par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

La Guinguette chez Alriq, mercredi 16 juin 2021.

Nous vivons dans un drôle de monde, ce mercredi toute la journée, nos écrans, nos radios nous ont annoncé le pire pour la fin d’après-midi et la soirée. Alerte orange, de la pluie, de la grêle, de l’orage, que le ciel allait nous tomber sur la tête, nous pauvres gaulois devenus bien moins braves que leurs ancêtres. Et ainsi une Guinguette chez Alriq, d’habitude bondée quelque soit le jour de la semaine qui est très loin d’être prise d’assaut alors que tout le monde aurait parait-il envie de revoir des artistes sur scène… Et pourtant ! Quel concert ! Celui du Tom Ibarra group, réduit à quatre éléments au lieu de six, indisponibilité de Lilian Mille et Jeff Mercadié oblige. Un concert « Uncuivred » si j’ose dire, le trompettiste et le saxophoniste faisant défaut.

Tom Ibarra (guitare), Auxane Cartigny (clavier et machines), Noé Berne (basse) et Tao Ehrlich (batterie) vont donc devoir se débrouiller à quatre. C’est leur retour à la scène à eux aussi comme tant d’autres et cela depuis le 12 mars 2020. Nous y étions, c’était au Rocher de Palmer, le public bruissait de rumeurs comme quoi les restaurants allaient fermer, on entendait prononcer le mot confinement, on connaît la suite.

 

 

Ce concert avec la formation en sextet annonçait la sortie prochaine du troisième album du Tom Ibarra Group « Luma » sorti finalement début 2021. Un tournant, dans un itinéraire déjà fourni, vers la musique électro mais paradoxalement avec davantage de musiciens qu’avant, les machines ne prenant pas le dessus sur l’humain, tant mieux ! La Gazette Bleue en avait parlé en février dernier : https://lagazettebleuedactionjazz.fr/tom-ibarra/

C’est d’ailleurs avec le premier titre de l’album, « Left Behind » que le set débute, quelques accords de guitare sur une nappe électro au synthé et tout à coup la rythmique qui surgit, batterie nerveuse et sèche de Tao, basse avec effets infra de Noé, un univers électro qui s’installe, la guitare sonnant alors comme un clavier. J’aime la puissance nuancée de ce groupe, ces passages paisibles et mélodieux, la tension qui monte peu à peu et finit par exploser. Sur scène nous avons quatre jeunes monstres musicaux qu’on espère voir aller très loin. Sans les cuivres le combo sonne plus rock, le jazz restant présent avec les nombreuses improvisations inspirées de chacun. De temps en temps voilà un titre du deuxième album « Sparkling » comme cette version délirante de « Moter » où Tao va nous époustoufler. Ce n’est pas pour rien qu’Eric Truffaz l’a récemment enrôlé dans son quartet.

A la fin de cette interprétation en totale liberté, voilà Tom qui s’excuse presque de s’amuser sur scène avec ses potes ! Mais continuez à vous amuser, à nous surprendre ainsi, quel plaisir ! On en oublierait presque les joutes avec les cuivres qu’on avait découvertes lors de leur seul concert en sextet l’an dernier.

C’est avec de tels groupes que le jazz se renouvelle, pouvant capter de nouveaux publics sans se mettre à dos les autres. Que leur élan brisé par la crise sanitaire ne soit bientôt qu’un mauvais souvenir, une recharge d’énergie dont leur jeunesse, pleine d’expérience, est déjà bien remplie.

Et l’apocalypse annoncée, celle qui a fait plus qu’hésiter certains ? Un gros orage bien ordinaire est arrivé presque une heure après la fin du concert…