Confiné avec… Eric Séva
Nous vivons tous une période particulièrement difficile qui bouscule notre mode de vie d’une façon totalement imprévue. Les musiciens, comme tant d’autres métiers, sont particulièrement touchés économiquement. Comme ils ne peuvent plus exercer leur art autrement que par quelques interventions sur les réseaux sociaux, nous avons pensé qu’il serait intéressant de continuer à tisser du lien avec eux par ce petit questionnaire.
Nous sommes avec : Eric Séva
Présentes-toi rapidement. De quoi, avec qui, quelle musique joues-tu ?
Bonjour, je suis musicien, saxophoniste et compositeur, depuis plusieurs années mon domaine d’activité s’est majoritairement centré sur le jazz, la musique instrumentale et les musiques du monde. Je porte des projets pour lesquelles j’écris la musique, projets qui se produisent dans des festivals, des salles, des clubs en France en Europe et à l’international. Je collabore aussi à d’autres musiques, d’autres projets.
Intermittent du spectacle je suis à l’arrêt total depuis le 13 mars pour une période indéterminée, comme tout les artistes.
Egalement engagé et militant pour le spectacle vivant, nous avons créé il y a dix ans une association en Lot-et-Garonne « Les Z’Arts de Garonne » qui organise des concerts des actions pédagogiques dont un festival « Jazz et Garonne » qui (normalement) devrait fêter sa dixième édition en octobre. Le spectacle vivant dans toute sa diversité est un lien vital entre les artistes le(s) public(s) particulièrement au travers des associations, des bénévoles qui sont les poumons de ces nombreux rendez-vous artistiques en France.
Comment occupes-tu tes journées en ce moment ?
Je pratique mes instruments, j’écris de la musique, fais du sport, je lis.
Avec les enfants nous avons du temps pour faire un magnifique potager (la saison est idéale), nous avons fait des semis. Planter et avoir du temps pour regarder pousser prend un sens particulier en ce moment.
C’est une chance de vivre à la campagne d’être proche de la nature, une nature qui n’a jamais été aussi calme, belle et silencieuse.
Quand il fait beau je joue dans le jardin, bonheur total. Il manque juste les copains et le public pour partager ces moments!
Comment arrives-tu à jouer « avec » les autres ?
Malheureusement je ne joue plus avec les autres en ce moment. Je n’ai aucune motivation pour faire de la musique devant un écran avec mes amis, impossible de rentrer dans ce système de musique virtuelle pour marquer une « présence » sur les réseaux sociaux, aucune envie. Mon lien à la musique reste vibratoire et physique, elle se partage et se joue en direct.
Si j’habitais dans une ville j’offrirais un moment musical sur le balcon pour les voisins, ici ce sont les arbres et les animaux qui écoutent.
Écoutes-tu la radio, des disques, du streaming ? Quoi par exemple ?
Je fais un gros rangement de disques, donc je réécoute des musiques oubliées et des musiques omniprésentes et intemporelles comme celle de Coltrane dont l’œuvre reste un cadeau unique porteur d’un message qui va bien au-delà de la musique.
Cette situation change t-elle ta façon de voir les choses, la vie, ton métier ?
Oui, cette situation est pour tout le monde un grand bouleversement dont personne n’est épargnée.
Mon métier… comme beaucoup je suis très inquiet, il n’y a pas de perspective pour le moment.
Depuis le 13 mars on entend absolument pas parler des conséquences de cette situation et de l’impact que cela aura sur les artistes, sur les salles, les lieux de diffusion et les structures. De rappeler que la culture est le secteur qui génère le plus d’emplois en France.
De façon générale il est a souhaiter que la sortie de cette crise suscitera beaucoup de réflexions appelant de nouveaux positionnements, de nouveaux comportements (individuels et collectifs) pour vivre autrement.
Il est à souhaiter également que dans cette reconstruction la culture et la nature trouvent une place indispensable de refuge pour le bien-être d’une société devenue malade et en pleine mutation sur une terre et une nature qui saturent.
Il y aura un après qui appelle déjà à réfléchir sur de nouveaux systèmes pour que la création, les artistes continuent à s’exprimer dans des lieux de diffusions au plus près du public et le plus loin possible des écrans. Après cette crise sanitaire espérons que la culture cessera de se vivre confinée derrière l’ordinateur pour reprendre le chemin des salles, des festivals, des bars, des clubs autour d’un public curieux et audacieux.
Un titre qui te passerait par la tête ?
J’aimerais partager deux albums enregistrés l’année dernière mais la sortie est prévue à l’automne 2020, ainsi que des concerts… on verra !
Pour info :
« Triple Roots »
Un projet en trio au ténor et soprano avec Kevin Reveyrand, basse / Jean-Luc Di Fraya percussions, cajòn, batterie, voix.
« Mother of Pearl »
Un projet en quintet au baryton et soprano avec Daniel Mille, accordéon / Alfio Origlio piano, fender rhodes / Christophe Wallemme, contrebasse / Zaza Désidério, batterie, percussions.
Il y a un an nous étions en résidence au Rocher de Palmer pour préparer ce projet juste avant de partir enregistrer au studio de la Buissonne.
Comme beaucoup j’espère retrouver dès que possible la route des concerts pour partager la musique avec le public, exercer un métier que j’aime passionnément pour continuer cette mission essentielle ; la musique, la scène, le public, les musiciens et les voyages me manquent énormément!
Je vis ce confinement avec un tout autre rapport au temps, comme une retraite méditative et spirituelle qui laisse place à beaucoup de réflexions notamment sur les priorités, le lâcher prise, sur le sens de la vie, le sens de la liberté et sur une nouvelle façon de s’adapter.
A bientôt, prenez soin de vous.
