Par Philippe Desmond

Le Thélonious, Bordeaux vendredi 1er novembre 2019

Beaucoup d’offre ce soir à Bordeaux pour écouter du jazz et des équipes d’Action Jazz dispersées sur plusieurs fronts musicaux. Pour ma part c’est au Thélonious (avec un accent s’il vous plaît) que j’ai choisi d’aller car une « vieille » connaissance y joue. Un musicien qui vient juste de changer de décennie et pas vers la moins agréable, fini le teenager. Et oui depuis le temps qu’il a 15 ans Tom Ibarra en a désormais 20. On le connait et on le suit depuis l’âge de conduire les scooters auxquels il n’a jamais touché d’ailleurs, préférant le manche de ses guitares au guidon de ces engins. Que de choses se sont passées depuis. Deux formations, deux albums (« 15 » et « Sparkling ») , le bac, les études au CMDL (l’école créée par Didier Lockwood qui l’avait sous son aile) des prix dont le prestigieux « Rising Stars Jazz Award » en 2017, des tournées européennes, en Chine, des collaborations notamment avec Marcus Miller, Jean-Marie Ecay, de nombreux concerts et jams à Paris et donc en région comme ils disent là-haut. Un vieux routier déjà !

Ce soir avec ce concert dans une formation trio « one shot » c’est l’occasion de faire le point sur son actualité. On va y venir.

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Long week-end de Toussaint, temps pluvieux, quelques inquiétudes pour le maître des lieux et la bonne surprise d’un Thélonious complet. La notoriété du leader du soir y est certainement pour beaucoup. Tom Ibarra est entouré du pianiste toulousain Etienne Manchon qui à 24 ans a lui aussi un CV premium, du jazz et musiques actuelles au …baroque et du bassiste – et contrebassiste – Denis Pitalua, un an de plus et que Tom a rencontré au CMDL, très actif lui aussi sur la scène parisienne.

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Un « one shot » donc comme de temps en temps Tom aime en proposer. L’occasion pour lui de diversifier sa musique, de se mettre en danger, d’enrichir cette culture jazz et sa liberté d ‘improvisation. Tant mieux pour nous qui périodiquement en profitons ici.

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Répertoire éclectique de Robert Glasper avec « FTB », Stevie Wonder et « Superstition », Herbie Hancock période Headhunters pour « Actual Proof ». John Scofield est là aussi, Benjamin Casey (le sax de Glasper)… et même qui vous savez avec un « Don’t Stop Til You Get Enough » bien torturé.

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Le ton du trio reste assez soft mais suffisamment puissant pour dominer les inévitables conversations. L’entente sur scène saute aux yeux, on s’écoute, on en laisse un partir et on le suit, on se retrouve, on discute, on se questionne et on se répond. Exercice délicat sur cette scène nue, presque au milieu du public. C’est ça aussi le jazz – qui a dit surtout ? – les petits clubs, la proximité, l’aventure à chaque mesure. Le son de guitare est assez naturel, pas ou peu d’effets, Tom n’est jamais en démonstration surtout pas pour ce type de concert, il raconte des choses, on le sent chercher, trouver, s’installer, repartir ailleurs. Au clavier électrique Etienne Manchon nous montre toute sa palette, ses palettes. Rythmiquement et harmoniquement il est remarquable et lui aussi sans tapage, ses dialogues avec Tom semblent évidents alors que rien n’a été préparé ou si peu.

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Le groove discret de Denis est lui magnifique de finesse et d’efficacité tranquille, visiblement il se régale à mettre en valeur les deux solistes, il leur plante les pitons auxquels les deux peuvent s’accrocher en toute sécurité pour escalader les notes. La classe messieurs.

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Tom Ibarra proposera un autre trio inédit au même endroit le vendredi 20 décembre avec Milàn Tabak (batterie) et Noé Berne (basse). Encore des surprises donc.

Mais son actualité est différente, elle n’est pas en trio comme ce soir, ni en quintet comme pour son groupe précédent mais en sextet ! Du quintet on retrouve Jeff Mercadié (sax) et Auxane Cartigny (claviers) alors qu’arrivent Lilian Mille (trompette), Noé Berne (basse) et Tao Ehrlich (batterie). Allez voir les pedigrees de cette jeune garde, ça devrait bien gazer cette affaire !

Le sextet s’est rodé à Paris, au Caveau des Oubliettes, à Shangaï (!) avant de mettre l’album en boîte en octobre dernier au Bœuf Sur Le Toit à Lons le Saunier, à l’issue d’une résidence. La sortie est prévue en mars ou avril et il y aura un concert au Rocher de Palmer. Ils continuent le rodage le week-end prochain au Mo’Jazz Festival à Cayenne histoire d’épicer un peu plus leur musique.

Il y a quoi alors dans cet album ? Neuf titres dans un style un peu différent tirant vers l’electro pop me confie Tom. (Ouh là là, certains vont tousser ! ) Neuf compositions personnelles très orchestrées avec des arrangements du groupe où chacun a pu mettre sa patte poursuit-il. Si Guillaume Thévenin (du studio Cryogène à Bègles) reste notre ingé son pour les tournées c’est Bertrand Fresel qui a travaillé sur le disque. Cet ingénieur du son réputé a une palette large, il a collaboré dans le jazz pour Tony Allen, Etienne M’Bappé, Nicolas Viccaro, le Sacre du Tympan mais aussi pour Melissa Laveaux, Katerine, Vanessa Paradis, Odezenne et même Bernard Lavilliers… Un gage d’ouverture ce qui est fondamental désormais, les musiques s’entrecroisant de plus en plus.

Nous voilà impatients d’entendre ça ! Un titre teasing de prévu Tom ? En janvier en principe.

A suivre !

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Et n’oubliez pas, bientôt le festival Jazz à Caudéran !

Réservations sur www.jazzacauderan.fr

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