LOUIS SCLAVIS – « LES CADENCES DU MONDE »

5 étoiles

Label JMS sortie 27 Mai 2022

Chronique de Martine Omiécinski

Louis SCLAVIS : Clarinettes

Annabelle LUIS : Violoncelle

Bruno DUCRET : Violoncelle

Keyvan CHEMIRANI : Zarb et Daf (Percussions)

Grand clarinettiste et compositeur français « biberonné » à l’explosion créative des arts en général et de la musique en particulier dans les années 70, Louis SCLAVIS s’est forgé un univers bien à lui. Comme il le dit lui-même « le choc (artistique et musical) des années 70 donnait le droit de créer ».

De ses productions au sein du « Workshop de Lyon », collectif musical effervescent, à ce dernier CD « Les cadences du monde », énormément de notes et de rencontres ont forgé l’histoire de ce musicien aussi doué en composition qu’en improvisation.

Dans sa première partie de vie de musicien, citons les collaborations avec Michel PORTAL, Bernard LUBAT, Henri TEXIER, Aldo ROMANO, Chris MAC GREGOR, François RAULIN, Bruno CHEVILLON, Dominique PIFARELY etc..

Outre ses performances personnelles lui ayant valu de nombreux prix (meilleur disque, meilleur musicien) en France et à l’étranger, Louis SCLAVIS nous a habitué à s’imprégner d’ailleurs pour jouer et créer avec des compagnons de route. Je fais référence aux 3 voyages africains réalisés avec ses 2 compères Henri TEXIER et Aldo ROMANO ayant donné 3 magnifiques disques (« Carnets de Route » 1994 – « Suite Africaine » 1999 et « African Flashback » 2005).

Sa création s’est, par la suite, enrichie de ses nombreuses collaborations avec des musiciens d’horizons très différents : au jazz au sens très large s’ajoutent le classique et le baroque. Les musiques du monde, après la période africaine, intègrent des sons plus orientaux (moyen et extrême orient).

Ses projets musicaux sont pluriels et transversaux avec d’autres arts (danse, cinéma, photographie, lectures…). Ses choix de partenaires musiciens sont en cohérence avec le projet en cours.

Pour ce CD : « Les cadences du Monde », la création fait écho à l’ouvrage du photographe Frédéric LECLOUX : « L’usure du monde », illustrant un voyage en ex Yougoslavie, Turquie, Iran, Pakistan, Afghanistan (« L’usure du Monde » est déjà un clin d’œil à l’ouvrage de Nicolas BOUVIER : « L’usage du Monde »).

L’imagination fertile de Louis SCLAVIS synthétise et intègre les sons de ces contrées à son univers.

Ses 3 partenaires sur ce CD sont des artistes avec qui il a déjà travaillé : la violoncelliste Annabelle LUIS plus connue en musique baroque et actuelle, l’imaginatif Bruno DUCRET compagnon de route habituel de Louis SCLAVIS en duo et le grand maître iranien

du Zarb (instrument percussif digital rond, en bois creux recouvert d’une peau tendue) et du Daf (large tambour sur cadre de la tradition persane) – avec qui il a collaboré sur le disque « Silk ans salt melodies » : Keyvan CHEMIRANI.

Louis a spécialement composé pour ce quatuor (ou quartet ?). L’œuvre est poétique, intense, entre zénitude et fulgurance.

Bien qu’il soit difficile de ne pas tout sélectionner, voici mes préférences :

Opus 1 : « Une longue route blanche » pour la belle mélodie toute en sensibilité, le raffinement du jeu de Louis à la clarinette, la complémentarité des 2 violoncelles d’Annabelle LUIS et de Bruno DUCRET et le solo de Zarb permettant à certains d’entre nous de découvrir avec plaisir Kevyan CHEMIRANI.

Opus 2 : « Le chaos du monde » qui illustre parfaitement le titre de l’album « Les cadences du monde ». En effet, des douces volutes de clarinette et du violoncelle cordes pincées, nous basculons dans le chaos initié par le daf qui, comme le tonnerre, annonce la tempête des autres instruments (beau duo violoncelle/tambour) se déchaînant avec beaucoup de liberté c’est très visuel…N’oublions pas que Louis a aussi composé des musiques de film !

Opus 4 : « Conte d’un jour » pour la rythmique scandant le tempo de manière répétitive, orientale, portant les accords de cordes à l’archet et les envolées de clarinette.

Opus 5 : « Les deux écritures » pour l’envoûtement provoqués notamment par les 2 violoncelles l’un cordes pincées, l’autre à l’archet et la clarinette virevoltante.

Opus 8 : « La fin des phrases » pour le contraste entre une entame calme à l’archet percutée par Louis en mode « free » à la clarinette basse, Kevyan CHEMIRANI au daf et les cordes pincées vivement avec brio

Opus 10 : « Les saisons du Delta » pour la savante mélodie ainsi que la liberté d’action des instrumentistes : cadence martelée des percussions, impatience de la clarinette, violoncelle orientalisant : magnifique !

Opus 11 : « Red Point » pour le solo final de percussion.

Bref, encore une fois Louis SCLAVIS nous séduit en même temps par son audace et sa constance à nous faire partager son univers qui s’enrichit toujours davantage ainsi que ses choix de partenaires éloignant toujours plus loin les frontières du jazz !

Et vivement le concert pour mieux appréhender qui joue quoi entre les 2 violoncellistes !