par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Le Caillou, jeudi 11 janvier 2018.
Action Jazz connaît bien la pianiste Valérie Chane-Tef à travers tous ses projets allant du jazz (Akoda) à la musique du monde (Ceïba) en passant par la chanson française (Nougaro en 4 couleurs) et même l’électro (Nour). Le blog vous en a parlé souvent.
Voilà qu’elle rajoute une corde à son arc ou plutôt à son piano par ce duo magnifique formé avec Diana Baroni chanteuse et flûtiste argentine. Le hasard ou la destinée les a fait se rencontrer au printemps et nous avions assisté à leur tout premier concert en juin dernier sur la terrasse du Caillou.
Les voilà revenues ici mais dans le cocon préservant de ce triste hiver humide bordelais. Je le dis de suite, sans Valérie dans ce projet peut-être n’aurais je jamais eu la curiosité de m’intéresser à la chose. « Boleros & Loves Songs » à priori ne me concernait pas ; et oui cette tendance que nous avons tous à étiqueter, marquer nos territoires, ce manque de curiosité, j’en suis parfois aussi victime. Quelle erreur cela aurait été, de quel bonheur me serais-je ainsi privé ! Certains vont dire d’accord, mais pourquoi en parler dans le blog d’Action Jazz ? Éternelle question, c’est quoi le jazz et en admettant que nous connaissions la réponse et bien avec Valérie Chane-Tef quelle que soit la musique jouée il n’est jamais loin, il est même présent. Ce soir aussi donc.
Un peu d’histoire avant de donner les impressions du concert avec ces lignes extraites du dossier de presse du duo : à partir de la deuxième moitié des années 1920, se développent les boléros cubains et mexicains qui feront fureur auprès du public. Ces chansons se caractérisent par leur sujet commun : une histoire d’amour qu’elle soit au stade de la séduction, de l’admiration, de la passion, de la déception, de la haine ou de la solitude. Tout un programme, l’amour !
Le concert commence d’ailleurs par « Historia de un amor », Valérie au piano et Diana à la flûte, en sol, plus grave que la traversière courante, et au chant. Le jazz le voilà déjà dans les développements du thème, les impros délicates. Dans le cadre intimiste ce soir du Caillou, c’est un moment de grâce qui débute.
La profondeur et la finesse délicate du piano ponctuées d’accords fantaisie surprises qui font sourire Diana pourtant en train de narrer une séparation, la douceur de sa flûte en volutes sur des nappes de claviers, sa voix sensuelle tantôt suave, tantôt violente, sa présence sur scène, la façon de bouger son corps, tout est réuni pour nous faire ressentir des émotions allant de la mélancolie au bien-être.
Diana chante en espagnol, sa langue maternelle, mais aussi en portugais, en italien, en anglais et en français mais, comme je le lui dirai, elle pourrait chanter en chinois que nous la comprendrions tant elle est expressive. Au répertoire les Cubains et Mexicains historiques, Bola de Nieve, Agustin Lara, Chavela Vargas, mais aussi Nat King Cole avec « Nature Boy » sur lequel Diana va scatter, Cole Porter avec « Love for Sale » avec ce charmant accent argentin sur un tapis de piano magique.
Une citation par ci, « Arabian Nights » une citation par là, « Afro Blue » une intro Monkienne de Valérie sur l’inattendue bluette « Plus je t’embrasse » (une certaine Blossom Dearie puis…Lio) avec un gimmick de disque rayé très amusant. Des tubes comme « Piensa en mi » plus joué, théâtralement parlant mêlant élégance et humour, que chanté et pour finir, en second rappel, l’inévitable et attendu « Besame Mucho » dans une version désarticulée, lente et ténébreuse à souhait.
Nous avons assisté ce soir avec mon pote Dany le vieux rocker complètement retourné tel une midinette et Philippe notre photographe subjugué par ses deux modèles, à un bijou de concert, le Caillou se transformant en cristal pour lui faire un écrin. Dire qu’on aurait pu passer à côté de ça…
http://www.dianabaroni.com
Sessions de rattrapage : dès ce samedi 13 janvier au Baryton à Lanton
