Texte : Alain Flèche, photos : Michèle Mériaud

Jeudi 8 Octobre – le Rocher de Palmer

Yves Rousseau nous présente ce soir son nouveau projet : « Fragments » (bouts de trucs, morceaux de machins….) Il s’agit, en fait, de réminiscences d’une époque glorieuse de la musique : Rock Progressif/Jazz-Rock des année ’70. Une plongée dans l’esprit (plus que dans la forme) du courant « Canterbury » (Angleterre), mâtiné d’influences Folk-Rock-jazz d’outre-Atlantique (USA). Tout ça interprété par la crème de la scène actuelle jazz français… on en salive d’avance ! Finalement, on est assez proche du travail de notre ami Bruno Tocanne : « Sea Song(e), en hommage à Robert Wyatt (Rock Bottom), dans lequel, outre ses propres compositions, il ne reprenait qu’un seul titre de l’album cité, avec , comme ici, que des musiciens de très haut niveau !

Pour ce faire, le plateau s’ouvre sur les 7 musiciens alignés : à gauche : les soufflants dont on ne présente plus le talent : Géraldine Laurent au sax alto, Thomas Savy, clarinette basse, Jean-Louis Pommier, trombone (et responsable de YOLKRECORDS, maison de disques qui édite l’enregistrement du projet). A droite, un peu moins connu, ça ne saurait durer, Csaba Palotaï, guitariste hongrois et Etienne Manchon aux claviers, dont les bordelais ont pu déjà juger des qualités musicales fort développées malgré son (apparent) jeune âge, lors de ses réguliers passages au ‘Quartier Libre’ ; les deux, tout en finesse, son et idées originales et variés. Le guitariste, à contrario de ses prédécesseurs rock, reste assez discret, sauf lors de grilles et chorus de bravoure où il peut se lâcher, ne cédant rien à la présence et au jeu des fabuleux autres participants, Etienne, quant à lui, gère magistralement tous les pupitres en assumant les (nombreux) changements de rythme et autres cassures de temps/tempo, tout en jouant ses claviers, tantôt lyrique, fin, obstiné ou furieux, entre Volny et John Saint-Clair… genre génial (oui, déjà !). Et au milieu, Vincent Tortiller (fils de Frank) au fûts, avec une souplesse harmonique ‘à la’ Wyatt, et une frappe vigoureuse et renouvelée genre Cobham, monstrueux !

Enfin, au centre de cette mise en place : le maître de la séance, Yves Rousseau à la contrebasse, auteur des compositions, modérateur et accélérateur de tension, l’œil et l’attention navigant de son instrument, dont il n’abusera pas, aux autres musiciens, tous forts concentrés, chacun responsable de la cohérence du tout ! Bien que Yves ne le cite pas comme son influence majeure, la configuration scénique, la force des vents face à la réponse harmonique, relation tempérée par l’intermédiaire rythmique peut bigrement faire penser aux schémas utilisés (avec succès) par Frank Zappa, spécifiquement sur la période « Grand Wazoo » ! Rapprochement que confirmeront les ruptures de rythmes et d’ambiance…

Le concert débute par une nappe sonore incertaine, sorte de sas permettant une projection en une autre époque, où le rock et le jazz ne s’embarrassaient pas d’étiquette, s’interpénétrant au gré des libres imaginations. A travers les compositions originales, se laisserons deviner des influences : éthérée de Pink Floyd, jazzy de Soft Machine, lyrique de Genesis, et surtout celle dramatique, onirique, futuriste et précise de King Crimson, dont la guitare n’hésitera pas, parfois, à se rapprocher du son et du jeu de Robert Fripp, avec surtout une reprise audacieuse et époustouflante de « In the Court » par une contrebasse quasi en solo, pleine de rondeur, de mystère et d’expression qui nous ont chaviré la mémoire ! Nous entendrons aussi quelques notes d’une vieille chanson française magnifiée par David Crosby : « Orléans » tirée du « Carillon de Vendôme ».

Dernier morceau prévu : un jazz funk enlevé où se régale (et nous donc !) Csaba, paraphrasant McLaughlin du Mahavishnu Orchestra, et où tous semblent, enfin, se lâcher en faisant ce qu’il leur est naturel : du très bon jazz !

Le rappel sera une mise en musique d’un poème de Léo Ferré : ‘les mendiants d’Avoine ». Poésie intimiste pleine de rebonds et de rêve, mini suite symphonique que n’aurait probablement pas reniée le grand Léo.
On applaudit, nous levons, nous ébrouons, heureux de ce beau moment de rêveries de haut vol. Les musiciens descendent partager leur joie et (bonne) humeur, nous apporter quelques précisions sur leurs motivations et intentions de la soirée, et nous nous promettons de ne pas nous perdre de vue (sûrement pas !). Alors, à bientôt tous !!!

Merci à Alain, Irène, Alain, Solange, Dominique, Stéphane, Patrick, Fabrice, Michèle, Philippe de leur présence, et surtout Mr Patrick Duval d’avoir participé ( en le programmant) à ce bonheur collectif de se retrouver tous dans la joie d’entendre et partager une si belle et chaleureuse musique !

site web : https://yvesrousseau.fr/