Par Robert Latxague, photos Philippe Marzat

Jean Marie Machado (p), Didier Ithursarry (accordéon) Éric Seva (ts, ss), Kevin Reveyrand (elb), Jean-Luc Di Fraya (dm, cajón, voc) Festival Jazz et Garonne, Comédia, Marmande (47 200), 11 octobre 2019

Accordéon ou piano, il s’agit toujours d’une histoire d’amour des claviers sous les doigts des deux musiciens. Seule la nature des sonorités souligne la différence. De fait ce concert confirme l’impression ressentie à l’écoute de l’album paru cette année en matière de sons comme de musique produite. Jean Marie Machado, Didier Ithursarry : entre deux, il s’agit bien d’un mariage réussi. On y distingue des lignes harmoniques originales et des accords croisés, comme autant d’effusions nées autour de la mélodie (Aspirer la lumière) Attention : il peut aussi intervenir de courts moments de séparation. Ainsi en est-il de cette longue introduction en accordéon solo (Didier Ithursarry) découpée très fine avant que le couple ne se retrouve dans un échange d’unissons. Maintenant voilà venu un moment d’émotion intense dédié à la mémoire de Jacques Mahieux, l’ami batteur disparu voici quelques années déjà. Puis une grappe de notes bleues-nuit s’égrènent à l’évocation d’un fado inspiré de la voix sombre d’Amalia Rodriguez. L’imbrication accordéon-piano sur cette “Vuelta” d’essence lusitanienne regorge alors de breaks, de coupures, de reprises comme autant de phrases-chocs directement lâchées. On a besoin d’un temps de repos, d’apaisement ? L’adaptation soyeuse d’une “Nocturne no 1” de Chopin se profile à propos répondant à un appel d’air doux en autant de belles notes claires sorties du ventre du piano. “Broussailles” pour conclure, morceau dédié aux nécessités du maintien d’un environnement sain, écho d’une écologie musicale à inventer, occasion en tous cas d’un emboîtement de souffles et d’accords. Avec Machado et Ithursarry aux fourneaux, piano et accordéon se trouvent ainsi servis chauds. En plat direct.

Triple Roots : quel plaisir déjà de redécouvrir Éric Séva jouant du sax ténor “Depuis longtemps j’entais attiré par la perspective de jouer dans cette formule à trois sans instrument harmonique. Ce trio — Kevin Reveyrand, basse, Jean-Luc Di Fraya,/batterie — nous donne un espace de liberté dans un terrain de jeu différent, idéal à mes yeux pour une circulation aisée de la musique. Donc porteuse d’originalité. Sur ce point par exemple le set de batterie de Jean Luc Di Fraya, avec l’apport d’un cajón plus sa voix utilisée en contre-chant, accentue la tonalité acoustique. Certes mon instrument naturel ce serait plutôt le soprano. J’avais pourtant grande envie de renouer avec le sax ténor”

Grosse présence de ce cuivre : on entend ainsi sortir du pavillon de l’instrument une sonorité ferme, puissante. Dominante qui n’exclut pas pour autant la nuance selon la nature des thèmes composés. (“Luz de Port Coton”) Dans la géométrie simple du trio Éric Séva joue avec l’espace, à tout instant, cherche l’échange. Et pousse vers l’ouverture aux (deux) autres “Cette formule je la conçois comme un terrain de jeu favorable à l’expression de la liberté de chacun. Idéale pour la circulation de la musique” La colonne d’air du ténor alterne entre un son velouté et l’injection de reliefs ciselés. De quoi corser le discours (“Les roots d’Alicante”)

La surface du trio ainsi constitué vaut bien sûr également par l’apport conjugué basse (électrique) et batterie “Il s’agit plus que d’une simple rythmique. Plutôt une force collective capable de cultiver l’interplay en mode de conversation à trois” analyse Éric Séva. Le rôle d’Eric Di Fraya, musicien spectaculaire au sens littéral du terme, s’affirme alors décisif. Question de visuel déjà. L’expression part du visage passe ensuite par la gestuelle accompagnant chacune des actions/créations sur la batterie. Dans l’application/implication sur l’instrument ensuite : nature des frappes, des accents, jusqu’au travail sonore très original dessiné en couleurs fortes sur les mini cloches, les cymbales.

En bonus enfin offert par le musicien marseillais comment ne pas noter la force des contre-chants, cette drôle de voix perchée dans l’aigu en soulignement judicieux des mélodies sculptées au sax ténor (Moka Maka) Éric Séva tire partie d’un long travail de compositions originales. Le concert — en attendant du disque qui devrait venir l’an prochain — révèle une construction musicale bâtie pour un jeu très libre d’inspiration “C’est du 50/50 entre écrit et improvisé. Je tiens à ce que nous prenions, chacun, autant de plaisir à jouer ce jazz très ouvert en mode collectif”  

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Et n’oubliez pas, bientôt Jazz à Caudéran organisé par Action Jazz ! Réservations sur ww.jazzacauderan.fr AFFICHE_JAC_A3_HD-definitive