par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Rocher de Palmer, vendredi 26 mars 2021.
Et si pour une fois on parlait d’autre chose que de jazz, même s’il n’est jamais loin, on le verra. Ce spectacle relaté aujourd’hui mérite en effet qu’on parle de lui. Le milieu de la musique est très transversal, c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés invités à une sortie de résidence pour une musique qui a priori n’a guère de rapport avec notre raison sociale. C’est Guillaume Thévenin du studio Cryogène de Bègles, où s’enregistrent toutes les musiques comme par exemple le jazz créole d’Akoda et le jazz fusion de Tom Ibarra, qui nous a proposé de venir y assister.
Quand on aime le jazz c’est qu’on est curieux, alors une telle invitation ne se refuse pas et c’est souvent qu’on découvre ainsi de très belles choses. Ca va être le cas aujourd’hui. Les conditions étant ce qu’elles sont en ce moment, nous ne sommes que quelques médias ou pros à assister à ce concert. Vingt personnes dans la 650 du Rocher c’est quand même choquant et la triste distanciation n’a pas de mal à être respectée. Plaisir de retrouver deux anciennes Fipettes de Bordeaux recasées à Radio France pour d’autres missions. Tant mieux pour elles.
Venons-en au concert, il s’agit d’un trio formé autour de la chanteuse argentine Mara Szachniuk, installée en France et à Bordeaux depuis trois ans et que je découvre. Chanteuse indépendante elle fait aussi partie des chœurs de l’ONBA mais est capable de tout chanter, même du jazz et très bien m’a t-on dit. Si elle trouvait un pianiste avec qui collaborer elle a même un projet mêlant Gershwin et Schumann. Avec elle Nicolas Saez, bien connu dans le milieu de la guitare flamenca qu’il jazzifie de temps en temps sur certains projets. Aux percussions Luke Girardeau que je découvre lui aussi.
Nous allons assister à la moitié du concert complet envisagé pour plus tard, le trio n’ayant pu travailler cette semaine qu’une partie du répertoire. Et oui, car en plus de la musique elle même il y a un très gros travail de mise en place et surtout de mise en lumière. Mais le résultat est bien là, c’est superbe.
Du chant a cappella du début au titres d’une grande puissance nous allons passer par de nombreuses ambiances. Souvent intimistes, mélancoliques, sensibles, sensuelles même grâce à la merveilleuse voix de Mara mais aussi aux arpèges de Nicolas, et aux nombreuses nuances de percussions de Luke. Parfois puissantes comme sur ce titre traduisant une colère tellement bien rendue par le chant désespéré et les lumières agressives de beauté. Surprenant d’arriver à une telle énergie avec seulement trois instruments, une guitare, des percussions et une voix.
Voix parfois dédoublée grâce à des boucles mais de façon élégante, percussions contrastées de l’aigu de cymbales aux sonorités basses et profondes du tambour iranien, délicatesse de la guitare aux accents espagnols et latins se déchaînant soudain.
Les chansons en espagnol mais aussi en français parlent de l’amour, de la vie, de la mort, on découvre la Zamba cette danse lente argentine. Mara les chante mais surtout les vit.
Les titres se succèdent remplis d’émotion tout comme les tableaux qui se dessinent sur scène pour chacun. Du travail très soigné, des touches mordorées, des rouges vifs, des blancs tranchant le noir. Et oui, l’ingénieur lumière, Laurent Tissot, n’est pas un débutant il a travaillé pour de nombreuses grosses comédies musicales et même avec un certain Johnny…
Il leur reste la moitié du chemin à défricher avec cet espoir que les artistes ont tous, rejouer devant du public, un vrai public, même si les applaudissements sincères de celui d’aujourd’hui les ont touchés.
Un grand merci à toute l’équipe du Rocher de Palmer qui permet toutes ces résidences en ces temps compliqués.
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