Paul Lay et Sylvain Luc : interview en duo

Propos recueillis par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Anglet Jazz Festival,le 16 septembre 2023

Marc Tambourindéguy, directeur artistique du AJF, avait invité Paul Lay et Sylvain Luc ; ils lui ont proposé de jouer en duo pour la toute première fois. Action Jazz a voulu en savoir davantage.

AJ : Merci Paul et Sylvain d’accorder quelques minutes pour les lecteurs d’action Jazz. Récemment je t’ai vu Paul à Andernos en trio sur le projet Bach’s Groove avec Donald Kontomanou et le regretté Matyas Szandaï et vous Sylvain je chroniquais en avril ton album solo « Simple Song » . Vous allez nous faire quoi ce soir, on s’y perd ? C’est quoi cette histoire de duo ?
Paul Lay : on a des racines communes, régionales. Je suis Sylvain depuis que je suis ado
Sylvain Luc : ne me vieillis pas, attention !
PL : quand j’étais au lycée j’étais tombé fou ce l’album « Sud ». Ensuite on s’est croisé mais on n’a jamais joué ensemble. Jusqu’à il y a quelques mois où on a pris le temps de parler et même de jammer. C’était à Radio France pour l’anniversaire d’Open Jazz l’émission d’Alex Dutilh. On n’a pas joué sur scène ensemble, juste dans les loges.
AJ : Comment l’idée a t-elle surgi d’aller plus loin ?
SL : à qui poses-tu la question ?
AJ : à l’un comme à l’autre
SL : il y a eu cette émission sur France Info, Mélodies Nocturnes, où on était en train de promouvoir nos albums respectifs à l’invitation de Michel Mompontet et il avait l’idée de nous faire jouer ensemble. Je connaissais Paul, mais les rencontres c’est assez bizarre, on se connaît, on s’apprécie mais on ne se rencontre pas forcément. Chacun a ses familles de musiciens, les générations différentes aussi. Michel Mompontet a provoqué la rencontre et ça a été absolument immédiat. On a parlé de nos disques respectifs et on a joué « Nardis ». Quand les rencontres doivent se faire…
PL : …tout est facile
AJ : en visionnant cette émission, j’ai relevé la présentation de Michel Mompontet évoquant vos récompenses, vos prix « On dirait des généraux de l’armée Nord Coréenne, bardés de décorations » ! Pas trop dur de concilier ces deux egos, ces deux personnalités !
SL : humainement on se bat un peu !
AJ : un basque et un béarnais en plus !
PL : mais ma mère est basque ! D’Urcuit
SL : ah bon, alors ça va ! Plus sérieusement il en faut de l’ego quand on est musicien, sinon on n’aurait pas le courage d’aller sur scène, mais c’est la musique qui guide le reste, si la musique se passe il n’y a plus de problème de qui a gagné et de quelle manière. Mais il peut y avoir des concours de circonstances où ça peut être un peu plus combatif
PL : l’idée c’est d’aller au-delà de ça, de faire de la musique
SL : si on se bat avec les egos ça fait une espèce de combat de coqs !


AJ : marier piano et guitare, ces deux instruments harmoniques, n’est-ce pas une difficulté
SL : c’est l’enfer, le piano guitare c’est chien et chat surtout si moi je propose de l’harmonie. En général c’est le pianiste qui est le maître de l’harmonie, donc le guitariste s’efface et pour cause, le piano a un spectre absolument énorme, il peut faire l’orchestre. Donc le guitariste avec ses six petites cordes il est un peu comme un couillon. En général les pianistes développent l’harmonie de manière assez poussée. Mais il y a des guitaristes qui peuvent aussi proposer de l’harmonie, ce qui est mon cas. Il y a beaucoup de guitaristes qui jouent avec un pianiste comme s’ils étaient des soufflants, laissant le piano s’exprimer harmoniquement. Pourtant il y a pléthore de choses à trouver pourvu que ce soit complémentaire. Il faut avoir l’intelligence, ce qui est le cas de Paul, il va très vite, de comprendre dans quel spectre on se trouve. Il ne faut pas se bouffer. L’harmonie tu peux la déplacer, la mettre un peu par là. Si le piano va par là et la guitare par ailleurs ça ne peut pas marcher. D’où la difficulté, donc piano et guitare c’est l’en-fer ! Donc il y a très peu de gens avec qui on peut jouer ainsi. Et il y a le rythme, il faut être raccord !
AJ : il n’y a donc pas de répertoire spécifique alors où êtes vous allés chercher le vôtre ?
SL : ça a été très vite
PL : on a pas mal d’influences en commun donc on a pioché dans ce qu’on aimait. Il y aura du Wayne Shorter, des compositions de Miles Davis , le grand standard « Besa me mucho », un morceau traditionnel basque.
SL : c’est la première fois que tu vas le jouer !
Pl : sur ton arrangement
SL : je suis ravi que Paul puisse le découvrir ; il y a des mélodies absolument incroyables. En Soule on a développé des choses plus raffinées, des musiques datant du Moyen Age. Il y a des choses à faire avec ça . Quand j’ai commencé à le faire il y a quelques années je voyais que les autres musiciens étaient complexés avec ça, un complexe d’infériorité. Nous on se sert de nos bagages communs pour habiller cette musique traditionnelle. La chance qu’on a c’est d’avoir rencontré plein de musiciens différents, d’influences variées pour pouvoir en faire quelque chose d’un peu différent. On fait profiter ces mélodies de nos voyages en quelque sorte.
AJ : première mondiale donc ce soir !
PL : on peut le dire !
AJ: pas une dernière mondiale au moins, est-ce qu’une suite est envisagée ?
SL : c’est un premier concert, l’envie de continuer est là.
AJ : juste une question à chacun pour terminer. Le magnifique projet Bach’s Groove va se poursuivre après la disparition de Matyas ?
PL : oui bien sûr, ce projet continue. Mais l’an prochain on célèbre les cent ans de la Rhapsody in Blue, je vais pas mal la jouer avec différentes formations. J’en ai créé une version en solo en mars dernier à Radio France, je l’ai jouée aussi en trio cet été. L’an prochain je la jouerai avec l’orchestre de Strasbourg, d’Avignon et un autre en option, trio plus orchestre. On va pas mal improviser sur les parties « rhapsodisantes ». Et dans un an je sors un nouveau disque mais on a le temps d’en reparler ; ce seront des compositions autour de l’Odyssée d’Homère.
AJ : Sylvain, l’album « Simple Song » a été joué en concert, il va l’être encore ?
SL : oui bien sûr.
AJ : quelle en était l’idée de départ ?
SL : c’était d’aller vers quelque chose du plus naturel possible ; ça a pris très peu de temps, on a fait une liste avec Christian Pégand. L’idée c’était surtout de ne pas faire d’arrangements pour garder le côté le plus spontané possible et garder des formats très très courts. Privilégier le thème plutôt que de s’étendre sur de l’improvisation à rallonge.
AJ : merci et bon concert ce soir, nous sommes impatients !

Avec Marc Tambourindéguy directeur artistique du Anglet Jazz festival