qui aurait pu croire à l’époque que les mots bop et classicisme seraient un jour associés ? ) et modernité.
Un jazz tonique bien servi aussi par Clément Simon (encore lui!) qui a éclaboussé de son talent ce soir, le jeune Clément Daldosso un futur grand de la contrebasse car déjà très bon, et Philip Maniez aux accents très marqués à la batterie.
Les battles entre sax et batteries me paraîtrons encore plus éblouissants quand Benjamin nous révélera que c’est la première fois qu’ils jouent ensemble ! Des compos de Branford Marsalis, de Kenny Garrett et même de la pop star Ed Sheeran pour pimenter une sauce déjà bien épicée, un quartet qui déboule souvent mais capable de délicatesse dans « Embraceable You » de Gershwin, un leader bien dans sa peau et proche du public dans ses interventions, tout cela fait un concert magnifique. Un final flamboyant parmi le public, un retour sur scène à pas de géants avec des bouts de « Giant Steps » et une vraie joie.
Comment tant de gens ont-ils pu se passer de venir ce soir-là ? Quel manque de curiosité et quel masochisme de se priver de tels plaisirs. A côté, le Casino et ses bandits manchots si déprimants, lui, est plein. Quelle injustice…
A suivre avec la journée du samedi…
