Marion Rampal à l’Astrada de Marciac
« Tissé »
par Annie Robert, photographies du concert : Philippe Quevauviller
L’Astrada, Marciac, 4 août 2022
Il y a des artistes dont l’univers n’est pas facile à apprivoiser. Il nous faut de la concentration pour partager un projet intellectuel plus que sensuel, pour entrer dans une atmosphère. Parfois on passe à côté, faute de lien, parfois c’est un dévoilement lent qui se mérite. Et puis il y a des artistes avec lesquels la complicité est immédiate et fulgurante. C’est le cas de Marion Rampal.
Peut être est- ce dû à sa présence d’ une simplicité limpide, son air de grande sœur que l’on devine rassurante, aimante. Peut être est ce du à sa voix à la fois pleine et mélancolique, charmante et subtile, forte et délicate. Peut être encore à ses inspirations et ses influences qui convoquent folk, musique cajun, blues, soul et maloya pour tresser, tisser, un langage qui lui est propre et qui nous est familier. Le contact se fait, l’intimité et la proximité sont là.
Elle a un côté troubadour, porteuse de chants du quotidien avec sa vie amoureuse, ses espoirs déçus ou exaucés, ses inquiétudes et ses joies. « On fait du nouveau avec de l’ancien, toujours. » dit elle ( tiens cela m’évoque les Rocks stars du moyen âge de F. Cabrel.) .
Son nouvel album « Tissé » se compose de mélodies lumineuses, de textes poétiques écrits en français dans une langue riche ou en anglais. Inspirée par le français des créoles et des cajuns, elle a créé sa «langue des cœurs coulés », entre tradition et invention, mélodies entêtantes et improvisation, émotions contenues et déferlement, cris et désespoirs mais aussi joie bien vivace.
Le mot fort qui vient à l’esprit en écoutant les morceaux qu’elle déroule pendant le concert c’est sincérité : sincérité du propos, sincérité du chant, sincérité des musiciens qui l’entourent également, inventifs dans les impros, délicats dans l’accompagnement.
Le concert s’ouvre avec « A volé » un jolie ballade à danser, à la fois gaie par son rythme et triste par son contenu, puis suit « Reminder » sur les petites choses du quotidien si dérisoires et si nécessaires pourtant. Créatrice, Marion Rampal se fait aussi interprète pour une chanson de Bob Dylan « It’s all right ». Le chant est au centre du concert évidemment, mais autour d’elle, les cinq musiciens font merveilles : le piano volubile et parfois décalé dans ses choix de Pierre-François Blanchard, la section rythmique nickel chrome, solide mais pas envahissante avec la contrebasse de Simon Tailleu toujours au top et la batterie de Raphaël Chassin d’une précision à toutes épreuves, la guitare folle, chantante et électrique à souhait d’ Aurélien Naffrichoux et le trombone vivifiant de Sébastien Llado avec ses notes colorées et fantaisistes l’entourent..
« L’île aux chants mêlés » nous entraîne ans un rêve conté, plein d’ espoir, chaloupé comme une fanfare cajun. Le morceau suivant sera tout son contraire, vrombissant de trombone, criant de voix , son rythme rock final mélangé de folie fait décoller l’atmosphère. Calling to the Forest résonne ensuite comme une berceuse poétique et dispense un moment d’apaisement spirituel et doux.
La salle est rapidement et depuis le début conquise. Et c’est avec plaisir que le chant de « Early in the morning » se fera participatif. Tout le talent de Marion Rampal est là, elle sait faire partager, s’approcher au plus près des gens, parler à leur émotion dans un fondu enchaîné, où l’on se laisse guider de son plein gré. On baigne dans un mélange coloré, chaleureux, rempli de tempêtes tropicales, de souffles frais, de voiles sur la mer, de rêveries de fin de travail ou de forêts profondes ou de colères sacrées.
Deux rappels clôtureront ce concert, un petit blues en forme de love song juste guitare / voix absolument délicieux et une acmé tragique avec la chanson de Niagara « Pendant que les champs brûlent » tout à fait de circonstance.
C’est drôle les concerts. Parfois on a envie qu’ils se poursuivent encore et encore. On regrette de se quitter, on était juste très bien ensemble et c’est tout…
Marion Rampal c’est ça. On est juste bien avec elle et voilà.