Texte et photos Vince

Festival l’été musical en Bergerac 2019

Khalil Chahine : un guitar hero trop discret

Chaque été depuis 30 ans, Marc Chisson et l’Association ABC Musique implantée dans le Périgord Pourpre (sud Dordogne), organisent un festival d’une vingtaine de spectacles dans des lieux prestigieux et insolites de ce beau coin du Sud-Ouest. Cette série de spectacles est ouvert à tous les genres artistiques mais en faisant une large place à la musique classique, au jazz, aux musiques traditionnelles, à la danse et au théâtre.

Jeudi 8 août 2019, Château de Biron : Khalil Chahine

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Né en France de père Egyptien et de mère Américaine, le guitariste et compositeur Khalil Chahine, a réalisé huit albums en 30 années de carrière : Mektoub, Turkoise, Hekma, Opake, Baktus, Noun, Kairos et Kafé Groppi. Il a aussi accompagné de nombreux artistes comme Michel Legrand, Martial Solal, Jacques Dutronc, Diane Dufresne, Françoise Hardy et travaillé pour le cinéma, la télévision et la publicité. Depuis 1990, il a notamment composé et dirigé une dizaine de musiques de film, dont plusieurs pour Gérard Jugnot (Fallait pas !…, Meilleur espoir féminin, Monsieur Batignole, C’est beau la vie quand on y pense).

Avec son dernier album, « Kafé Groppi », sorte de madeleine de Proust, il assume et immortalise plus que jamais ses souvenirs du Caire de son enfance et des parfums d’une Egypte à jamais disparue.

Eric Séva (sax).JPG

21h00 et quelques grosses miettes, Khalil Chahine, suivi de Christophe Cravero, d’Eric Séva, de Kevin Reveyrand et de Matthieu Chazarenc font leur entrée sur la grande scène dressée au milieu de la cour du Château de Biron.

Christophe Cravero (p).JPG

Après une intro tonitruante (la même que dans l’album « Kafé Groppi »), intitulée « Le Jour Omaha » (peut-être inspirée par les événements qui ont eu lieu sur la plage du même nom quelque part en Normandie…), ce quintet de luxe entame un boléro orientalisant emmené par le son ondulant du violon. Christophe Cravero, aussi à l’aise avec un archet sur quatre cordes que sur les 88 touches du piano, nous embarque déjà dans les souvenirs d’enfance de Khalil Chahine, dans un proche orient rêvé où les cultures se métissent avec harmonie.

Christophe Cravero (violon).JPG

Sur le titre « Synoptic » qui suit, l’ambiance change un brin. Sur un ostinato mid tempo au piano, l’intro à l’unisson en duo guitare saxophone plante une ambiance jazzy très singulière. Khalil Chahine s’empare alors de l’harmonica qu’il fait résonner avec le son pur et droit du sax soprano. Le thème est délivré, majestueux, impeccable. Le soutien rythmique puissant de la paire basse-batterie pose toute l’ambition de ce titre nerveux, presque fiévreux.

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Le concert a démarré depuis 20 bonnes minutes lorsque Khalil Chahine prend la parole. Il présente ses complices et évoque le contexte de son nouvel album paru en 2018 et intitulé « Kafé Groppi ». Il raconte comment la nostalgie l’a rattrapé et poussé à écrire cet album. Il nous parle avec humour et pudeur de cette pâtisserie de son enfance, au décor luxuriant, aux gâteaux délicieux, aux personnages y parlant de poésie et de femmes… Alors le groupe enchaîne avec le titre éponyme sur un tempo lent et des sonorités mineures, propices à un léger spleen, en effet. La fusion guitare-violon est remarquable, tant par la subtilité du jeu, que dans le parfum d’orient qu’il exhale. On n’écoute plus de la musique, on voyage. Le public attentif retient ses applaudissements jusqu’à la dernière note pianissimo. Paraphrasant Sacha Guitry qui le disait de Mozart, lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Khalil Chahine , le silence qui lui succède est encore de lui.

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A la toute fin du morceau, les 10 coups de 22h00 sonnent à la chapelle du superbe Château de Biron, un peu comme si la cloche avait attendu elle aussi pour se manifester, la fin du morceau. Toute l’assistance en sourit, à commencer par les musiciens eux-mêmes.

Encouragés par tant de bravos, les 5 artistes en parfaite symbiose entament « Eikos ». Sur un tempo vif, la virtuosité d’Eric Seva au sax soprano, sert à merveille l’écriture lyrique, raffinée et toujours métissée de Khalil Chahine qui lui répond à la guitare.

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Une autre conversation débute entre la guitare et le violon sur le titre « Ojos de cielo ». Une fois encore, la qualité du travail de Khalil Chahine est mise en lumière dans ce thème. « Sous les cimes » et « Pauper » finissent le set en beauté. Sur leurs solos respectifs, Kevin Reveyrand (basse) et Matthieu Chazarenc (batterie) auront pu éclabousser la soirée de leur talent de soliste.

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Chaque note jouée ce soir d’août sous les étoiles est une comme pépite extraite des instruments, et délicatement posée dans le superbe écrin du Château de Biron dont les couleurs et les ombres évoluent aux lueurs du soleil couchant. Quelle belle soirée !

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Presque étonnés par les applaudissements et les bravos qui pleuvent du public, les musiciens reviennent sur scène pour interpréter un dernier titre beaucoup plus ancien, « Guizeh », là encore pour nous ramener sur les chemins de son enfance, dixit Khalil Chahine.

Entouré de musiciens non seulement talentueux mais aussi et surtout à l’écoute des subtilités et du raffinement de son jeu et de son écriture, Khalil Chahine est un guitariste résolument à part dans le paysage jazz français, et hélas trop rare sur scène, à mon goût.

Musiciens :

Khalil Chahine (guitare et harmonica)

Christophe Cravero (piano et violon)

Eric Séva (saxophones)

Kevin Reveyrand (basse)

Matthieu Chazarenc (batterie)

Set list (à retrouver sur le CD  « Kafé Groppi »)

  • Le Jour part 2 Omaha
  • Cinque
  • Synoptic
  • Kafé Groppi
  • Eikos
  • Sous les cimes
  • Pauper

Rappel

  • Guizeh (album Mektoub)

Le festival