Festival South Town 2024 – 1/2
Par Philippe Desmond, photo PhD et Philippe Marzat ; galerie photos en fin d’article
Pôle Sud du Conservatoire des Landes et l’orchestre des jeunes de l’Orchestre National de Jazz
Dimanche 24 mars, salle Roger Hanin.
Edition particulièrement fournie du South Town Jazz Festival, le sixième organisé par la Ville de Soustons avec comme directeur artistique le musicien Guillaume Nouaux.
En effet cette année il se déroule sur huit jours, dix même, si on compte la résidence des grands élèves du Pôle Sud du Conservatoire des Landes avec Claude Barthélémy le responsable actuel de l’orchestre des jeunes de l’Orchestre National de Jazz. Ce dimanche 24 mars à la salle Roger Hanin de Soustons c’est avec eux que le festival est lancé. Première partie avec les élèves de Guillaume Schmidt et Didier Ballan, entre autres, sur un répertoire pas facile mais éclatant de Claude Barthélémy, ce musicien guitariste passionné, engagé et créatif. Du hard bop bien musclé, une ballade vite électrisée par la guitare du leader, des sonorités caribéennes teintées de rock, une musique riche et totale. Deux demi-journées de résidence bien remplies pour un superbe rendu ; bravo aux élèves et à leurs professeurs.
Claude Barthélémy : guitare électrique, direction, compositions / Loïc Bonnaud : batterie / François Saint-Martin : trombone / Robin Gachis et Clément Cazaux : piano et clavier / Michel Hoareau (prof) : basse / Mathias Martino : sax / Eric Lepoitevin : guitare / Joaquim Juignet : flugabone.
L’ONJ a été créé en 1986 par le Ministère de la Culture de l’époque et un certain Jack Lang pour développer la création de musique de jazz. Il a connu de nombreux directeurs musicaux – mandats de quelques années – dont Claude Barthélémy à deux reprises et de grands musiciens français de jazz y ont fait leurs armes. Actuellement Claude s’occupe de l’ONJ des jeunes, formation complémentaire créée en 2019 destinée aux musiciennes et musiciens en fin de cycle de conservatoire ou en pôle Supérieur (PESMD). On y entre sur recrutement en postulant selon les pupitres à compléter. On va d’ailleurs très vite se rendre compte du niveau de chacun ; « Je n’ai plus grand-chose à leur apprendre » me confiera Claude Barthélémy à la fin du concert. Ce dernier est connu pour sa musique engagée, éclectique, teintée de rock électrique, foisonnante et énergique, du jazz libre flirtant avec le free. On va en avoir la démonstration ce soir. De longues suites pleines de rebondissements, de variations, de surprises. Un énorme blues électrique fantastique de profondeur qui tourne au free (« J’ai un profond respect pour le blues » me dira Claude) du hard bop qui s’électrise façon rock, une fusion musicale où jamais rien n’est installé, déroutant certaines oreilles, peu, envoutant beaucoup d’autres. Jazz moderne, contemporain, riche de son histoire, parfois inclassable (pourquoi d’ailleurs vouloir toujours classer) et surtout de la musique, de la bonne, qui fait réagir. Treize jeunes musiciennes et musiciens fantastiques et qui se régalent me confirmera Rozann Bézier heureuse d’avoir intégré cette formation en début d’année. Surprise encore au rappel, du reggae carrément avec « Corvisart » ; un concert waouh !
Claude Barthélémy : guitare électrique, oud, direction, compositions / Liam Szymonik : sax alto et ténor / Robert Wypasek : sax ténor et soprano / Johannes Knoll et Dima Loginov : trompettes / Rozann Bézier et Gaspard Moglia : trombones / Amélie Ratle : euphonium / Selma Benlarbi : accordéon / Léo Laurent : vibraphone / Raphaël Gautier : guitare électrique / Joana Lazzaretto : basse électrique / Léna Aubert : contrebasse / Loup Godfroy : batterie / Tom Fougedoire : son.
Conférence Jazz et Cinéma par Hervé Tourneur et projection de « ‘Round Midnight »
Lundi 25 mars, cinéma Atlantic
Hervé Tourneur responsable du cinéma Atlantic, nous a décrypté les rapports entre jazz et cinéma, des tout premiers films muets accompagnés par des musiciens, aux œuvres dédiées comme le «’Round Midnight» projeté ensuite. Jazz en musique de fond sans montrer les musiciens car joué par des noirs, scènes musicales coupées lors des projections selon les niveaux de ségrégation des états, mise en avant par des cinéastes militants, un éclairage très intéressant sur la présence du jazz sur grand écran.
Le film magistral de Bertrand Tavernier a ensuite permis de revoir la performance d’acteur et bien sûr de musicien de Dexter Gordon entouré d’une galaxie de musiciens tels qu’Herbie Hancock, Tony Williams, Palle Mikkelborg, Ron Carter, Pierre Michelot, Wayne Shorter, Freddie Hubbard, Cedar Walton, John McLaughlin, Eric Le Lann… A voir ou revoir absolument.
Concerts des classes CHAM du collège et des grands élèves du Conservatoire des Landes
Mardi 26 mars, salle Roger Hanin
Les CHAM, Classes à Horaires Aménagés Musique, option Jazz, existent au collège local depuis quelques années et ont toujours été associées au festival. Cette année c’est la consécration, elles ont accès à la grande scène ! Des élèves de sixième, qui pour la plupart n’ont que quelques mois de musique derrière eux, jusqu’à leurs camarades de troisième plus chevronnés, ce sont de belles promesses qui se sont produites devant un nombreux public familial acquis d’avance bien sûr. Quelle bonne idée de les avoir mis en valeur dans la grande salle pour un concert de haute tenue avec des formations à géométrie variable abordant différents styles de jazz. Bravo à ces jeunes et à leurs professeurs.
Pour la deuxième partie nous sommes à l’autre bout de la formation avec les grands élèves de troisième cycle du Pôle Sud du Conservatoire des Landes déjà vus dimanche dans le répertoire de Claude Barthélémy. Là aussi une formation fluctuant selon le répertoire et avec un niveau musical pro : Michael Brecker (Midnight Voyage), Chick Corea (Humpty Dumpty) , John Scofield (A Go Go) , Aaron Golberg (Shed), Bill Evans (Time Remembered), Michel Petrucciani (Colors), Horace Silver (Peace), un très beau choix .
Loïc Bonnaud : batterie / François Saint-Martin : trombone / Robin Gachis et Clément Cazaux : piano et clavier / Nicolas Chelly : contrebasse / Mathias Martino : sax / Eric Lepoitevin : guitare / Joaquim Juignet : flugabone.
Expositions
Deux expositions cette année, une « in », une « off »
Dans le hall de la salle Roger Hanin cette année, une exposition pleine de fantaisie grâce au talent de caricaturiste de Jean Duverdier, le dessibatteur du trio de jazz Swingin’ Bayonne. De nombreux musiciens, dont beaucoup ayant joué ici, sont croqués sans retenue avec une ressemblance déformée incroyable ! Quand je rencontre les musiciens désormais, je trouve qu’ils sont devenus les caricatures de leurs caricatures !
Pas très loin, au HBC Hôtel chez les sympathiques Marie et Philippe, ce sont les photographes du collectif Starshooters qui exposent leurs expressives photos de concert, là aussi avec pas mal de clichés pris au festival South Town et quelques pépites glanées çà et là. Merci à Pierre Vignacq, Franck Mage, Max Loubère, Vincent Lajus et Philippe Marzat et à leurs hôtes pour cette initiative qui étend le festival à un plus large public. Un pot de vernissage a réuni photographes et amis dans la semaine. Expo tout le mois d’avril.
Trio Michel Pastre, Louis Mazetier, Guillaume Nouaux
Mercredi 27 mars, salle Roger Hanin
Michel Pastre : saxophone ténor / Louis Mazetier : piano / Guillaume Nouaux : batterie
Fort de son remarquable dernier album « Fine Ideas » célébré par toute la critique, le trio acoustique va ce soir régaler le festival. Ces trois musiciens qui se côtoient au gré de diverses formations ont décidé de monter ce trio pour rendre hommage à leurs héros musicaux des années 30 et 40. Une idée de transmission de l’histoire du jazz pour continuer à le faire vivre tout en lui apportant une touche originale dans les arrangements. C’est du pur jazz qui va ainsi sortir de leurs instruments pendant près de deux heures. Michel Pastre avec un saxophone ténor d’emprunt, le sien ayant été endommagé lors d’un voyage, a faire revivre avec un brio éclatant ses glorieux aînés comme Lester Young, Coleman Hawkins ; s’il a été désigné parmi les trois meilleurs saxophonistes français de 2023 par Jazz Magazine on a la preuve que ce n’est pas par hasard, quel lyrisme, quel son ! Louis Mazetier est réputé comme un des grands spécialistes mondiaux du Stride avec cette main gauche marquant la rythmique avec autorité, la droite distillant ses mélodies ; avec lui James P. Johnson a un grand disciple. Il est un pianiste raffiné aussi, virtuose et si musical, le tout avec sobriété et une facilité apparente. Fats Waller, Art Tatum, Teddy Wilson n’ont aucun secret pour lui. Le trio dans cette formation sans contrebasse fait référence à celui de Gene Krupa qui fait partie des nombreuses références de Guillaume Nouaux. De la précision, de la fantaisie avec wood box, cloche, un rythme implacable avec cette grosse caisse au son vintage, il est parfait. Prenant de nombreux solos il n’y perd jamais le fil du titre arrivant même à jouer le thème aux baguettes çà et là ; toujours un régal de le voir dans cette posture assez statique caractéristique où seuls bras et jambes s’activent. Quant à l’accord des trois il est remarquable de précision, d’échanges produisant une musique vivante, élégante et virtuose. La très grande classe.
Retrouvez ici l’interview du trio : Interview du trio Pastre Mazetier Nouaux
A suivre …
Galerie photos
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