Patricio Lameira

« Parfum d’Eden »

par Philippe Desmond

L’album

« Il ne faut pas enfermer les musiciens » proclame Patricio Lameira évoquant les divers confinements qui les ont rendus invisibles du public mais pas du tout inactifs. Et si justement il fallait de temps en temps les sortir de leur tourbillon de concerts, de festivals, de répétitions, de déplacements diurnes ou nocturnes, pour leur laisser le temps de créer de jolies choses comme celle dont on va parler ? J’avoue, je suis partagé !

Patricio que beaucoup connaissent, comme moi, à travers le groupe légendaire Post Image, s’est donc livré à la composition avec dix morceaux, soit des instrumentaux, soit des chansons et a « réuni » une équipe de musiciens et musicienne pour cet enregistrement à la maison, chacun chez soi ! Quelle épisode quand-même que cette période marquante et les instincts de survie qu’elle a déclenchés !

Ce « Parfum d’Eden », illustré sur la pochette par une reconstitution de « La Charmeuse de serpents » du Douanier Rousseau, est là pour nous enivrer d’une senteur musicale chaude et tendre. Il s’en dégage des effluves délicates sur des rythmes aux accents brésiliens la plupart du temps. Pour l’enregistrement Patricio a fait appel à son complice batteur de Post Image, Eric Pérez (très occupé avec les tournées de Leïla Martial), à Valérie Chane-Tef (Akoda…) aux claviers, à Gaëtan Martin (Crawfish Wallet…) au trombone, à Franck Rivet (percus et guitare). Lui même est à la guitare, à la basse et au chant. Les textes, riches, poétiques et sensibles, ont été écrits par Stéphane Garrigue.

Il flotte comme une chaude douceur dans cet album avec des rythmes de samba, de forro, de bossa sur lesquels la voix légère de Patricio nous fait partager ses émotions ; un petit quelque chose du timbre de Michel Legrand… On le retrouve aussi dans ces mélopées aériennes qu’il propose déjà avec Post Image. Bonne surprise de retrouver ici une reprise de « Sous les ponts de Paris » et ses pas de valse ; « J’adore cette chanson, tout simplement » avoue Patricio ; Melody Gardot l’a bien reprise aussi, en duo avec Juliette Gréco ! Un bien joli album.

Si ces parfums musicaux reflètent ce qu’est l’Eden je veux bien, le plus tard possible, aller y jardiner.

Autoproduction. Contact : patricio.lameira@free.com

Le concert de sortie

Cenon, le 10 novembre 2022

Deux ans déjà que le projet est né et voilà enfin sa réalisation en public. On retrouve bien sûr Patricio Lameira avec trois autres musiciens présents sur le disque, Eric Pérez, Franck Rivet et Gaëtan Martin (juste de retour de 15 jours intenses à New Orleans où « En deux semaines, j’ai plus joué que lors des mois précédents ! »). Au clavier c’est Michael Geyre qui est chargé de nous faire oublier Valérie Chane-Tef et Patricio ne pouvant sur scène être partout, la basse est confiée à Gaston Pose qui depuis quelque temps se met à l’instrument et avec de réelles capacités. Patricio chante et jongle quant à lui avec ses quatre guitares, acoustiques ou électriques, le climat changeant avec chacune, pas son talent.

L’Espace Simone Signoret est plein, il est vrai que Patricio qui enseigne la guitare à l’école de musique locale a beaucoup d’amis et pas mal de musiciens sont aussi venus le soutenir dans ce beau projet.

Tout le monde y découvre l’album, joué dans son intégralité et agrémenté, live oblige, d’élans de chorus et d’improvisations chaleureuses. La version de « Sous les ponts de Paris » déjà présente dans l’album avec un arrangement insolite et surtout réussi, y trouve encore plus d’originalité ; sous les ponts de Paris on entend alors couler l’Amazone grâce la rythmique, parfois le Mississippi avec les riffs de trombone. Le Brésil toujours en fond sonore (façon de parler), la poésie, la fausse fragilité de Patricio remarquablement soutenu par une équipe soudée, un concert vécu dans un cocon.

On espère les voir souvent sur scène nous dispenser leur parfums d’Eden, ils sentent si bon.