Festival South Town 2024 – 2/2

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat ; galerie en fin d’article

 

En masterclass avec David Sauzay

Jeudi 28 mars, concervatoire de Soustons

Voir naître un morceau, en l’occurrence « Night Train » (de Jimmy Forrest mais immortalisé par John Coltrane) note à note, mesure par mesure avec une quarantaine de collégiens des classes jazz du collège, quel bonheur. Une fois le morceau – à peu près – en place avec la complexité qu’impose une formation hétéroclite, en niveau de jeu et en instruments, voilà qu’on passe à l’improvisation, qu’on commence à tourner autour du thème, qu’on cherche des phrases originales, qu’on se lance. Très pédagogue David Sauzay encourage, donne confiance, fait taire aussi les bavards. Une leçon d’apprentissage que les jeunes collégiens ne sont certainement pas près d’oublier.

Les Sophisticated Ladies en balade intergénérationnelle

Rachael Magidson : trompette, percussions, chant / Léonie Hey : contrebasse / Paola Vera : clavier / Shekina Rodz : saxophone ténor, chant

Elles sont venues passer la journée à South Town, le matin à l’école primaire, l’après-midi à la maternelle et ensuite à l’EHPAD. C’est là que nous les avons rejointes affairées qu’elles étaient par leurs déménagements de la journée ! Le concert est gratuit et public et de jeunes enfants de l’école voisine rajeunissent l’assistance du lieu. Toujours un grand plaisir de retrouver ces Ladies nous jouer des grands standards dont certains ont bien résonné aux oreilles des pensionnaires : « Les Feuilles Mortes » teintées de la séduisante pointe d’accent américain de Rachael, « La Javanaise », « Besa me mucho » sublimé par la voix de Shekinah. Un moment de partage sympathique, très émouvant et musicalement top.

 

Mourad Benhammou and the Jazzworkers

Jeudi 28 mars, salle Roger Hanin

Fabien Mary : trompette / David Sauzay : sax ténor, flûte / Guillaume Naud : piano / Fabien Marcoz : contrebasse / Mourad Benhammou : batterie

Mourad Benhammou a créé ce groupe il y a plus de vingt ans au retour d’un séjour à New York où il était allé traîner ses baguettes sur les traces de ses collègues batteurs de hard bop, les « seconds couteaux » du point de vue la notoriété mais pas du drumming. Le groupe est un peu en sommeil depuis quelques années, Mourad étant parti sur d’autres projets notamment le Soulful Drums dont on reparlera bientôt et on doit à l’insistance de Guillaume Nouaux de le voir sur scène ici. On ne le remerciera jamais assez, quel concert ! Entouré d’une équipe de choc, Mourad nous a embarqués dans un univers de jazz étincelant mais qui peut aussi proposer les ballades les plus subtiles. Avec son jeu spectaculaire bourré de ponctuations, de relances, de coups d’éclat, de solos d’un autre monde, il donne un relief particulièrement vivifiant à ce jazz toujours mélodieux fait de titres peu connus mais tout aussi intéressants. Je retiens particulièrement « Home is Africa », « Sweet Georgia Bright » et le délicat « Champs Elysées » de Gerry Wiggins avec son si harmonieux duo flûte trompette. Deux soufflants hors pair avec David Sauzay aussi volubile au sax ténor qu’il est aérien à la flûte, Fabien Mary grand maître actuel de la trompette au son pur et naturel, assurent les mélodies et de belles harmonies. Au piano développant ses nappes harmoniques un excellent Guillaume Naud , à la contrebasse une autre référence, Fabien Marcoz, parfait dans les registres rythmiques et solistes. Allez donc écouter le dernier album qui date déjà de 2018, « March of the Siamese Children » vous aurez une idée du spectacle mais sans le plaisir visuel et organique que le live procure. Un très grand moment du festival.

Retrouvez l’interview de Mourad Benhammou : Interview de Mourad Benhammou

 

Ulf Sandström trio

Vendredi 29 mars, salle Roger Hanin

Ulf Sandström : piano / Stéphane Barral : contrebasse / Simon « Shuffle » Boyer: batterie

Je ne connaissais pas ce pianiste et chanteur suédois et c’est l’intérêt d’un festival que de découvrir ainsi des artistes. Annoncé comme spécialiste du boogie-woogie il ne se cantonne pas à ce seul style, sa musique reflète plusieurs courants de celle de New Orleans dont il est un passionné. Certes il excelle dans cette musique à la rythmique ferroviaire, d’où son nom, mais aussi dans le blues moins énervés, funerals ou ballades, ainsi que les second lines. Parsemant son set d’anecdotes avec un réel humour mais échappant à la majorité du public non anglophone (il ne se débrouille pas si mal en français lors de conversations) il est capable d’enflammer la salle instantanément notamment quand il reprend Jerry Lee Lewis, pied sur le clavier évidemment pour clore le titre ! Le réduire à un entertainer spectaculaire serait lui faire offense, excellent pianiste et, chanteur il est bien secondé par l’élégant Stéphane Barral contrebassiste slappeur, mais pas que, et par Simon Boyer (Yeah yeah yeah ! comme le crie Ulf) efficace et showman aux baguettes. Un show vivifiant pour encore une soirée différente du festival qui élargit de plus en plus son offre. Le très sympathique et dynamique Ulf Sandström a aussi une autre activité que la musique, il est coach mental et a même contribué à mettre au point une méthode pour traiter les traumatismes mentaux comme par exemple ceux qui touchent des victimes ou témoins de guerres, en Afrique notamment. Etonnant personnage qui pratique aussi l’hypnose.

Retrouvez l’interview d’Ulf Sandstöm : Interview d’Ulf Sandström

Carte Blanche à Loïc Bonnaud

Samedi 30 mars, médiathèque

Le batteur Loïc Bonnaud est un pur produit des Classes à Horaires Aménagées option jazz du collège de Soustons. Il a ensuite poursuivi son cursus au Pôle Sud du Conservatoire des Landes à Saint-Vincent de Tyrosse et a intégré ensuite le Conservatoire de Région à Bordeaux où il étudie actuellement. Parallèlement il joue dans des groupes, dans les bals aussi, une bonne école pour le métier. L’organisation a décidé de lui donner carte blanche et personne ne sait ce qu’il va proposer et avec qui. Voilà donc la composition du trio qui se présente devant un public nombreux de la lumineuse médiathèque : Loïc Bonnaud donc, le pianiste Clément Cazaux déjà pro et en fin de cycle au Conservatoire des Landes et leur aîné Jean Arostéguy à la contrebasse et la basse électro acoustique. La programmation variée et recherchée illustre la démarche dans laquelle se situe Loïc, l’éclectisme et la qualité, pas la facilité. « Coco Chanel » de Stefano Di Battista pour commencer, « Stolen Moments », des titres entre autres de Charlie Parker, Jule Styne, Alec Wilder, Blue Mitchell, le « Bluesette » de Toots, « The Preacher » d’Horace Silver, un arrangement en mambo des « Feuilles Mortes » le tout arrangé pour un trio à revoir avec plaisir, pourquoi pas au prochain tremplin Action Jazz en janvier prochain avec des compositions orginales…

Patrick « Bacos » Bacqueville Hot 7 Cruisers

Samedi 30 mars, salle Roger Hanin

Patrick Bacqueville : trombone, chant, sifflet à coulisse, direction musicale / Malo Mazurié : trompette / Esaïe Cid : sax alto, clarinette / Nicolas Peslier : guitare, banjo / César Pastre : piano / Sébastien Girardot : contrebasse / Guillaume Nouaux : batterie

Voilà un septet qui existe depuis 2019 à l’origine pour un seul concert lors d’une croisière, à l’initiative de Jean-Pierre Vignola, entre autres programmateur de Jazz à Vienne et déjà à l’origine de la création il y a plus de vingt ans du Lady Quartet de Rhoda Scott. Voir l’interview

Né sur un bateau de croisière, le projet d’un soir a ainsi été baptisé Bacos Hot 7 Cruisers et a déjà joué 26 fois  avec peu ou prou le même personnel ; un album a même été enregistré. Ce soir nous avons la composition originale de ce que je qualifierais de Big Band élémentaire ou unitaire : une rythmique complète et un instrument par section, sax ou clarinette, trombone et trompette. Un groupe d’une grande souplesse capable d’énergie et aussi de sensibilité, balayant un répertoire allant du Hot 5 de Louis Armstrong en 1927 au hard bop de Dizzy Gillespie sans oublier Duke . Pour le premier le banjo remplace même la guitare évoquant ainsi le banjoïste légendaire de Satchmo, Johnny St. Cyr. Voilà une musique joviale servie par des maîtres du genre qui s’amusent avec le plus grand sérieux musical,

Retrouvez l’interview de Patrick Bacqueville : Interview de Patrick Bacqueville

 

Ciné concert avec Yoshiwara et Buster Keaton

Dimanche 31 mars, cinéma Atlantic

Jérôme Masco : saxophones, compositions / Robin Jolivet : guitare, banjo, compositions / Timo Metzemerkers : contrebasse https://hellobuddycollectif.fr/yoshiwara/

Ces tois musiciens font partie d’un collectif qui anime des cinés-concerts autour du patrimoine du muet. La musique est jouée en direct et entièrement originale avec diverses formations suivant les oeuvres. Cet après-midi en guise de dernier évènement du festival, c’est un trio qui accompagne les folles aventures de Buster Keaton dans « The Goat » puis « Sherlock Junior ». L’occasion de (re)découvrir ces films incroyables truffés déjà d’effets spéciaux, de cascades inconscientes de l’acteur et de gags hilarants millimétrés. Robin Jolivet pour le premier film et Jérôme Masco pour le second ont composé une musique alerte et accocheuse mélodiquement dont le challenge consiste à la synchroniser parfaitement avec les images. Pour la première fois qu’ils jouaient sur ce film c’était déjà parfait ! J’ai repéré lors d’un chorus de sax une citation de « Salt Peanuts » ; clin d’oeil volontaire à la production soustonnaise de cacahuètes ?

Quel plaisir de voir ainsi renaître ce cinéma dans des conditions d’époque, enfin presque !

Ainsi s’achève l’édition 2024 du festival et il nous reste à remercier toute l’équipe d’organisation pour son efficacité et son accueil. Merci aussi aux bénévoles de l’Harmonie local qui ont assuré le bar et la petite restauration et un big up à Lapin et Peyo pour la lumière et le son !

C’est bien simple, on reviendra en 2025 !

Assis de g à d : Philippe Marzat, César Pastre, Esaï Cid, Malo Mazurié, Sébastien Girardot, Guillaume Nouaux Debouts : Entourant Patrick Bacqueville,Corinne Barreyre et Céline Hartung (services culturels de la ville), Peyo (son), Lapin (lumière) Hélène Nouaux (classes CHAM) et sa fille

Galerie photos de Philippe Marzat

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