C
hroniques marciennes
Marciac jour 1 / 24 juillet 2021

Texte: Annie Robert
Photos: Laurent Sabathé

Jazz in Marciac redémarre en ce 24 Juillet, après une parenthèse pas enchantée du tout, une suspension pesante… Le festival gersois reprend, se relance et se réanime. Du moins un peu…
Pour les habitués, JIM, c’est la fête, la foire parfois, du monde, du souffle,
de la découverte, de la couleur, de l’excès et surtout de la musique, partout, tout le temps, par petites touches ou à fond les lampions! On aime ça cette démesure colorée, ce chapiteau bondé, ces sourires heureux, ces bavardages chantants, ces bénévoles affairés… Et pour ceux qui découvrent:ce mélange détonnant entre gasconnades gourmandes, exotiques boutiques et notes scintillantes et joyeuses!! Une ambiance unique, foutraque et diablement tonifiante.
Covid oblige, les contraintes sont passées par là: pas de groupes de musiciens dans les rues pour interdictions d’attroupements, pas de stands
pour déambulations entre amis, pas de flâneries distraites et le nez en l’air, pas d’animations aux terrasses.
On n’en fera pas reproches aux organisateurs, ils n’y sont pour rien. Chacun subit, s’adapte, se conforme comme il peut, faute de mieux. Les concerts sont encadrés, passe-sanitérés, les tables écartées et les saluts distanciés.
Le festival
y a perdu un bout de son âme, de son insouciance et de sa joie sans aucun doute pour plonger dans une sagesse rigoureuse, masquée et un peu vide, mâtinée d’inquiétudes et de soupçons.
Mais il a gardé son ossature profonde, ce qui nous réunit chaque année depuis si longtemps, l’amour du jazz. Et c’est un joli symbole que ce soit ce jazz justement qui fasse union: une musique de résistance, d’inventivité, parfois chargé d’ expressions douloureuses mais aussi d’espoir et d’énergie.

Symbolique aussi de démarrer ce premier jour par une dame, une femme forte, joliment résistante, un modèle d’empathie et de joie énergique.
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Robin McKelle
est comme cela: aussi scintillante que son pantalon lamé argent, aussi flamboyante que sa crinière rousse. Elle est généreuse dans son chant et dans son rapport au public, aimable, aimante, revigorante.
Son dernier opus «Altérations» se propose de reprendre de grands morceaux créés ou interprétés par de grandes figures féminines du jazz en alternance avec ses propres compositions.
C’est un choix assez fort et ambitieux. C’est avec le « Back to Black » d’Amy Winehouse qu’elle démarre, pour transformer cette mélodie pleine de noirceur en une soul feutrée, expressive et poignante mais rayonnante aussi.
Robin McKelle sait user avec malice de sa voix «haute couture», dentelle souple ou frous-frous chatoyants, velours noirs ou serge râpée, elle transforme, revisite et réinvente des morceaux d’origine et de couleur différentes, soul, jazz, pop ou folk.
Autour d’elle, le pianiste Shedrick Mitchell à la fois délicat mélodiste et aventurier de l’impro, le batteur Charles Haynes avec sa caquette rouge et son phrasé d’enfer et le contrebassiste et bassiste Eric Wheeler forme un trio de facture moderne, plus rock sans doute, qui pousse avec bonheur la chanteuse hors des sentiers confortables de l’interprétation habituelle pour entrer dans des swings, scats, onomatopées, ellipses, prouesses vocales osées et réussies.
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Elle chante comme on pourrait peindre avec du gris, du tendre mais aussi du flashy, du doré… dansante, scintillante et jamais clinquante, elle achève de captiver le public avec une belle version soul de «Jolène», succès country de Dolly Parton, une magnifique «River» de Joni Mitchell et une tendre et feûlante chanson de Shadé
Avec son enthousiasme, sa pétillante chaleur, Robin McKelle finira par faire se lever le public du chapiteau, d’abord retenu, d’abord inquiet ( peut on encore danser, se lever? ) elle arrivera à faire craquer le sanitairement correct, la passivité covidesque, à réveiller les sens, à redonner sens.
On prend avec elle un vrai shoot d’énergie, de joie, d’envie d’exister, baignés dans une voix chaude, un climat coloré, un envol dans les cintres. Ça fait un bien fou!!

Le festival gersois reprend donc, se relance et se réanime. Du moins un peu…du moins pas si mal… en attendant des jours plus libres de virus.

Robin McKelle nous y a aidé. Merci à elle, merci au jazz et à la musique de nous garder plein de vie et pleins d’envies. Et vivement la suite !