texte et photos Philippe Desmond.

Guinguette Alriq, Bordeaux le 29 juillet 2020.

Il est plus de minuit, « On s’est bien amusé », me confie Freddy Buzon à la fin du concert de ce soir. Et pourtant au départ il n’avait pas envie, pas envie de répéter, pas envie de se compliquer la vie, lui qui depuis deux ans s’est mis en congé du groupe pour mener une vie tranquille après tant d’années folles. C’était en effet la surprise du jour, retrouver notre man with the horn sur scène avec le quasi légendaire Post Image. 33 ans qu’existe ce groupe girondin, bel âge qui peut aussi être fatal. Mais un de ses Dieux Créateurs est toujours là qui veille et drôlement là, Dany Marcombe avec sa basse fretless prenant ce soir un plaisir très visible et communicatif. Comme la plupart des autres il n’avait pas joué depuis des siècles, le 7 mars le concernant et retrouvait la scène avec envie et le monde extérieur avec méfiance m’a t-il dit.

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Et oui, on aurait pu l’oublier dans cet environnement paradisiaque de la Guinguette mais une saleté invisible, ou absente, brise les habitudes en instaurant de nouvelles. La musique pour l’émotion, pas encore pour les effusions précise une affichette. Quelle frustration en effet de retrouver les amis, les musiciens, sans pouvoir s’embrasser, se toucher alors qu’on en a plus envie qu’avant après ces mois de disette. Que de bises, d’accolades avons nous à rattraper, mais le pire est que cela change les rapports y instaurant une certaine gène, un manque de naturel. La Guinguette est pourtant bondée mais les gens ne se frôlent plus, ne s’abordent quasiment plus. Cathy dans sa présentation nous rappellera d’ailleurs les consignes, lourde responsabilité en effet qui repose sur toute l’équipe que d’organiser dans les règles l’accueil de 600 personnes. Quel courage aussi, merci.

Post Image fait partie de la famille ici, la Guinguette fête ses 30 ans et Dany et sa bande était là depuis le début, d’ailleurs un personnage important est monté sur scène pour les accueillir, Alriq en personne, le pionnier, un événement !

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Ce soir en plus ils sont en taille XL, octette ; ils jouaient en quintette à la création en 1987. Dany Marcombe donc (basse),

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Freddy Buzon (tr, bugle), Eric Pérez (batterie),

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Patricio Lameira (guitares),

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Frédéric Feugas (claviers), Jean-Christophe Jacques (sax) pour les plus anciens,

 Laurent Agnès (trombone à pistons) et un invité très fidèle Alain Debiossat (sax et flûte). Sacré attelage !

Post Image c’est un son mais surtout une pulsation permanente, celle donnée par la basse de Dany et soutenue par la batterie d’Eric. Sur cette fondation tout peut se construire. Post Image c’est aussi une groupe au vrai sens du terme, chacun le nourrissant de ses propres compositions mais avec une vraie unité sonore. Du jazz fusion au vrai sens du terme, du jazz d’abord avec cette liberté, ces improvisations, ce groove et de la fusion, l’Afrique, l’Orient…

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Quel plaisir renouvelé que de les écouter. Ce soir quand l’équipage est lancé, que les cuivres brillent à l’unisson, que la rythmique s’emballe, que les chorus se succèdent, c’est de la pure émotion. Et quand sur les ballades de Patricio Lameira et ses merveilleuses vocalises, comme « Telmine », la fièvre monte petit à petit ce sont des frissons qui vous parcourent la colonne vertébrale. Et si ce foutu virus nous faisait encore davantage apprécier ces moments, je le crois.

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Post Image ce sont aussi des individualités. Dany le cœur du groupe et ce son chaud et profond de fretless. Eric un modèle de précision et de groove. Frédéric ses nappes harmoniques, ses effets électros élégants et ses percus !

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Freddy sa fantaisie, son attitude – c’est Miles et Roy qui ont copié sur lui – sa finesse de jeu, ses riffs de trompette.

Laurent et sa virtuosité avec un instrument pas si aisé à maîtriser. Jean-Christophe et ses bêtes de courses aussi créatif au ténor (ah ce chorus avec les loops !) qu’au soprano. Alain, sa folie musicale et ses envolées à l’alto.

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Patricio, ses cocottes, ses vocalises en unisson avec sa guitare, ses chorus saturés. Quand en plus non content d’être huit ils invitent un des maîtres du darbouka Ersoj Kazimov, lui aussi un habitué du lieu, on part vers un autre monde.

Et quand comme ce soir, dans cette chaude soirée estivale sous les lampions, on voit leur bonheur de jouer on se prend à rêver de les voir programmés plus souvent.

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C’est fini, on remet les masques, on se fait des accolades virtuelles, un coup de gel sur les pattes… Quelle saloperie quand même…

 

Carte AJ