par Philippe Alen, photos Laurent Guizard (photos prises lors de l’enregistrement de l’album)

 15 février 2020, Juillaguet (Charente)

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Christian Paboeuf joue du hautbois, de la flûte à bec basse et du vibraphone. A moins d’entrer dans l’arène comme un jeune lion et d’en faire un élément du spectacle, il n’y a guère là aujourd’hui de quoi pavoiser aux Champs-Elysées du jazz. Aussi s’est-il fait une spécialité depuis une trentaine d’année d’accompagner les images des autres. Non pas en improvisant, comme l’ont fait certains avec plus ou moins de bonheur, mais en composant pour elles. Il a parcouru le monde avec Laurel et Hardy, Hitchcock ou Carl Dreyer. Il s’est depuis peu décidé à laisser la bride sur le cou à sa musique en lui laissant vivre sa vie. Une épreuve de vérité en quelque sorte.

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Paboeuf a un passé, dans le prog-rock, le jazz, la musique contemporaine, au théâtre, aux lumières ; une sensibilité, à la forme, aux timbres ; une présence, à l’instrument. Ses compositions, animées ce soir-là par le quartet qu’il a formé de musiciens « aquitains », ont été superbement servies par la tendresse rigoureuse, le lyrisme sous contrôle de Régis Lahontaa (tp, fgh, ss), le soutien sans faille de Xavier Duprat (p) et la précision dans la retenue de Pierre Thibaud (dms) qui sait aussi jongler avec ses grelots.

Essentiellement tirées de l’album qui vient de paraître, Les chemins aléatoires, leur consistance s’est magistralement passée des plans pour lesquels elles ont été conçus. Ferme structure ouverte à de libres échappées, ostinatos mesurés – à la différence de l’usage souvent abusif qui en est fait dans le jazz de conservatoire –, science des couleurs où s’allient fraîcheur et vivacité, puissance et transparence, elles se sont parées d’arrangements qui, comme un prisme a fait chatoyer la profonde unité sonore de ce quartet sans contrebasse.

Unité, mais aussi plasticité due notamment au multi-instrumentisme peu ordinaire du leader et à l’extension de la batterie par un arsenal de percussions (carillon, woodblocks…). Au service d’une intarissable invention mélodique brodée de contrepoints, surpiquée d’ensembles et d’unissons enchanteurs, le raffinement sonore de l’ensemble est au service de mélodies rafraîchissantes dont le déroulement dramatique, redisons-le, s’émancipe sans difficultés de leur source inspiratrice. Leur cours aisé et capricieux emprunte des détours buissonniers sans jamais se perdre, il déploie sans ostentation une science sûre de l’écriture pour en qu’oeuvre en sous-main, de bout en bout, son essentiel ressort : le charme.

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CD avec sticker

Carte AJ