Bordeaux, lundi 05 octobre 2020
Textes & photos Philippe Marzat
Lundi après-midi, le ciel est bas, pour beaucoup.
Les rues sont presque vides.
Des passants silencieux passent et c’est leur lot, que faire d’autre?
Peut-être rester debout, immobile, silencieux, vêtu de noir et armé de mon instrument de culture aussi ?
Ha oui, voilà pourquoi mes pas rapides me mènent grand train vers la place de la Comédie ? Pour rester debout, immobile, silencieux, vêtu de noir et armé de mon instrument de culture aussi. J’y suis enfin sur la place et devant moi se dresse le Grand Théâtre de ma ville. Des gens vont, d’autres viennent au pied de l’édifice, sans se préoccuper du drame qui se joue. Je suis venu pour un rassemblement
Debout, immobile, silencieux, vêtu de noir et armé de mon instrument de culture aussi.
C’est justement la culture dans toute son acceptation qui se meurt. Cette culture que l’on voit et toute l’autre, invisible et elles meurent dans l’indifférence absolue ou plutôt non, elles ne se meurent pas, on les assassine, délibérément, en toute connaissance.
Alors, je suis là, place de la Comédie devant le Grand Théâtre de ma ville, debout car je resterai toujours debout, vêtu du noir du deuil qui suit les jours sombres. Comme moi d’autres sont venus aussi, immobiles comme les pouvoirs publics, silencieux comme la presse, noirs comme mon âme.
Je ne suis pas seul sur les marches du Grand Théâtre de ma ville, il y a là toutes sortes de métiers de l’art et du spectacle, ceux que l’on voit ou entend sur le devant de la scène mais aussi ceux qui sont derrière le rideau, les uns ne fonctionnant que par les autres. Poussez le rideau, ils sont là debout, immobiles, silencieux, vêtus de noir et armés de leur instrument de culture aussi.
Nous sommes là jeunes, moins jeunes, vieux et mêmes des encore enfants… et c’est aussi et peut-être pour eux que nous sommes là debout, immobiles, silencieux, vêtus de noir et armés de nos instruments de culture aussi. Des passants qui passent sans s’arrêter qui ne se posent pas la question de savoir pourquoi nous sommes là, ils passent mais nous, nous sommes là, debout, immobiles, silencieux, vêtus de noir et armés de nos instruments de culture aussi ?
Et puis, malgré tout les gens s’interrogent:
« – Et pourquoi sommes nous là, debout, immobile, silencieux, vêtus de noir et armés de nos instruments de culture aussi ? »…
Au bout d’une quinzaine de minutes, l’immobilité à bougé, le silence s’est tu nous sommes repartis en noir avec nos armes de culture.
Le ciel était toujours bas et les rues silencieuses.