par Annie Robert

Rocher de Palmer / Cenon Bordeaux / 29 novembre 2019

Une fois n’est pas coutume, c’est un spectacle pour enfant qui sera chroniqué ici….
Voui, voui, voui…Seulement pas n’importe lequel et pas de n’importe qui.!!

Pas de délivréee, libéréeee, pitiiiééé !! . Pas de Disneyland, de rubans roses ou de super héros mais un spectacle musical enchanté et en chantier, qui ne prend pas les enfants pour des prescripteurs d’achats ou les mouilleurs de larmes, mais pour des amusés de mots, des chatouilleurs de rimes et des étonnés en puissance.
Aux manettes, aux baguettes, au scat, à la rime, au rapatois et à la loufoquerie, un vocalchimiste forcené et jusqu’au-boutiste que nous connaissons bien, un tchatcheur de première, un interrogateur et un accrocheur de tempo, un jazzeux joyeux, monsieur André Minvielle… entre jazz et java, entre improvisation et recherche facétieuse.
Avec son tablier de peintre en lettres, son chapeau de nuages, sa batterie à fleur, ses machines rythmiques magiques ( « comment il fait pour avoir plusieurs voix le monsieur? »), son écran noir sur lettres blanches… il plonge les petits et les grands aussi dans la folie suave des lettres et des mots.. de découvertes en exploration fantaisiste ( « Beau vélo de Babel, il a osé!!? »)
De quoi déconcerter parfois les bambins et les autres car ici pas de récit, pas d’histoire véritable, pas de suspense, pas de rebondissement, mais de l’étonnement, de la surprise et du rire. Oh le formidable texte écrit en phonétique, avec des césures désordonnées dont j’ai eu une re-création en rentrant par deux gamines pliées de rire, encore une heure plus tard…( moilé poulj peupalai blairé, é leszoizonon plu… il est fou ce type !!!)

Voici donc un abécédaire, mais un abécédaire à la Minvielle… dans le désordre, tiré par les cheveux et les moustaches, relié à la poésie ( merci pour ces Étranges étrangers de Prévert), accroché à l’accent et décliné en de multiples langatges, du gascon, du français, de l’espagnol, des onomatopées, du faux yaourt anglais, du groove, du créole, des cris d’animaux ( la tête émerveillée de la mouflette à côté de moi devant le chant de la baleine!!) et de burlesques animations, traquant sans relâche l’oralité incongrue, faisant défiler derrière lui, sur un écran géant, tout un cortège de mots et de lettres.
X comme les bras du batteur, Y comme le yaourt du franglais, et Z comme jaZZZ bien sûr, P comme Papa, A comme André ou Ailleurs , H comme BetH ceu de Pau et ses clarines, M comme mains et N comme Non et Oui en chantant Nougaro… j’en oublie…
Le tout est accompagné d’instruments plus ou moins homologués. Plutôt moins que plus d’ailleurs… une bassine à nouilles, un sachet en plastique, une bouteille transparente sonorisée, une petite guimbarde au G sautillant sur l’écran, une flûte à nez, des appeaux et j’en passe.. des temps frénétiques , des moments doux et calmes, des confidences et des souvenirs d’enfance.
Et le rythme toujours, les mots encore, les jeux de mots, les à peu près et tout le reste…Le public conquis a accueilli la représentation avec plus que du plaisir et plein de rires. Les enfants, comme les grands touchés par la poésie et la musicalité  n’ont pas rechigné sur les applaudissements finaux pas plus que sur la participation spontanée, dynamique et chantante ( Barataclau, Barataclau..) à plusieurs reprises pendant le spectacle.
Seul petit bémol, le spectacle est prévu pour des enfants à partir de sept ans.. Pour en saisir toute la saveur, il faudrait peut être le dédier à des enfants à partir de dix ans au moins, la lecture, le sens du jeu de mots étant nécessaire. Mais cependant les plus petits présents se sont laissés visiblement bercer par le chant, la folie et la poésie .
Et finalement c’est l’essentiel…
Cet ABCd’erre est donc une formidable prescription anti pensée unique, anti formalisme bêlant, une vraie joie pour l’ébusilification des jeunes cerveaux et des moins jeunes….Ça a bouillu dans la marmite, ça a vaporisationné dans les éprouvettes, ça a chantoiseaunné dans les airs, ça a éclaboustouillé sur les écrans en gouttes de lettres et de rires.
On n’en attendait pas moins de notre bouillonnant vocalchimiste !!